« Nous ne faisons pas ce métier pour voir ça »
Dans la nuit du 6 au 7 février, une attaque sur troupeau a eu lieu à Saint-Péreuse sur un lot du Gaec du Passou.

Le 7 février, vers 10 heures, Aude Martin et Clément Blandin (Gaec du Passou) ont fait une macabre découverte à Saint-Péreuse dans une parcelle à Le Dechart le long de la départementale D 978. Les associés expliquent : « sur un lot de 56 brebis, il n'en reste plus que 42 bien portantes. Pour les autres, nous en comptabilisons : une disparue, deux mortes, et 8 blessées et trois euthanasiées sur place car elles portaient des blessures trop importantes pour être sauvées ».
Loup ou chien, la cause n'était pas encore déterminée le matin de la découverte, mais un élément, lui, l'était : l'accablement des deux associés. Aude Martin réagit : « Quand j'ai vu l'état des animaux, ma première pensée a été : on les vend toutes, on ne va pas les regarder se faire massacrer ». De son côté, Clément Blandin détaille : « je suis référent prédation pour les JA de la Nièvre. Une attaque sur troupeau, j'en ai déjà vu, et à chaque fois cela me touche mais là encore plus car c'est chez moi ».
Exposer le problème
Après les premières émotions, l'envie de partager leur problématique prend le pas sur le reste : « il faut que les gens comprennent les conséquences de ces pertes. Les brebis concernées étaient à un mois d'agneler… Ce sont des mois de travail qui partent en fumée et donc un manque financier également ». Clément Blandin rebondit : « J'en ai marre. Que ce soit des loups ou des chiens, peu importe ! Les éleveurs nivernais ont assez morflé comme ça ». Par agacement d'une situation semblant sans issue pour les professionnels, le Gaec du Passou a pris une décision drastique : « nous allons monter les animaux morts à la sous-préfecture de Château-Chinon ce soir, et demain exposer les dépouilles de nos animaux le long de la départementale. S'agissant de l'axe Nevers-Dijon, ça va donc se voir et nous espérons des réactions. Il faut que les gens voient concrètement ce que l'on vit, il y en a assez de ne pas être entendu ».
Un choix cornélien
Aude Martin poursuit : « J'aime la nature et la biodiversité. Mais qu'on ne me parle pas de bien-être animal quand on voit une brebis qui respire par une trachée déchiquetée… (voir la vidéo sur le compte Facebook de Terres de Bourgogne). Nous faisons naître nos animaux, nous les élevons, nous passons du temps avec eux pour qu'ils aillent le mieux possible… donc clairement nous ne faisons pas ce métier pour voir ça. Il faut que cela cesse. Nous aimons nos animaux et les moyens à notre disposition pour nous prémunir contre ce genre de problème ne sont pas suffisants ». Ils ajoutent : « le pire dans l'histoire c'est que nous avions mis nos brebis dans cette parcelle du Dechart pour qu'elles profitent un peu de l'herbe avant d'être remises en bâtiment pour la saison des agnelages. Nous pensions faire le meilleur choix possible pour elles… ». Si la culpabilité paraît teinter leur discours, il s'y ajoute la peur de voir cette situation se reproduire à la sortie des veaux au printemps… Pour mémoire, le cheptel du Gaec du Passou a déjà été victime de prédation en décembre 2024. En attendant, l'attaque du 7 au 8 février au Gaec du Passon a été déclarée LNE vers 16 heures le 7 février, avec autorisation de tir de défense simple (létal). Les louvetiers se sont rendus sur les lieux dans la nuit du 9 au 10 février. Les associés précisent : « Les décisions pour notre problème ont été rapides, mais finalement pas assez car le 8 février un bélier de Cédric Bernier a été prédaté à 300 m de notre exploitation au Passou (soit dans le même secteur) ». Pour l'instant, celui-ci n'est pas encore déclaré LNE (en date du 10 février). Clément Blandin conclut : « ça continue… il va falloir que cela cesse, d'une manière ou d'une autre. Pour la suite, à chaque attaque dans le secteur, nous déchargerons une pailleuse à la sous-préfecture de Château-Chinon pour que l'État comprenne le désarroi des éleveurs ».