L'importance du coût de production interprofessionnel
La conjoncture sur les premiers mois de l’année en viande bovine s’est confirmée en avril : la décapitalisation du cheptel allaitant se poursuit. Néanmoins, avril a montré une première diminution nette des charges sur les matières premières agricoles pour les éleveurs. Celle-ci est malheureusement absorbée par l’augmentation d’autres indices tels le SMIC. Les prix de revient restent encore à des niveaux très élevés

L’inflation sur les charges est liée à la flambée des prix des matières premières subie par les éleveurs allaitants, sur les 12 derniers mois (chiffres à fin décembre 2022, source : Ipampa viande bovine, RICA 2015, traitement Institut technique de l’élevage) : aliments achetés : + 24 % ; engrais et amendements : + 74,8 % ; énergie et lubrifiants : +48,6 % ; matériel et petits outillages : +17,7 %. Cette hausse des matières premières, couplée à une revalorisation du SMIC, entraîne une augmentation des indicateurs coûts de production de 15 % rien que sur l’année 2022 (calculés selon l’accord interprofessionnel en date du 22 mai 2019). Sur le mois d’avril, la tendance est à la diminution au niveau de l’Indice des prix d’achat des moyens de production agricole (Ipampa) viande bovine : il s’élève à 135,7 points (contre 137,5 en mars, soit une diminution de 1,8 point !). Elle est due principalement à la baisse, sur un mois, des postes « Engrais et amendements » (-12,1 points) et « Énergie et lubrifiants » (-8,2 points). Cependant du fait de l’augmentation de l’indice du SMIC dans la méthodologie de calcul, l’estimation FNB du coût de production sur le mois d’avril, reste à des niveaux élevés.
Abattages en baisse
En parallèle, la décapitalisation du cheptel bovin allaitant enclenchée depuis 2016, s’est accélérée sur l’année passée (baisse de 110 000 têtes en 2022). Par conséquent, les abattages sont en baisse de 4 % sur l’année passée (Source : Normabev), quand la consommation par bilan, en France, a augmenté de 1,1 % (Source FranceAgrimer, d’après douanes Françaises, Agreste). Cette tendance à la baisse des abattages se confirme encore sur l’année 2023, avec à fin avril -2,25 % d’abattages sur les 17 premières semaines de 2023 contre 2022 (Source : Normabev). Cette offre limitée, face à une demande dynamique, a orienté les cotations à la hausse pour toutes les catégories animales sur l’année 2022, preuve qu’il n’y a pas de fatalité et que les prix peuvent bel et bien augmenter… Malheureusement, cette embellie est à relativiser au regard de la hausse des coûts de production interprofessionnels. Bien que les cotations aient augmenté de 25 % sur l’année 2022, toutes catégories animales confondues (hausse de 1,04 €/kg sur le Prix moyen pondéré) le constat est là : l’embellie des cotations ne permet toujours pas de couvrir la hausse des charges subie par les éleveurs sur l’année écoulée. L’écart entre coût de production interprofessionnel et cotation ne diminue que très légèrement sur les diverses catégories animales, par rapport à celui de 2018. Les signes d’une amélioration de la rémunération des éleveurs bovins sont loin d’être au rendez-vous et ce mois d’avril en est la preuve ! Bien que les charges aient diminué pour les éleveurs bovins, les cotations ont suivi la même tendance. De ce fait, le prix payé producteur est toujours à perte, lorsqu’est comparé le prix de revient réactualisé selon l’estimatif FNB à la cotation entrée abattoir au 30 avril.
Un socle indispensable à la négociation
Dans ce contexte l’indicateur coût de production interprofessionnel est l’élément indispensable au sein des contrats, pour faire face à l’envolée des prix des matières premières. Il convient de rappeler que, dans le cadre d’Égalim 2, l’éleveur doit établir sa proposition de contrat à son premier acheteur et non l’inverse. Dans cette proposition, le coût de production interprofessionnel (selon la méthodologie de calcul en date du 22 mai 2019 et non un autre) est le socle indispensable à toute négociation. Le résultat de la mécanique de prix, résultant de cette négociation et présente dans le contrat, ne sera alors plus négociable par l’aval de la filière. Par la prise en compte du coût de production interprofessionnel dans le contrat, l’éleveur a l’assurance que la flambée des prix des matières premières sera supportée par son exploitation, de manière durable. Il convient également de rappeler que la prise en compte du coût de production interprofessionnel dans un contrat, amène toujours à une meilleure valorisation que le prix du marché, même quand celui-ci augmente fortement sur l’année passée. Enfin, cela permet de donner de la lisibilité aux éleveurs, à la filière, comme aux banquiers pour accompagner les jeunes. Avec la moitié des éleveurs qui partiront à la retraite dans les 10 années à venir, le renouvellement des générations est urgent.