La sécurité impose de nouvelles règles de conduite
L’évolution du matériel agricole oblige à réactualiser les règles de conduite et de sécurité. Vitesse et tonnage décuplés, portable omniprésent… : les causes d’accident ont changé, mais le risque demeure.

L'an dernier, en Saône-et-Loire, la caisse locale Groupama Louhans et Territoires et la fédération des Cuma de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) ont organisé une journée de sensibilisation et de prévention à l’utilisation du matériel agricole. La journée technique était animée par Fabrice Maitrot de la fédération des Cuma, Karelle Michel, Magali Colin et David Taboulet de Groupama ainsi que Michel Dubois du service santé et sécurité au travail de la MSA Bourgogne. « En agriculture, le transport routier est aujourd’hui très accidentogène », alertait Fabrice Maitrot, citant l’exemple du « chauffeur au volant d’un gros tracteur attelé à une grosse benne en surcharge, le tout roulant à 50 km/h et le portable à la main ! ». La vitesse maximum autorisée est dictée par l’outil attelé. Si certains tracteurs atteignent 40, 50, voire 65 km/h, dès qu’ils sont attelés à un outil de moins de 2,55 m de large, la vitesse maximale autorisée plafonne à 40 km/h.
Freinage et distance de sécurité
Contrairement au code de la route appliqué aux autres véhicules, on n’enseigne pas encore le respect de distances de sécurité en agriculture. Pourtant, avec des convois agricoles plus ou moins lourds et lancés à vive allure, la distance de freinage est une donnée cruciale. Des essais ont été réalisés dans différentes conditions : tracteur plus benne chargée ou pas ; sur route sèche ou mouillée… Réalisés sur les pistes Michelin près de Clermont-Ferrand, ces essais ont été filmés par la revue Entraid du réseau Cuma. La vidéo qui en découle montre que le freinage d’urgence à 40 km/h d’un ensemble tracteur + benne, même de conception moderne (freinage ABS, attelage rotule, suspension…), est pour le moins impressionnant. À 40 km/h, il faut 23 m pour stopper un tel ensemble sur sol sec. À 50 km/h, il faut 50 % de distance supplémentaire, soit près de 35 m. De ces essais, il ressort que la distance de freinage est plus courte avec le convoi le plus lourd. « C’est donc plus la vitesse que la charge qui aggrave la distance de freinage », résumait Fabrice Maitrot.
Double ligne de série
Depuis 2018, tous les tracteurs mis en service sont équipés — en plus du système de freinage hydraulique simple ligne historique — d’un freinage de type double ligne, hydraulique ou pneumatique. En 2025, tout le matériel agricole mis en service est équipé avec un freinage double ligne. Cela signifie qu’un plateau fourrager livré maintenant ne pourra pas être freiné avec un tracteur datant de 2017. Ce qui fait craindre que des outils circulent dès lors sans frein ! En Cuma, cela posera des problèmes de compatibilité entre le matériel en commun et celui des adhérents. Le technicien attirait aussi l’attention sur les problèmes de surcharge qui sont systématiques pour certains équipements. C’est fréquent pour les tonnes à lisier gros volume équipées de nombreux équipements qui se retrouvent systématiquement en surcharge légale au niveau des essieux. Le dépassement des poids total en charge ou poids total roulant autorisés est passible d’une amende à partir de 135 euros …
Ceinture obligatoire
Avec une accidentologie et des vitesses de circulation croissantes, la ceinture de sécurité devient un équipement obligatoire sur les engins agricoles. « Légalement, un employeur ne peut pas forcer le salarié à attacher sa ceinture de sécurité. Mais le chef d’exploitation a en revanche l’obligation d’équiper ses tracteurs avec des ceintures de sécurité pour que le salarié ait la possibilité de se mettre en sécurité », informait Fabrice Maitrot. Sur les tracteurs aussi, la ceinture de sécurité peut sauver des vies. Pour s’en convaincre, des crashs tests ont été effectués avec un tracteur agricole. Une cabine de tracteur moderne fournie par un constructeur a été projetée à 30 km/h contre une paroi en dur. À l’intérieur de la cabine, un mannequin a été placé au volant avec et sans ceinture de sécurité. Le crash test révèle que sans ceinture de sécurité, le mannequin est violemment projeté en avant. Le choc entraînerait un enfoncement du thorax du conducteur contre le volant, ce qui lui serait fatal. Ce traumatisme mortel serait évité par la ceinture de sécurité. Le montage d’un tel équipement est tout à fait possible et abordable. Un kit de ceinture de sécurité basique (non enroulable, à fixer sur les trous de fixation M8 prévu d’origine par le constructeur du siège) revient à moins d’une centaine d’euros.
Note de bas de page : Les vidéos de freinage d’urgence et de crash test sont visibles sur YouTube : Freinage d’urgence en tracteur agricole : dérapage assuré — YouTube [CRASH TEST] Quel est l’intérêt de mettre sa ceinture de sécurité ? (youtube.com)
La sécurité impose de nouvelles règles de conduite
Salarié, apprentis, tiers : formation et vérification périodique
« Le chef d’exploitation est tenu de s’assurer de la capacité de son salarié à la conduite d’un engin de levage ou de manutention avant de lui délivrer une autorisation de conduite. Il peut même demander un certificat d’aptitude médical », informe Fabrice Maitrot. « Si l’obtention du Certificat d’aptitude à la conduite en sécurité (Caces), à renouveler tous les cinq ans, n’est pas obligatoire pour le salarié conduisant un chariot télescopique ou autre engin de manutention ou levage en exploitation agricole, la formation Caces est une garantie d’aptitude pour l’employeur », complète l’expert. En présence de salarié, d’apprentis ou de tiers, un chef d’exploitation doit soumettre son matériel de levage ou de terrassement à la Vérification générale périodique (VGP). La périodicité est de 6 mois pour les engins de levage (télescopique, nacelle, grue forestière, griffe à fourrage…) et 12 mois pour les autres engins (chargeur frontal…). Un certain nombre de documents réglementaires doivent se trouver sur l’engin : dernier rapport VGP, certificat de conformité CE, manuel d’utilisation, instructions d’utilisation dont abaque de charge (graphique indiquant les capacités de charge sûres pour différentes configurations d'utilisation), carnet d’entretien. Parmi les défauts les plus graves constatés sur les chargeurs télescopiques, figure le système anti-bascule ou « système d’avertissement et limiteur de stabilité longitudinale ». De série depuis 2011, cet équipement évite d’atteindre le basculement de l’engin en levant une charge. Sur les chargeurs frontaux, en absence de système de clapets de sécurité anti-retour pilotés, la perte en maintien de charge hydraulique est un défaut fréquent.
L'absence de ceinture de sécurité et le portable tuent
« En agricole, un quart des accidents mortels au travail est lié aux machines », alertait Michel Dubois du service santé sécurité au travail de la MSA Bourgogne. Dans les principales causes de ces accidents mortels, l’absence de ceinture de sécurité vient en tête, pointait le préventeur. « Même sur un tracteur, on peut être éjecté, tué », rappelait-il. La seconde source de mortalité au volant des engins agricoles, indiquait-il, est le téléphone portable…