Soirée Grandes cultures de la FDSEA 58
S'imposer par l'innovation
La section grandes cultures de la FDSEA 58 proposait sa soirée dédiée le 22 janvier, à Garchy, avec un peu de retard, puisque l'édition 2024 n'a pas pu avoir lieu ; explications et retours.

« C'est avec un peu de décalage que nous organisons la traditionnelle Soirée grandes cultures, puisque les conditions climatiques de la fin d'année 2024, et l'agenda chargé de tout le monde, nous ont empêchés de la faire avant » introduit Jean-Charles Zwaenepoel, agriculteur à Varennes-lès-Narcy, président de canton et président de la section grandes cultures de la FDSEA 58, le 22 janvier à Garchy. Après, le thème « Nouvelles énergies : imaginons le monde d’après en machinisme agricole et quelles perspectives pour les filières biocarburants ? » en 2023, cette année, la réunion était axée sur : « Protéines végétales : de la géopolitique à la génétique ».
Afin d'éclairer le sujet, Benjamin Lammert, président de la Fédération des producteurs d’oléoprotéagineux (Fop) et Arnaud Rondeau, chargé de mission syndicale et environnement à la Fop, étaient conviés.
Anticiper, rechercher et assurer
Pour comprendre la répartition du marché en termes de protéines végétales, Arnaud Rondeau s'attacha à présenter les grandes étapes historiques qui menèrent à une dominance Américaine en la matière : « Avant la guerre, les États-Unis avaient déjà positionné ses pions sur la filière oléagineuse notamment pour éviter une certaine dépendance à d'autres pays, tout en sécurisant les marchés en Europe pour son exportation, pour ce pan mais également pour la filière porc entre autres ». Parmi les grandes étapes, il évoqua la mise en place de systèmes de prix garantis aux producteurs et des subventions accordées aux industriels dès 1941, le déclenchement du Plan Marshall (1944), les négociations Dillon Round (1960-1961), ou encore le Kennedy Round (1967-1968) : « De nombreux paliers et une anticipation importante ont permis aux États-Unis d'asseoir leur monopole sur les protéines végétales durant les années soixante-dix. Mais, les tensions géopolitiques ont eu des conséquences pour la suite ». Avant d'aborder ces éléments, il insiste sur le savoir-faire Français de l'époque en matière de recherche en mettant en exergue les travaux de l'Inra : « Cet organisme est à l'origine du 1er hybride mondial de tournesol (le 6501) lancé en 1970. Et ce n'est pas son unique accomplissement, puisqu'il fut également pionnier pour un programme de recherche sur le colza 0 acide érucique ou encore celui sur le colza glucosinolate 00… Cela a été l'un des moteurs pour le lancement du plan protéines en France en 1974 ; mais les autres pays n'avaient pas attendu pour s'engager ». Là, il revint sur les différents pays émergents durant les années soixante-dix et quatre-vingt en matière de protéines végétales : « Durant cette période, le Brésil ou encore l'Argentine se positionnent (le Brésil représente, actuellement, la moitié de la production mondiale du soja) ». En parallèle, il pointe la création des premières PAC en Europe : « la réglementation s'est durcie au fil du temps, mettant à la marge les producteurs européens de protéines végétales, et encore plus les Français. En matière de mouvements géopolitiques, évoqués plus haut, les États-Unis craignant une pénurie de soja (courant 1973), les autorités décrètent un embargo sur les exportations – ce qui sera d'ailleurs un électrochoc pour la PAC mais aussi pour Jean-Claude Sabin, exploitant dans le Tarn et secrétaire d'adjoint de la FNSEA de l'époque, qui proposa alors un plan protéines, pour apporter des réponses aux éleveurs risquant une rupture d'approvisionnement ».
Aujourd'hui pour demain
Il poursuit sur un spectre plus récent : « Actuellement, nous sommes dépendants de l'importation de protéines végétales à hauteur de 37 % pour la France et de 63 % pour l'Europe. Cette différence s'explique par une stratégie nationale différente de celle des autres pays, avec en sus une filière forte et organisée cherchant des solutions pour anticiper l'avenir ». Sur ce dernier point, Benjamin Lammert, prit la parole pour rappeler le « rôle central » du groupe Avril, à la fois dans la commercialisation mais également dans la recherche via les soutiens aux organismes tels que Terres Univia, Terres Inovia ou encore Sofiproteol : « la recherche génétique est une prérogative pour développer et pérenniser la filière tout en gardant à l'esprit les débouchés ». Pour l'exemple, le carburant aérien fut utilisé : « ils vont devoir décarboner, et le marché de graines pour ce domaine va être énorme ». La salle interpelle alors : « Seul problème, nous sommes contraints par une réglementation différente, notamment sur le fait que ces cultures doivent être intermédiaires ». Benjamin Lammert rétorque : « nous travaillons à faire comprendre cela aux instances afin de débloquer certains leviers » et continue : « nous avons réalisé un gros état des lieux de la filière il y a quelques mois afin d'établir un plan d'action précis pour la filière pour la rendre plus forte. Nous nous sommes et nous serons toujours attachés à valoriser les productions et à avoir des productions valorisables. En parallèle, l'impact du changement climatique est visible dès à présent et il faut trouver des solutions : la recherche génétique est un premier pilier ». Sur l'incertitude de l'avenir face aux conséquences des conflits géopolitiques en cours, il stipule : « la production française a toujours se différencier par des distinctions attractives (non OGM, label Rouge, etc.), et c'est ce souci de la qualité qui fera toute la différence ». Il conclut : « Il faut défendre nos intérêts. Si nous ne nous battons pas, d'autres prendront la place et nous ne verrons jamais un centime de ces nouveaux marchés. Pour parvenir à se battre, nous devons faire comprendre et accepter à l'administration de haut niveau que nous aurons toujours besoin des produits phytosanitaires pour produire. Cela ne veut en aucun cas dire que nous voulons le retour des molécules interdites, nous voulons juste un retour de l'équilibre : il faut garder la boîte à pharmacie disponible pour l'utiliser en cas de besoin ». Sur ces mots, la soirée grandes cultures se clôtura par un pot convivial partagé entre tous.