En mode commando
Les membres de la session de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or se sont réunis vendredi dernier à Beaune. Zoom sur plusieurs interventions, pour le moins animées.
Les sessions de Chambre, au nombre de trois chaque année, sont toujours des moments très attendus et importants pour l'agriculture du département. Les dossiers de conjoncture y sont abordés en présence de politiques, élus et représentants de l’administration. Ces rendez-vous sont également l’occasion de mettre l'accent sur une ou plusieurs productions. Ce vendredi 4 mars, la viticulture était mise à l'honneur avec l'intervention de plusieurs professionnels du secteur, ayant fait le déplacement au lycée viticole beaunois. La Chambre d'agriculture a profité de l'occasion pour rappeler son investissement sans faille dans le monde viticole. « Elle est aujourd’hui connue et reconnue avec ses nombreuses actions développées en faveur des producteurs, dans un contexte de changement climatique et de nouvelles attentes sociétales », a souligné Lucien Rocault, élu en charge des dossiers viticoles. L'actualité agricole a ensuite animé les débats. En voici quelques extraits.
Viticulture Une belle activité
La Chambre d’agriculture de Côte-d’Or travaille avec près de 600 domaines viticoles chaque année, à travers l’appui technique, le conseil et/ou la formation. « Sept conseillers spécialisés sont au service des professionnels », rappelle Sophie Hanesse, responsable du service vigne et vin, qui a illustré l’implication de la Chambre en plusieurs chiffres : « un bulletin technique est édité et consulté par plus de 400 domaines, notre réseau de stations météo connectées est utilisé par 170 viticulteurs. Le guide des maladies de la vigne et de ses ravageurs, mis à jour régulièrement par nos services, a déjà été vendu à 1 700 exemplaires. Plus de 200 parcelles font chaque année l’objet d’analyses de fertilisation. Des plateformes de démonstrations sont régulièrement proposées aux professionnels, avec différentes thématiques comme les couverts végétaux ou encore le réglage des pulvérisateurs. Nous sommes très sollicités pour les certifications bios et HVE, un programme de recherche de lutte contre le dépérissement est mené avec les viticulteurs. Nous les conseillons et accompagnons dans des projets collectifs, les aires de lavage créées ces dernières années rencontrent d’ailleurs un très beau succès. Les sujets de la biodiversité et de l’agroforesterie connaissent un intérêt grandissant. Aussi, nous avons proposé 60 journées de formation en 2021 en accueillant 380 stagiaires dont la moitié était des salariés. Il y a également les groupes Dephy et bien d’autres travaux menés, en lien avec les attentes et les préoccupations du terrain ».
« Pas le bon chemin »

« La notion de souveraineté alimentaire revient d’actualité avec la guerre en Ukraine. Malgré les discours politiques actuels, je n’ai malheureusement pas l’impression que nous prenons le bon chemin. Les contraintes administratives pèsent toujours autant sur la production, les exemples sont nombreux. Sur le sujet des ZNT, soit les produits sont dangereux, soit ils ne le sont pas : 3 m, 5 m ou 10 m ne changeront rien. Le monde viticole, pour ne citer que lui, s’inquiète beaucoup des conséquences de telles mesures. L’arrêté irrigation ne va pas non plus dans le bon sens, les territoires n’ont pas les mêmes problématiques mais ils sont traités de la même façon… Je ne sais pas si vous avez connaissance du dossier des méandres de Talmay, mais c’est du même niveau d’aberrations. Avec les élections présidentielles suivies des vacances d’été, je crains qu’il ne se passe plus grand-chose d’ici septembre… Je le redis pourtant ici : nous ne pouvons pas prôner pour une souveraineté alimentaire et continuer de travailler comme nous le faisons. La France décroche depuis un petit moment en termes de production. Et cet inquiétant glissement, nous le prenons en pleine face avec ce confit. Malgré nos difficultés, nous avons pourtant la capacité de produire à peu près tout ce dont nous avons besoin dans notre pays ».
« J'enrage ! »

« Depuis des années, nous passons pour des imbéciles à chaque fois que nous défendons la production. Selon ceux qui nous gouvernent, nous n’avions plus à nous préoccuper ni de l’énergie, ni de l’alimentation, car tout irait pour le mieux avec la mondialisation. Aujourd’hui, j’enrage ! Ces mêmes personnes retournent leurs positions en moins de dix jours, ils nous disent désormais qu’il va falloir changer nos pratiques… Sur l’alimentaire, tout le monde semble découvrir que l’Ukraine et la Russie représentent à eux deux le grenier à blé de la planète… La profession agricole dit et répète depuis longtemps que nous avons un rôle à jouer dans la production et qu’il ne faut surtout pas désarmer. Le débat est le même à chaque fois : on nous répond sans cesse qu’il faut améliorer nos pratiques, et que cela ne sert à rien de produire. D’un seul coup, tout le monde semble se réveiller… Il n’est jamais trop tard pour bien faire, mais il est bien dommage de ne pas être davantage écoutés depuis tout ce temps ».
« Nous avons changé d'époque »

« Sachez que l’Ukraine exportait 60 millions de tonnes de céréales, elle était aussi le premier exportateur d’huile de tournesol et représentait un énorme fournisseur de viande blanche. Aujourd’hui, ses exportations sont totalement arrêtées. La hausse des prix des céréales entraîne une explosion des coûts de production. Je pense que tout va doubler… J’ai une pensée pour les éleveurs de viande blanche : si rien n’est fait, beaucoup seront en cessation de paiements à la fin de l’année. Un autre point : la Russie fournissait jusqu’à aujourd’hui 40 % de l’ammonitrate dans le monde : cela va nous poser d’énormes problèmes dans nos futurs approvisionnements. En dix jours, nous avons changé d’époque. Combien de temps ce conflit va-t-il durer ? Nous n’en savons rien. Faire des prévisions est devenu impossible. Personnellement, je m’interroge sur plein de choses, notamment sur le bio. Chacun fait bien sûr ce qu’il veut de ses terres, mais je ne pense pas que ce soit la bonne année pour se convertir. Dans cette situation plus que tendue, j’aimerais que nos politiques et que notre administration fassent preuve d’un grand sens des responsabilités ».
« Impossible de se projeter »

« La crise géopolitique aura de réelles conséquences sur l’alimentation du bétail, aussi bien en termes de coûts que d’approvisionnements. L’élevage laitier, pour ne citer que lui, est très dépendant des protéines et aujourd’hui, plus personne ne peut se projeter sur des prix, même à court terme. Les premiers indicateurs du mois de mai nous annoncent une hausse de 50 euros la tonne ! Après les promesses de la loi Égalim, nous voulons rapidement des actes et des résultats pour tenter d’y faire face. Nos responsables, avec Macron en tête de file, veulent redonner de la puissance à notre agriculture : je m’en félicite, mais il faudrait un peu plus de cohérences sur le terrain. La Saône en est un bel exemple : une vingtaine de producteurs sont partis pour ne plus pouvoir irriguer. Nous n’avons pas besoin de cela en ce moment, nous avons besoin de produire, notamment du soja et des cultures fourragères pour pérenniser nos filières et atténuer la hausse des charges dans nos élevages. D’autant que de l’autre côté de la rive, dans le Jura, les producteurs auront encore la possibilité d’irriguer. Nos agriculteurs vont une nouvelle fois faire face à une distorsion de concurrence. Un autre point à ajouter sur cette même Saône : l’été dernier, nous avons connu une crue historique, avec 8 500 ha inondés. En termes d’indemnisations, nous n’avons eu que nos yeux pour pleurer. Je pense que l’axe de la Saône est sanctuarisé, tout est fait pour favoriser l’eau des grandes agglomérations le long du cours d’eau. Si c’est le cas, il faut nous le dire très rapidement ».