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Interview

« Le contrôle unique effectif dans les prochaines semaines »

Paul Mourier est Préfet de Côte-d'Or et de Région Bourgogne-Franche-Comté depuis le mois d'octobre. Il revient pour nous sur plusieurs sujets liés à l'activité agricole : contexte économique, simplification, contrôles, prédations…

Par Propos recueillis par Berty Robert
« Le contrôle unique effectif dans les prochaines semaines »
Paul Mourier est Préfet de Côte-d'Or et de Région Bourgogne-Franche-Comté depuis octobre 2024.

Comment travaillez-vous avec l'univers agricole départemental et régional, depuis votre prise de fonctions ?

Paul Mourier : "Dès mon arrivée, j'ai perçu l'importance stratégique de l'agriculture, en Côte-d'Or et en Bourgogne-Franche-Comté. J'ai découvert la diversité de l'agriculture locale. Nous sommes l'une des toutes premières régions agricoles de France. Le modèle coopératif est aussi très présent ici, notamment avec Dijon Céréales et d'autres structures qui montrent combien ce secteur est important. Il y a des pans de l'agriculture qui sont des fleurons, des pépites, je pense, bien évidemment au vignoble, mais aussi à la filière laitière autour du Comté, du Morbier, du Mont-d'Or. Il y a aussi des filières sur lesquelles l'attention doit être portée : les productions céréalières, le lait standard, l'élevage allaitant, sans oublier les activités de diversification, parfois plus locales mais très ancrées dans l'agriculture. Je pense au cassis, à la moutarde… On a là un atout, une richesse, sur lesquels il faut aussi être vigilant. Je me félicite de la relation de grande proximité et de confiance qui existe entre le monde agricole et l'État, dans toutes ses dimensions. Cette confiance et cette proximité se travaillent, elles ne se décrètent pas, il faut s'y investir. C'est la raison pour laquelle, dès mon arrivée, j'ai rencontré le monde agricole dans sa diversité à travers tous les syndicats professionnels. J'ai aussi assisté aux assemblées générales de la Chambre d'agriculture départementale de Côte-d'Or, de la Chambre régionale de BFC. Le 20 février, j'ai installé la nouvelle gouvernance de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or, avec l'élection de Jacques de Loisy à la présidence (voir P. 07 de ce même numéro) et, le 12 mars, je présiderai l'installation de la nouvelle gouvernance de la Chambre régionale d'agriculture. Je reçois par ailleurs, très régulièrement ceux qui me sollicitent : ces derniers jours, j'ai vu les représentants de la FDSEA et des JA 21, ainsi que ceux de la FRSEA et des JA BFC. On peut ne pas être d'accord sur tout mais avoir un dialogue direct est essentiel. En tant que Préfet, je suis plus qu'une courroie de transmission : je peux porter des messages et appuyer des demandes, au-delà des aspects qui relèvent de l'action de l'État. J'ai beaucoup de respect pour le monde agricole, paysan. Ils produisent, ils sont une partie intégrante de la ruralité, ils ont façonné les paysages, ils sont donc au cœur de nombreuses problématiques."

2024 aura été une année tendue sur les sujets agricoles. L'avez vous perçu en arrivant en Côte-d'Or ?

P.M. : "J'ai senti une mobilisation, des aspirations, de la détresse, mais également une volonté de maintenir le dialogue avec l'État. La nécessité d'un dialogue franc, permanent, régulier, direct, est absolument essentielle ! Les questions climatiques préoccupent fortement, notamment en viticulture, mais aussi pour les filières céréalières. 2024 s'est traduite par des pertes de production sensibles. En revanche je constate que pour les filières d'élevage à viande, les niveaux de prix actuels sont plutôt bien situés. Le monde agricole le reconnaît mais me rappelle aussi que les charges ont augmenté. Il est essentiel d'aller vers des exploitations rentables. Cela passe par de la diversification, la consolidation des productions initiales, mais aussi de la production d'énergies renouvelables. Il faut être vigilant car tout n'est pas possible dans ce domaine mais c'est une vraie source de diversification. Les agriculteurs doivent pouvoir vivre de leur travail dans la sérénité mais toutes les conditions pour cela ne sont pas réunies."

Vous avez rencontré la FDSEA 21 et la FRSEA, ainsi que les JA le 12 février. Quels thèmes avez-vous abordés ? 

P. M.  : "Nous avons parlé du mode de fonctionnement que nous devions adopter. J’ai redit ma volonté être à l'écoute, d'être disponible et que nous avions des chantiers à construire. Nous avons aussi parlé des risques sanitaires, sur le végétal (avec la flavescence dorée pour la viticulture, par exemple) comme sur l'animal (FCO et MHE). Il y a une action conjointe à construire pour vacciner dès que possible et on ne peut nier l'inquiétude sur la disponibilité de certains vaccins. C'est un véritable enjeu qui se traite au niveau national. Nous avons aussi évoqué le contrôle unique avec la Mission inter-services agricole (Misa). Je veillerai à ce que ce contrôle unique se mette en place dans les huit départements de BFC d'une manière uniforme. Nous sommes dans l'attente d'une charte pour que nous puissions contractualiser sur ce point avec les Chambres et la représentation syndicale, afin que le cadre soit bien posé et que nous soyons d'accord sur les modalités de mise en œuvre du contrôle unique, sans disparités d'un département à l'autre. La gestion du Feader a aussi fait partie de nos discussions, ainsi que la prédation, la Loi d'orientation agricole et la future PAC. La LOA fait de l'agriculture une question de souveraineté nationale. Cela place, je crois, au bon niveau dans les priorités de l'État, la question de l'agriculture."

Concernant la Misa, quand peut-on espérer sa mise en œuvre ?

P.M. : "Il faut être conscient que le contrôle unique existait déjà pour une très grande part. Les directives sont claires pour aller plus loin dans cette logique. Le contrôle unique, c'est un contrôle par an, maximum, par exploitation. Cela réclame de la concertation, des échanges entre les différents services. J'ai présidé deux réunions de travail sur ce thème, les modalités de mise en œuvre sont aujourd'hui quasiment abouties et très vite, je réunirai à nouveau une Misa avec la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or et la représentation syndicale, afin que nous échangions et que nous aboutissions à une charte. Dans sa forme et son fonctionnement, le contrôle unique sera arrêté définitivement dans les semaines qui viennent."

Prédation, environnement : les relations sont tendues entre le monde agricole et l'Office français de la biodiversité (OFB). Comment, à votre niveau, pouvez-vous contribuer à rendre les choses plus fluides ?

P.M. : "J'ai réuni les agents de l'OFB pour leur apporter le soutien de l'État, il y a deux semaines. Ils mènent des contrôles au titre de l'environnement, face à des atteintes qui ne sont d'ailleurs pas forcément le fait du monde agricole. Dans le cadre de leurs actions, ils ont pour mission d'objectiver les choses, de les documenter. La ministre de la Transition écologique a souhaité qu'un travail soit mené pour distinguer, dans les constats de dégradation, ce qui relève de l'administratif et ce qui relève du judiciaire car il y a peut-être une tendance à trop vite partir sur le judiciaire. Avec la déléguée régionale de l'OFB, j'ai décidé que des réunions de travail devaient se mettre en place afin de répertorier la nature des contrôles effectués pour voir si, ensuite, on devait les orienter vers la voie administrative, ou la voie judiciaire. J'évoquerai également cette question avec le Procureur de la République. Nous devons réaliser un travail de fond afin de mieux repositionner les missions de l'OFB dans le cadre de contrôles liés à des dégradations de l'environnement. Sur le loup, les constatations sont effectuées par l'OFB. Ils doivent déterminer de quelle nature est l'attaque. Ils peuvent aussi intervenir lorsqu'il s'agit de réguler le loup. Il faut retisser des liens entre le monde agricole et les corps de contrôle. Ces contrôles, ils sont utiles  et indispensables ! Ils permettent d'assurer une sécurité alimentaire, d'entretenir une concurrence qui ne soit pas déloyale entre certaines professions… Tout le monde doit le comprendre, mais ils doivent se dérouler dans les meilleures conditions. Je vais travailler à restaurer ce qui a pu se dégrader dans la relation entre le monde agricole et l'OFB."

Exergue : « La LOA fait de l'agriculture une question de souveraineté nationale. Cela place, je crois, au bon niveau dans les priorités de l'État, la question de l'agriculture. »