Le 14 novembre, Jean-Paul Celet, préfet référent du Plan national loup, est venu dans l'exploitation de Frédéric Lajoinie, exploitant à Saint-Parize-le-Châtel et ayant subi des attaques.
Jean-Paul Celet, préfet référent du Plan national loup, s'est rendu chez Frédéric Lajoinie (Saint-Parize-le-Châtel), le 14 novembre, afin de discuter de la prédation et plus exactement du « triangle des Bermudes de la prédation » comme le définit un responsable administratif présent… Pour mémoire, Frédéric Lajoinie, est un des nombreux éleveurs ayant subi des attaques dont la responsabilité du loup n'a pas été écartée (1) dans le secteur Saint-Parize-le-Châtel, Nevers, Mars-sur-Allier. La rencontre, initiée par la FDSEA 58 et les JA 58, a rassemblé d'autres éleveurs impactés, la Chambre d'agriculture de la Nièvre, la Fédération des chasseurs de la Nièvre, les Louvetiers 58, l'OFB, la DDT 58, et d'autres syndicats agricoles.
Après quelques échanges de politesse, Jean-Paul Celet indique : « je suis là pour répondre à vos questions ». Et des interrogations, les éleveurs en ont beaucoup : « Pourquoi est-ce si long entre les attaques et les octrois des tirs de défense ? », « Est-ce que l'État veut-il encore de l'élevage dans les campagnes ? », « Qui va poser et entretenir les clôtures ? Vous ? », « Pourquoi la mise en bâtiment n'est pas considérée comme un moyen de protection ? », « À quoi sert un filet d'1m40, quand on sait qu'un loup peut sauter par-dessus ? », « Vous vous rendez compte de l'organisation supplémentaire que la présence du loup occasionne dans nos exploitations au quotidien ? ». Face à cela, les figures de l'État invoquèrent lois et respect de la réglementation. Avec deux langages s'entrechoquant, les uns parlant de ressenti face à la découverte d'une dépouille, quand les autres insistent sur les déclarations à faire, deux mondes se parlent sans forcément se comprendre… Puis, il est question d'argent.
Gouffre du loup
Le Préfet Celet détaille que les indemnisations, seules, représentent : « au total, 4 millions d'euros. Sans les coûts de mise en place des moyens de protections ». Pour ces derniers, il annonce « 37,5 millions pour 2024 ». Mathieu Moreau, exploitant à Saint-Parize-le-Châtel et lui aussi ayant subi des attaques (2), réagit aussitôt : « on va diviser ce dernier chiffre avec l'effectif de loups annoncé par le préfet pour la France (1 100) », il s'exclame : « 33 636 euros par loup ! C'est plus que ce que gagne un paysan ! ». Sans faillir, le préfet poursuit ses discussions, insistant sur le travail mené pour la rétrogradation du loup en espèce protégée (3) tout en indiquant que si la population lupine augmente depuis 7 ans, la prédation, elle, stagne en France, ou encore sur le fait qu'en 2023, 207 loups avaient été tués, et 194 pour 2024, et en précisant que l'État français peut éliminer 19 % de la population lupine « plus que n'importe quel État membre de l'Union Européenne ».
Sur le terrain
Thomas Lemée, président des JA BFC, rebondit : « Et, alors ? Ça change quoi pour nous ? ». Encore une question, qui ne semble pas trouver réponse… Florent Ortu, directeur de la Fédération de Chasse de la Nièvre, rappelle tout de même la formation loup prodiguée à 43 chasseurs (et en plus une conférence spécifique tenue le 3 décembre sur le sujet), et du directeur de la DDT 58, Pierre Papadopoulos, de rajouter : « aujourd'hui nous avons 13 louvetiers et nous allons prochainement en avoir 17 » ; l'espoir que cela change la situation des éleveurs est donc donné, sans pour autant accorder aucune assurance pour un prochain éclaircissement de la population lupine de la Nièvre. D'ailleurs, sur le recensement de l'effectif lupin, le Préfet Celet indique la mise en place d'un nouveau système pour « obtenir une estimation plus précise via des analyses génétiques ». La question du temps de traitement des analyses par l'unique laboratoire habilité dans le domaine a été posée, Florent Ortu pointe que « pour avoir des résultats d'analyses génétiques pour savoir si oui ou non il s'agit bien d'un loup, il faut 6 mois. C'est un peu long… ». Didier Ramet, président de la Chambre d'agriculture de la Nièvre, interpelle le Préfet Celet sur la présence d'un laboratoire départemental : « pourquoi n'est-il pas mis à contribution pour accélérer le processus ? » ; question restée, là aussi, sans réponse.
Persister… ou pas
En prenant le temps de dire au revoir à chacun, le Préfet Celet s'en est allé, emportant avec lui une liste de questions transmises par Olivier Laporte, vice-président du dossier prédation pour la FDSEA 58 : « Il y en a 22. J'attends donc 22 réponses ». Si la venue du Préfet fut appréciée à bien des égards, il n'en reste pas moins que les exploitants n'avaient « pas spécialement d'attentes, voire aucunes » et ne sont donc « pas déçus ». En attendant d'avoir peut-être des actes de l'État aux répercussions plus concrètes et rapides sur le terrain, les exploitants arpentent leur quotidien semé d'attaques (déclarées LNE ou indéterminées) à l'image de chez Julie Cadiot (Challuy), où un veau a été retrouvé déchiqueté le 4 novembre (et dont trois sont toujours portés disparus) ou de son voisin (Challuy) avec une génisse prédatée le 14 novembre, ou d'abandon, comme pour Pierre Labonde (Saint Révérien) qui arrête définitivement son activité : « face à tout cela ainsi qu'à cause de la vassalisation du monde agricole et de la condescendance des instances, je me suis dit stop ».
1. https://www.agribourgogne.fr/articles/22/10/2024/Encore-et-encore-pour-toujours-95076/
2. https://www.agribourgogne.fr/articles/22/10/2024/Le-prix-du-sang-95065/
3. https://www.agribourgogne.fr/articles/04/10/2024/Une-detresse-entendue-94905/