Un énième carnage
Une exploitation près d'Arnay-le-Duc a été victime d'une attaque de loup, le 23 février.

Des sales photos et des sales vidéos : désolé, on ne peut pas faire mieux, c'est la triste réalité. La réalité de ces éleveurs qui, un matin, découvrent que le loup est passé chez eux sans prévenir, en laissant une note économique, morale et psychologique salée. Dimanche 23 février à Longecourt-lès-Culêtre, l'alerte a été donnée par le maire de la commune, qui a téléphoné à la famille Carémentrant. « Gérard Brouillon nous a informés qu'un mouton en sang était au milieu du village… Mon premier réflexe a été de me rendre dans le pré où étaient nos douze brebis », retrace Vincent Carémentrant. Arrivé sur place, le jeune éleveur est intrigué par l'absence du moindre ovin au nourrisseur, installé à l'entrée de la parcelle : « cela n'était pas dans leurs habitudes, surtout en matinée… Avec le brouillard, je ne voyais rien à 50 mètres alors je suis allé à leur rencontre. J'ai retrouvé une première brebis étendue par terre, morte, avec du sang au niveau de la gorge. Cinq autres, un peu plus loin, étaient bien vivantes, mais en continuant de marcher, j'en ai retrouvé trois autres sans vie. Les deux dernières étaient encore debout mais ensanglantées… ». Vincent Carémentrant, son frère Florian et leur père Pascal se mettent à rechercher l'animal qui avait été aperçu dans le village, en vain. Ce dernier ne sera retrouvé qu'en fin d'après-midi, dans un sale état lui aussi. Il sera rapidement euthanasié.
Pas de doute
Les éleveurs contactent l'OFB dès la découverte du sinistre. Deux agents mettent moins d'une heure pour arriver. « Ils sont restés jusqu'en milieu d'après-midi pour relever les empreintes, notamment en découpant la peau de chaque brebis, de l'épaule jusqu'aux oreilles, pour évaluer la largeur, la profondeur et le nombre de crocs », explique Pascal Carémentrant, qui restera lui aussi une bonne partie de son dimanche dans le pré pour « donner la main » aux agents, avec ses deux enfants. Pour les trois éleveurs côte-d'oriens et plusieurs connaissances venues sur place, il n'y a bien sûr aucun doute : « tous les indices vont dans le sens du loup. Les trachées des brebis sont sectionnées et broyées, c'est typique de ce prédateur. Il y a des empreintes au sol, elles sont à chaque fois dans le même axe alors qu'avec un chien, visiblement, il y a toujours un petit décalage. Aussi et surtout : un agriculteur du village est sûr à 95 % d'avoir vu le loup en fin de matinée, lorsque nous étions dans le pré avec l'OFB. C'était à 300 mètres de là où nous étions, il devait être calé dans une haie en bas du pré. Il a pris la direction du bois. Il y a quelques jours, un chasseur nous avait dit qu'il pensait avoir vu des pas de loup à quelques kilomètres d'ici, cela coïncide : il traînait effectivement dans le coin ».
Rencontrés le lendemain de l'attaque, les éleveurs tentaient de contacter la DDT pour obtenir un tir de défense pour le jour même(1) : « il va forcément attaquer de nouveau quelque part, il faut agir. En ce qui nous concerne, nos brebis charollaises croisées texel allaient faire des agneaux à partir du 1er mars… Dans quelques jours, elles allaient être rentrées, ce n'est vraiment pas de chance. Pour celles qui sont indemnes, rien ne dit qu'il n'y aura pas d'avortement suite à ce traumatisme. Nous avons une toute petite troupe, ces douze brebis étaient les seules que nous avions, nous sommes avant tout des éleveurs bovins. Nous serions encore plus énervés s'il s'agissait de notre activité principale… De voir cela arriver chez nous et si proche des maisons reste incroyable et difficile à avaler ».
(1) L'autorisation de tir n'a été donnée que le mercredi 26 février, en fin d'après-midi.
Deux autres attaques

Le Gaec du Moulin de Jonchery, à Diancey, a lui aussi été victime du loup, 48 heures après l'attaque de Longecourt-lès-Culêtre. Trois brebis ont été tuées et trois autres ont été blessées à la gorge dans la nuit du 24 au 25 février. Le lendemain matin, le bilan s'alourdissait de huit agnelles et un bélier, portant le total des dégâts à 15 ovins… « À quoi bon se démener toute l'année pour produire des animaux de qualité, pour au final voir son travail anéanti par un animal réintroduit ? Pourquoi, pour qui ? », s'interroge Baptiste Guyot, associé du Gaec avec son père Jean-Marie et son oncle Francis. Le jeune éleveur venait de vivre de bons moments au salon de l'agriculture… Quel contraste ! Et le jour de la première attaque de loup coïncidait avec l'arrivée d'un jeune stagiaire sur l'exploitation de Diancey : « la première chose que nous avons faite, avec ce jeune motivé, a été de compter les cadavres et de courir après les bêtes apeurées. La première image que je lui ai transmise du métier était loin de celle que j'aurais aimé lui véhiculer. Est-ce cela l'élevage ovin aujourd'hui ? Malheureusement oui, et même s'il est sûrement déjà trop tard, il faudra que les politiques s'arrêtent beaucoup plus sérieusement sur ce fléau qui décime les élevages français. Loup ou éleveurs, il n'y a de la place que pour un… Malheureusement les choses ne bougent pas et c'est une nouvelle attaque qui s'abat sur notre troupeau, six mois après une première en mai dernier ». Baptiste Guyot a partagé son inquiétude sur les réseaux sociaux : « aujourd'hui je suis inquiet, en colère mais également impuissant comme jamais, me rendant compte que mon métier et ma passion sont clairement en danger. À quelques semaines de lâcher les petits agneaux, fraîchement nés sur l'exploitation pour qu'ils profitent du soleil et de l'herbe du printemps, c'est de nouveau une période pleine d'inquiétudes qui attend toutes les familles d'éleveurs, se voyant envoyer tout droit leurs animaux directement dans la gueule du loup, expression qui prend aujourd'hui tout son sens ».