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Pose de capteurs

Une étude sur le terroir

L'étude du sol et du climat sur l'AOC Pouilly-Fumé (évoquée dans le n°1651) est lancée avec la pose des capteurs de températures le 10 février. 

Par Chloé Monget
Une étude sur le terroir
La quasi-totalité des capteurs ont été posés sur l'AOC en une seule journée.

Au total, près de 78 capteurs de températures ont été disposés sur l’ensemble de l’AOC Pouilly-Fumé, le 10 février, « c’est une manière presque inédite d’obtenir une caractérisation d’un terroir, à ma connaissance, sur un territoire aussi restreint » précise Benjamin Bois, maître de conférences à l’institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV) de l’université de Bourgogne et spécialiste des relations entre le climat et la vigne. Il prendra d’ailleurs part dans au traitement et à l’analyse des données récoltées par les capteurs. Il ajoute : « la densité de capteurs permet d’avoir un degré de finesse très intéressant pour caractériser le rôle du climat dans la diversité des terroirs de Pouilly-Fumé. Les exploitants ont conscience de la nécessité de connaître tout cela pour s’adapter à l’évolution climatique contemporaine ».

Connaître le terrain

L’enjeu majeur de cette étude évoqué par Augustin David, vice-président du syndicat viticole, est « d’enrichir la connaissance technique de nos terroirs pour que nous puissions anticiper les changements et faire évoluer nos pratiques. Avec les données, nous allons pouvoir cibler les zones les plus sensibles pour prendre des mesures adaptées afin que l’AOC Pouilly-Fumé puisse continuer à produire et à conserver l’identité de ses vins ». Jérôme Pabiot, vigneron (domaine Jean Pabiot et fils) précise « Nous sommes curieux, et connaître notre outil de travail le mieux possible est indispensable. Ces données pourront, par exemple, nous diriger vers une évolution dans le choix des variétés de vigne (résistance à la sècheresse supérieure, plus tardif) ou une adaptation de la hauteur des rangs (pour moduler l’évaporation ou l’ombrage). En somme, cela va nous permettre d’avoir une projection à long terme de ce que pourra être l’AOC dans quelques années ». Outre cette connaissance technique, l’étude à une autre visée.

Comprendre pour expliquer

« Nous voudrions avoir des connaissances scientifiques sur le terroir afin de les mettre en avant auprès du grand public qui est en demande sur ce point. Ainsi pourrons-nous expliquer le lien entre la qualité du vin et le climat, par exemple. C’est une chance de pouvoir mettre en avant le caractère de notre AOC via des données précises et vérifiées » détaille Augustin David. Cécile Coulon-Leroy, enseignante-chercheuse en viticulture et œnologie à l’École Supérieure d’Agricultures d’Angers, dont les élèves ont pris part à l’élaboration de la première phase du projet, poursuit : « Il y a de plus en plus de recherches appliquées sur la connaissance des terroirs qui sont effectuées, car elles sont considérées comme utiles aux producteurs pour adapter leurs pratiques de production mais aussi pour avoir des informations à communiquer auprès des consommateurs et usagers des territoires. C’est pourquoi, avoir des éléments concrets et réels sur lesquels s’appuyer est devenu incontournable. De plus, le dynamisme collectif des vignerons de l’AOC Pouilly-Fumé sur ces questions est très agréable et offre une efficacité assez rare, ce qui nous permet aussi, en tant que chercheurs, de faire progresser nos méthodes scientifiques. Enfin, cette caractérisation du terroir prodigue ainsi une valeur ajoutée de compréhension des éléments patrimoniaux et culturels de l’AOC mais aussi une meilleure connaissance des facteurs environnementaux contribuant à mettre en place une production durable dans un contexte sociétal et climatique changeant ».

Prochaine étape

Pour compléter l’étude climatique, la société Adama, spécialisée dans l’étude et l’expertise des terroirs viticoles sur les sols et les sous-sols, viendra procéder à des relevés durant le printemps : « En croisant la composition des sols avec les éléments climatiques récoltés, nous pourrons avoir une vision précise de la diversité des terroirs de l’AOC Pouilly. Cette dernière est une mosaïque et c’est ce qui fait sa richesse » spécifie Augustin David avant de conclure : « nous devons nous rapprocher encore plus du terroir pour innover et continuer de faire rayonner nos vins ».

Plus en détail

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Posés à 60 cm du sol, à hauteur de grappe, les capteurs de températures seront positionnés pendant une saison entière.

Les 78 capteurs ont été disposés méticuleusement sur l’intégralité de l’AOC Pouilly-Fumé via un travail effectué en collaboration entre l’IUVV et l’ESA et grâce à l’engagement fort des vignerons. La première phase de caractérisation globale des facteurs du terroir est menée par quatre des étudiants ingénieurs, Majeure Vigne et Vin, de l’École Supérieure d’Agricultures d’Angers, sous la houlette de Cécile Coulon-Leroy, enseignante-chercheuse en viticulture et œnologie : « Nous nous sommes penchés sur le terroir pour comprendre les pratiques des vignerons et bénéficier de leurs connaissances pour déterminer notamment les emplacements les plus adaptés pour la pose des capteurs ». Disposés à hauteur de grappe (environ 60 cm), ils sont orientés entre le Sud et l’Ouest. Ils procèdent à un relevé de température toutes les 30 minutes et ce jusqu’en octobre – période à laquelle ils seront retirés pour prélever les données. Les étudiants en Master 2 Vin et territoire de l’IUVV analyseront les données et viendront également sur le terrain pour relever les caractéristiques des parcelles où ont été implantés les capteurs. Le réseau de stations météo connectées Sencrop de l’AOC (environ une douzaine) sera également utilisé pour croiser les données des capteurs afin d’avoir une meilleure compréhension des chiffres tout en affinant un peu plus les résultats. Benjamin Bois, maître de conférences à l’Université de la vigne et du vin de Dijon (IUVV) spécialisé climat et vigne, termine : « Mettre en commun le travail des étudiants, des professionnels et des chercheurs est très enthousiasmant pour tous, car cela souligne une volonté commune de faire avancer le métier et les pratiques ».

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