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Cession d'exploitation

Une fiscalité qui renforce le modèle familial

Les conditions de transmission des exploitations viticoles vont être réformées de manière importante. Une réaction salutaire du législateur après plusieurs rachats de domaines qui avaient défrayé la chronique. Le but est clairement de préserver le modèle d'exploitations familiales.

Par Berty Robert
Une fiscalité qui renforce le modèle familial
Le sénateur de Côte-d'Or François Patriat (à gauche) a porté l'amendement aux côtés de son confrère de l'Yonne, Jean-Baptiste Lemoyne et du député de Saône-et-Loire Benjamin Dirx.

On n'a pas parlé que de métiers de la vigne et du vin, le 6 février à Beaune. Le Forum destiné à faire connaître les professions et besoins en main-d’œuvre de ce secteur, organisé à la Cité des Climats et Vins de Bourgogne (voir ci-dessous) aura aussi servi de cadre à une annonce de taille : la concrétisation de la réforme des conditions de transmission des exploitations viticoles dans le cadre du Projet de loi de finances (PLF). Le sénateur de Côte-d'Or François Patriat et Thiebault Huber, président de la Confédération des appellations et vignerons de Bourgogne (CAVB) ont détaillé cette annonce face à la presse. Pour Thiebault Huber, le moment était d'autant plus symbolique que cette annonce marque l'aboutissement d'un long combat mené par la profession viticole française depuis plusieurs années et dans lequel la Bourgogne s'est particulièrement impliquée.

L'électrochoc LVMH

Il faut dire que, en septembre dernier, l'annonce, par le groupe de luxe LVMH, du rachat du Domaine Poisot Père & Fils, à Aloxe-Corton (1,3 ha pour 15,5 millions d'euros !) a fait l'effet d'un électrochoc : cette transaction exceptionnelle a jeté une lumière crue sur la fiscalité rattachée aux droits de succession, tellement défavorable qu'elle empêchait tout simplement aux héritiers de prendre la suite, laissant grande ouverte la porte aux gros investisseurs et mettant de ce fait en péril le modèle même des exploitations viticoles familiales. Pour éviter cela, un amendement a été porté par François Patriat, par le député de Saône-et-Loire Benjamin Dirx et par le sénateur de l'Yonne Jean-Baptiste Lemoyne, qui induit un changement spectaculaire : la hausse du plafond de la valeur patrimoniale de 500 000 euros à 20 millions d'euros pour accéder aux exonérations fiscales sur la transmission des terres. Cela comporte toutefois une condition : que les repreneurs s'engagent à conserver ces terres au moins pendant 18 ans. « C'est une révolution en Bourgogne, constate Thiebault Huber, face au niveau de spéculation foncière que nous subissons ici… Enfin, les familles vont pouvoir transmettre leur patrimoine à leurs enfants. » « Le déplafonnement de 500 000 euros à 20 millions est un chiffre qui correspond à une réalité économique, souligne pour sa part le sénateur François Patriat. C'est d'autant plus remarquable que cela s'inscrit dans le contexte budgétaire le plus difficile que j'ai pu connaître dans ma carrière parlementaire.  »

« Besoin d'une fiscalité adaptée »

Face à l'accusation venue de certains rangs du paysage politique de conception d'un amendement « pour les riches », François Patriat a défendu le fait que c'était au contraire un outil de préservation du modèle de viticulture familiale, en Bourgogne et en France. Cet amendement avait déjà été porté une première fois sous le Gouvernement Barnier, mais c'était compter sans la censure de ce dernier qui a tout arrêté. Une fois nommé le Gouvernement Bayrou, les parlementaires sont repartis à l'assaut, acceptant de céder sur un point par rapport au projet initial : obliger les repreneurs à conserver les terres 18 ans et non 15 comme voulu au départ. L'adoption du budget le 5 février a donc mis un point final à l'incertitude, avec la validation de l'amendement. « Dans ce pays, poursuit François Patriat, on a besoin d'une fiscalité adaptée à la réalité du monde économique ». Thiebault Huber reconnaît pour sa part que l'exemple récent de LVMH a été un outil important de sensibilisation du législateur pour montrer le péril que ces montants de transaction faisaient peser sur l'avenir du modèle économique des exploitations familiales. « On a voulu passer d'une valeur de patrimoine de 500 000 euros à 20 millions pour les exonérations fiscales, précise le président de la CAVB, parce qu'on s'est appuyés sur des cas concrets qui montraient que l'outil fiscal existant n'était plus adapté aux niveaux des prix des terres viticoles. 20 millions d'euros, cela permet de faire rentrer la majorité des exploitations viticoles françaises. C'est le terme d'un combat de longue haleine et je pense que les notaires vont avoir un peu de boulot dans les mois qui viennent… »