Suite aux nombreuses attaques sur des troupeaux ces derniers mois, et après une dernière ayant eu lieu le 14 octobre, l'éleveur concerné par celle-ci, soutenu par la FDSEA 58 et les JA 58, a décidé de rassembler les carcasses le même jour devant la préfecture à Nevers.

« En deux mois, ce sont 250 animaux qui ont disparu dans notre territoire à cause de la prédation, soit une exploitation ovine complète… Il faut que cela s'arrête ! » insiste Emmanuel Bernard, président de la FDSEA 58, lors de la mobilisation du 14 octobre devant la préfecture de la Nièvre à Nevers, suivi également par les JA 58. Pour mémoire, cet appel à manifester faisait suite à une attaque sur troupeau, ayant eu lieu le même jour, au Domaine Ragon (Saint-Parize-le-Châtel). Sur cette dernière, Mathieu Moreau, chef de l'exploitation associé avec Charlène Moreau, détaille : « Nous comptabilisons 11 animaux morts et 9 blessés, dont la survie de certaines n'est pas assurée ». Seconde attaque sur son cheptel, le Domaine Ragon avait déjà subi une prédation (LNE) en août où 22 brebis ont succombé. Charlène Moreau martèle : « Cela commence à faire beaucoup. Et nous ne voulons plus être invisibles. Il fallait donc montrer à tous ce que c'est d'avoir le loup chez nous ».
Une aberration à expliquer
Il fut difficile pour les passants de ne pas apercevoir les carcasses disposées devant le parvis de la Préfecture, en plein centre-ville. Interpellés par cette scène peu commune dans le paysage neversois, les badauds se sont arrêtés pour poser des questions : « qui a fait ça ? », « où cela s'est déroulé ? », « Y a-t-il d'autres éleveurs touchés ? »… Une fois ces interrogations posées, les éleveurs et représentants syndicaux engagèrent la conversation afin d'expliquer la situation. Mathieu Moreau insiste : « il faut que le grand public comprenne que notre gagne-pain est en jeu et que le loup n'attaque pas que pour manger. J'ai entendu nombre d'inepties comme « les brebis se font tuer par les chiens de troupeaux qui ne sont pas nourris » ou encore « elles sont attaquées par des prédateurs à deux pattes ». Nous ne pouvons plus entendre ça. Il faut communiquer car le loup est une aberration ». Il développe : « La présence du loup coûte une fortune au contribuable afin, soi-disant, de rétablir une certaine biodiversité, alors que cet argent pourrait vraiment servir à la nature… La prédation nous force à mettre nos animaux en bâtiment ce qui va à l'encontre de nos conduites herbagères où ils sont censés être dehors une majorité du temps. De plus, en les rentrant, nous utilisons de la paille pour les litières et des compléments alimentaires pour pallier l'absence de pâturage… En parallèle, nous ne pouvons plus mettre nos animaux dans toutes les parcelles dédiées, ce qui engendre un surpâturage de celles où nous les installons (proches des bâtiments) et donc une pression parasitaire plus importante qui nous nécessite des traitements médicamenteux. C'est anti-écologique et anti-économique ! En plus de tout cela, depuis la première attaque en août, je rentre mes brebis tous les soirs, ce qui me rajoute du boulot dans le boulot, avec une astreinte obligatoire en soirée afin de les installer en bergerie avant la nuit. Par ce temps libre en moins, la vie familiale est, elle aussi, attaquée ».
Conséquences et solutions
Malgré son amour pour l'agriculture et pour l'élevage ovin, la situation devient intenable pour Mathieu et Charlène, les forçant à envisager l'avenir différemment : « En août, 22 brebis sont mortes, et là 19. Nous nous posons sérieusement la question d'arrêter cet élevage. Au départ, nous avions 400 ovins, et nous avons réduit ce nombre afin de baisser le chargement des parcelles pour faire face aux problématiques engendrées par les sécheresses. Et là, nous envisageons de le réduire encore, voire de l'arrêter complètement si la prédation continue ainsi. Aujourd'hui, nous devons nous mobiliser pour activer les clés légales à notre disposition. Il faut que tous les éleveurs demandent un tir de défense simple sur les parcelles, et rassemblent les numéros de personnes ayant un permis de chasse valide. Nous devons montrer que nous faisons toutes les démarches possibles pour sortir de cette situation afin que l'administration et l'État prennent les mesures à leur disposition pour régler le problème. Certes, le fait que les tirs de défense simple soient assujettis à une parcelle est une absurdité administrative complètement inefficace pour traquer le loup, mais nous devons faire avec, nous n'avons pas le choix. C'est pour cette raison qu'il faut un maximum de demandes pour un maximum de parcelles. Si nous souhaitons continuer à avoir de l'élevage dans nos zones bocagères, il faut des solutions drastiques. Car pour le moment la prédation se fait sur les ovins, mais quand il n'y en aura plus, elle se portera sur les bovins et les équidés… Il faut des solutions rapides avant qu'il n'y ait plus d'ovins, voire plus d'élevage du tout ». Ils concluent : « dans tous les cas, soit les gens veulent de l'élevage et donc des habitants dans les communes rurales, soit ils veulent du loup… Dans notre territoire, on ne peut pas avoir les deux. Il va falloir choisir et cela aura forcément un prix ».

Soutien et rencontre
Durant l'appel à mobilisation, d'autres éleveurs ovins étaient présents pour montrer leurs soutiens, à l'image de Camille Rouchon, éleveuse à Bitry, ayant subi une attaque il y a deux ans : « Je sais ce que cela fait, donc il était important pour moi d'être là ». Pour elle, la situation doit évoluer : « Quand on voit l'hécatombe dans le secteur de Mathieu, il faut que cela bouge. Les moyens de protection ne font rien, donc il faut passer à la vitesse supérieure et tuer le spécimen responsable des attaques. Et, c'est à l'État de prendre la décision rapidement ». Afin d'échanger sur le sujet, une délégation d'une vingtaine d'éleveurs et représentants syndicaux a été reçue à la Préfecture durant 2 heures. Charlène Moreau, sortie avant la fin de la réunion, insiste excédée : « Nous voulions ramener une brebis dans la Préfecture pour qu'ils se rendent compte de ce que c'est. On nous a empêchés de rentrer avec ; c'est dommage. Pour les discussions, à mon sens c'est du blabla. On nous parle de réglementation, quand nous parlons d'animaux morts ; force est de constater que nous ne parlons pas le même langage. Et, en plus, on nous dit que ramener des animaux dans cet état dans le centre de Nevers ce n'est sanitairement pas top… Mais, nous, qui nous épargne ? ». Pour les autres, les conclusions furent aussi mitigées, comme Mathieu Moreau qui lance : « c'est encore aux éleveurs de faire les démarches ». Olivier Laporte, vice-président du dossier prédation pour la FDSEA 58, réagit : « nous avons été reçus c'est bien. Maintenant, il faut que tous ceux concernés fassent des demandes de tirs simples. Toutes les demandes seront une justification supplémentaire à l'intervention des brigades de louveterie spécialisées dans la traque du loup ».