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Soins vétérinaires

Un trio pour l'avenir à Saulieu

La clinique vétérinaire Auxois-Morvan de Saulieu est désormais dirigée par trois associées. Au-delà de la féminisation du métier qu'elles incarnent, ces praticiennes démentent la désaffection qui impacterait la « rurale ». La place de la prévention dans leur approche du métier est une de leurs priorités.

Par Berty Robert
Un trio pour l'avenir à Saulieu
Philippe Picard en compagnie du trio qui prend sa suite (de gauche à droite) : Elisa Antoine, Claire Lemaire et Jessica Dépigny.

Lorsqu'elle a intégré l'école vétérinaire de Lyon, Jessica Dépigny se voyait urgentiste canine et salariée. Elle fait aujourd'hui en grande partie de la médecine vétérinaire « rurale » et dirige une clinique. Elle assume cette dernière fonction en compagnie de deux associées, Élisa Antoine et Claire Lemaire. Mais le parcours de cette jeune femme de 27 ans tord le cou à une idée très répandue : les jeunes vétérinaires n'aspireraient qu'à travailler en ville, et sur des animaux de compagnie. C'est oublier que, pour des gens comme Jessica, le contact avec des animaux d'élevage, dans le cadre de stages, a agi comme un révélateur. Voilà qui est très encourageant pour l'avenir et qui fait plaisir à Philippe Picard, le vétérinaire bien connu qui était, jusqu'à une date récente, le dirigeant de la clinique Auxois-Morvan de Saulieu. Il vient de partir en retraite en laissant les rênes à un trio de jeunes femmes : Claire Lemaire, Élisa Antoine et, donc, Jessica Dépigny. Toutes ne sont pas des nouvelles venues : Claire Lemaire était associée à Philippe Picard depuis 2017 et Élisa et Jessica se sont formées à ses côtés ces dernières années. 

Une pérennité assurée

Pour l'univers de l'élevage local, la prise en main de la clinique par trois jeunes associées est rassurante : elle garantit la pérennité d'un service de plus en plus fragilisé en zones rurales, en raison de contraintes professionnelles fortes. «  Être trois assure un certain équilibre dans le fonctionnement, note Claire Lemaire, cela permet aussi de mieux répartir la charge de travail dans une zone où la Permanence et la continuité des soins (PCS) à assurer est une obligation légale, en regard d'une clientèle constituée en grande partie d'agriculteurs-éleveurs. » Le périmètre d'intervention pour ces trois vétérinaires s'inscrit dans un rayon d'une trentaine de kilomètres autour de la clinique. La clinique consacre entre 65 et 70 % de son temps aux animaux d'élevage et 30 % aux animaux de compagnie. « Nous sommes sur une zone où il y a encore un certain nombre de vétérinaires praticiens et on se respecte tous bien, poursuit Claire Lemaire. Mais certains sont seuls, proches de l'âge de la retraite. Nous évoluons aussi dans un contexte où il y a moins de monde dans les exploitations, donc moins de temps, il faut pouvoir intervenir vite.  Quand j'ai commencé, j'assurais une garde sur deux, il y avait beaucoup d'interventions nocturnes, c'était exténuant et ça ne facilitait pas la vie de famille. En améliorant la qualité de vie et en organisant le travail différemment, on rend la fonction plus attractive. Mais, pour cela, il faut être plus nombreux et parvenir à recruter… » La difficulté de la ressource en main-d’œuvre est une réalité du métier de vétérinaire ce qui a naturellement conduit les trois jeunes femmes à s'associer et à réfléchir à la meilleure manière de gérer ce contexte professionnel. 

Être moins « pompier »

Âgées de 27 à 36 ans, les trois associées revendiquent aussi une approche différente de leur métier : « il y a une vraie complémentarité entre les hommes et les femmes dans la pratique de ce métier, constate Claire Lemaire. J'ai l'impression qu'on a plus une approche réflexive face à un problème qui se pose sur un animal, que systématiquement interventionniste. J'essaye d'être plus dans la prévention, la sensibilisation. Je constate aussi que les éleveurs n'aiment pas trop les interventions d'urgence, on voit moins le vétérinaire comme un « pompier ». Avoir une approche préventive sur l'obstétrique ou la gestion des maladies réclame d'avoir un point de vue et une gestion des situations et du temps différents. » Les trois vétérinaires placent aussi au premier plan la nécessité de se former, y compris sur de nouvelles approches. C'est notamment le cas d'Élisa Antoine qui se forme actuellement à l'ostéopathie, dans le but d'apporter une dimension et une sensibilité différentes à la clinique, où l'on réfléchit à la possibilité d'investir dans des équipements pour pratiquer du parage. 

L'importance de la transmission

De manière plus générale, la transmission du savoir de manière concrète, les trois jeunes femmes en ont bénéficié et comptent bien être, à leur tour, des transmetteuses : Claire Lemaire confie avoir beaucoup appris aux côtés de Philippe Picard : « il s'est formé jusqu'à sa dernière année d'exercice ! C'est aussi un très bon pédagogue qui aura passé sa carrière à transmettre son savoir ». Élisa Antoine, diplômée en 2020, travaille à la clinique depuis fin 2020. Quant à Jessica Dépigny, elle y a effectué deux stages et a choisi de faire sa cinquième année d'études en tutorat, orientée sur la médecine vétérinaire rurale. Une formation proche de l'apprentissage qui a permis à la jeune femme de prendre confiance en elle et au trio d'apprendre à se connaître. De manière plus générale, l'établissement cultive un accueil régulier de stagiaires. L'équipe fonctionne avec six vétérinaires (les trois associées, deux salariés et une collaboratrice qui exerce en libérale), une personne en charge de l'accueil et de la comptabilité, une autre sur l'accueil, une qui se consacre aux soins des animaux et une apprentie Auxiliaire spécialisée vétérinaire (ASV). Le site dispose d'un plateau technique bien étoffé. Par exemple, on y pratique la cicatrisation de plaies superficielles par luminothérapie, sans antibiotique. La zone d'accueil des animaux de rente devrait être rénovée prochainement et une zone de chirurgie dédiée fait aussi partie des projets de développement. Le nouveau trio ne manque ni d'idée, ni d'envies.

Un trio pour l'avenir à Saulieu

Philippe Picard, un professionnel apprécié

Philippe Picard, qui a cédé la clinique vétérinaire Auxois-Morvan à ce trio de jeunes associées, a un parcours de vétérinaire apprécié sur son secteur. Né à Saulieu en 1963, il est issu d'une famille d'exploitants agricoles. Il a fait partie de la première promotion de l'école vétérinaire de Nantes dont il est sorti diplômé en 1983. Il était revenu s'installer en Côte-d'Or en 1991. Jusqu'en 2017, il a exercé en association avec Jean-Marc Jondot. Désormais retraité, il revient aux sources avec la volonté d'aider ses enfants qui ont pris la suite de l'élevage familial. C'est aussi un passionné d'élevage de chevaux Traits Auxois.