Deuxième apport d'azote : comment le raisonner ?
Le stade épi 1 cm approche pour les céréales semées cet automne, un stade clé pour les apports d’azote. Le point sur les stratégies de fertilisation à mettre en œuvre cette année.

Depuis les semis, les cumuls de températures sont dans la moyenne voire inférieurs à la normale des 20 dernières années et nettement moins chauds que 2022/2023 et 2023/2024. Les stades et le développement des cultures étaient globalement en retard, il n’y a pas eu de rattrapage des semis tardifs comme lors de la campagne 2023/2024. Toutefois, des températures au-dessus des normales ont pu être observées ces dernières semaines. Elles s’exercent donc sur des plantes qui sont désormais totalement vernalisées, et de moins en moins freinées par la durée du jour. Elles ont un effet fort sur l’accélération des stades, d’autant plus que les sols vont se réchauffer en séchant et en étant exposés au soleil. Vous trouverez en illustration 1 les dates d’apparition simulées des stades Epi 1cm (Prévi-LIS®) pour des cultures de blé tendre « moyennes » (date de semis au 25/10 et variété LG Absalon) avec des hypothèses de températures conformes à la moyenne. S’il fait plus chaud que la moyenne à partir de maintenant, les stades seront un peu plus précoces. Dans le contexte particulier de l’année, l’humidité du sol joue évidemment, car c’est bien la température au niveau de l’apex qui compte. Un sol engorgé en eau a donc une forte inertie thermique ; et si l’engorgement date du milieu de l’hiver, la masse d’eau est froide et cette inertie pénalise le réchauffement du sol (surtout cette année où il y a eu peu de soleil pour réchauffer la surface du sol). Les parcelles qui sont restées longtemps engorgées en eau (voire qui le sont encore) ont des sols plus froids, car plus lents à se réchauffer. Les céréales y seront donc plus tardives.
Comment raisonner mon deuxième apport d’azote ?
Les premiers apports réalisés autour du 20 février ont été bien valorisés par de la pluie. Pour le raisonnement du deuxième apport, trois situations sont à distinguer (voir tableau). Pensez à la fertilisation soufrée : dans les situations les plus à risque, c’est-à-dire sur sols superficiels, pauvres en matière organique et ne recevant pas d’apports de produits organiques, un apport de 20 à 50 kg de SO3/ha est recommandé selon le potentiel de rendement (cf. Grille soufre BTH — https://www.arvalis.fr/infos-techniques/cereales-les-cles-pour-piloter-les-apports-dazote-et-de-soufre. La date optimale est de fin tallage à épi 1cm. Si l’apport est réalisé avec des engrais azote-soufre, il convient de le positionner au plus près des besoins, plutôt juste avant le stade épi 1 cm.
Et pour les orges ?
Orges d’hiver : Tout comme en blé, il est indispensable de réajuster le potentiel de la parcelle si nécessaire (JNO, anoxies racinaires…) Pour les semis d’orge effectués deuxième quinzaine d’octobre, le stade épi 1cm est prévu entre le 20 et le 30 mars (variété KWS Faro). Jusqu’au stade épi 1 cm, apporter la dose d’azote calculée avec la méthode du bilan. A ce stade, sur-fertiliser une zone adjacente avec environ 80 kg N/ha supplémentaires pour piloter un apport courant montaison. La taille de la zone doit être suffisante pour pouvoir réaliser les mesures N-Tester (mini 20 m x 20 m pour des engrais solides et 10 m x 10 m pour des formes liquides). Eviter les tournières ou les zones hydromorphes afin d’être le plus représentatif de la parcelle. Entre les stades 1 et 2 noeuds, sous réserve que l’apport épi 1 cm ait été valorisé par au moins 15 mm de pluie, établir un diagnostic avec la pince N-Tester, d’une part sur la parcelle, d’autre part sur la zone adjacente sur-fertilisée. Puis se rendre sur https ://www.at.farm/fr/n-tester/ afin d’interpréter les mesures et télécharger votre conseil.
Orges de printemps en semis d’automne : La fertilisation azotée sera gérée comme celle d’une orge d’hiver : méthode du bilan azoté, fractionnement en 2 apports à partir de la sortie de l’hiver puis mise en oeuvre de la méthode HNT Extra pour piloter un éventuel apport supplémentaire afin de ne pas « louper » l’année favorable à la production, et favoriser l’atteinte de la teneur en protéine minimale de 9,5 % demandée par la filière brassicole.
Orges de printemps en semis de printemps : Le débouché des orges de printemps est brassicole, ce qui implique de faire attention à la teneur en protéines à travers la maîtrise de la dose totale d’azote apportée et, dans une moindre mesure, son fractionnement. La gestion du fractionnement doit trouver un compromis entre une bonne valorisation de l’azote (apports pas trop précoces, en cohérence avec les besoins) et une teneur en protéines compatible avec les exigences brassicoles (9,5 à 11,5 % de protéines). Nos essais démontrent que le fractionnement 1/3 de la dose au semis et 2/3 à tallage est une stratégie robuste car elle permet de répartir les risques entre année sèche et année humide.
A retenir
– Des stades épi 1 cm globalement dans la médiane des 20 dernières années. Même si effet « boost » des températures clémentes actuelles, nous n’atteindrons pas la précocité record de l’année dernière.
– Bonne valorisation des apports de février.
– Apports d’azote à déclencher en priorité pour les situations précoces (variétés précoces à montaison semées première quinzaine d’octobre) puis pour les situations intermédiaires (variétés demi-précoces à demi-tardives semées à partir du 20 octobre) dès qu’une pluie significative est annoncée.
– Attendre la prochaine période favorable pour les situations tardives : semis tardifs (novembre décembre), zones tardives.
– Pour le pilotage de l’azote sur orge d’hiver et de printemps brassicoles mais également sur des mélanges variétaux de blé tendre et sur des variétés de blé améliorants, penser à mettre en place une zone surfertilisée au stade épi 1 cm, pour pouvoir utiliser la méthode HN-Tester.
Article rédigé par les partenaires de « Blé Orge Objectifs Protéines » (BOOP) Bourgogne Franche-Comté : Diane Chavassieux et Léa Bounhoure (Arvalis), Jérémie Blas (CA21), Emmanuel Bonnin (Soufflet Agriculture), Benjamin Foltier (Axereal), Patrick Chopard (CA39), Emeric Courbet (CA70), Damien Derelle (SeineYonne), Romain Flamand (SAS Bresson), Yohann Roblin (Interval), Alexandre Lachmann (Bourgogne du Sud), Marie-Agnès loiseau (CA89), Mickaël Mimeau (Alliance BFC), Antoine Villard (CA71) et Cédric Zambotto (CA58).