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Elevage Charolais

Dans le Charolais, la FCO 8 est responsable de 10 à 40% de pertes et d’autres conséquences sont redoutées !

Cet hiver, la FCO 8 a frappé durement les élevages de bovins dans le Charolais. Dans le secteur le plus touché, certaines exploitations ont perdu jusqu’à 40 % de leur production et les conséquences ne s’arrêteront pas là. 

Par Marc Labille
Dans le Charolais, la FCO 8 est responsable de 10 à 40% de pertes et d’autres conséquences sont redoutées !
Hugo Pierre et Thibaud Cognard en compagnie d’un veau né aveugle qu’il faut faire téter depuis une quinzaine de jours.

Installé en novembre dernier à Volesvres, Hugo Pierre a eu la malchance de connaître les dégâts de la FCO 8 pour sa toute première campagne de vêlage. Fin janvier, un premier veau est venu au monde avec peu de vitalité à la naissance, raconte Hugo. L’animal avait la particularité de « se laisser tomber la tête en arrière », décrit le jeune éleveur. Durant 15 jours à trois semaines, des veaux anormaux, aveugles, se sont succédés sur l’exploitation. Trois sont morts au bout d’un ou deux jours. Trois autres ont atteint un mois et demi après avoir dû les faire téter tous les jours. Deux autres survivent pour l’heure, mais s’amaigrissent, relate Hugo Pierre. À cela s’ajoutent quatre avortements. Des analyses de ratte pour l’un des avortements et des prises de sang ont révélé que deux vaches étaient positives à la FCO 8 ainsi qu’un veau aveugle encore en vie. En conséquence, l’exploitation d’Hugo a été reconnue foyer de FCO 8. Pour l’heure, le bilan atteint au moins 10 % de perte, calcule le jeune éleveur qui est à la tête d’un cheptel charolais de 70 vêlages. Il lui reste encore une douzaine de vêlages, mais la vague semble être passée, se rassure Hugo.


Des veaux sans vie, aveugles, « beurdins »…


À quelques kilomètres de là, Colette, Thibaud et Michel Cognard du Gaec Ferme de Bellevue à Saint-Vincent-Bragny dressent un bilan plus lourd. Sur les 134 charolaises mises aux taureaux en 2023-2024, les échographies avaient révélé seulement six vaches vides, ce qui était conforme à une campagne normale, confie Michel. Trois autres vaches vides ont été recensées au retour du troupeau en bâtiments et les associés ont essuyé cinq avortements. Jusqu’en décembre-janvier, la famille Cognard ne décelait rien d’alarmant si ce n’est un premier veau aveugle et un autre « abruti »… « Mais après, ça s’est gâté ! », raconte Michel. Les associés ont perdu 9 veaux charolais. Sur les 14 vaches laitières de leur atelier de transformation fromagère, ils ont eu quatre vaches vides et trois veaux morts… Et « les laitières qui ont vêlé peinent à monter en production tandis que leurs veaux n’ont pas d’immunité », confie l’éleveur.
Comme leur collègue Hugo, Thibaud et Michel ont connu ces veaux aveugles, « moitié beurdins ou gnan-gnan qui ont du mal à téter… ». Les associés du Gaec Ferme de Bellevue estiment avoir d’ores et déjà perdu 20 % de leurs veaux et il leur reste une dizaine de vêlages. Onze de leurs vaches ont été diagnostiquées positives à la FCO 8 ce qui leur vaut une « séroprévalence élevée » et le statut de « foyer FCO ».


Oudrache, Bourbince, Canal du Centre…


Autour d’Hugo Pierre et de la famille Cognard, de nombreux voisins sont touchés eux-aussi. Dès le mois de janvier, certains élevages dénombraient déjà jusqu’à 20 % de vaches vides, rapporte Michel, qui est délégué au GDS 71 et qui dit avoir eu des collègues en pleurs au téléphone… Sur ce secteur, le taux de perte irait de 10 à 40 % selon les exploitations avec des situations hétérogènes. Michel évoque un élevage qui n’aura que 82 veaux pour 144 vaches mises aux taureaux…

Les cas de FCO 8 se concentrent sur une zone irriguée par l’Oudrache, la Bourbince et le canal du Centre. Un secteur propice aux insectes piqueurs qui a été particulièrement humide l’année passée, fait valoir Michel Cognard qui dénonce au passage la sanctuarisation des zones humides qui accentue la prolifération des vecteurs de maladies.
La disparité des situations entre élevages tiendrait aussi à la météo, au stade de gestation au moment des contaminations… Ceux dont les vêlages sont les plus précoces semblent s’en être mieux tirés. Génisses et jeunes vaches seraient plus touchées que les vieilles vaches. Les éleveurs soupçonnent aussi que les cheptels les plus viandés, au cuir plus fin, aient été plus sensibles…


Conséquences économiques à venir…


Dans ces élevages, l’inquiétude concerne désormais la suite. Qu’en sera-t-il de la fertilité des taureaux ? Au Gaec Ferme de Bellevue, trois taureaux sur onze ont été diagnostiqués stériles dans l’hiver, rapporte Michel. Les premières échographies confirment que huit taureaux seraient bien fertiles et 60 femelles sur 70 viennent d’être diagnostiquées pleines, est soulagé Thibaud. Mais comme leur collègue Hugo Pierre, les membres de la famille Cognard restent inquiets à la veille de lâcher les animaux. Dans la campagne, on parle de femelles qui ne restent pas gestantes…
Et Michel d’évoquer aussi les impacts futurs de la maladie sur l’économie des exploitations. « Les vaches vides vont être engraissées. Ce qui induira plus de ventes et de chiffre d’affaires, donc plus de MSA à payer alors qu’il y aura moins de veaux à vendre et donc moins de revenus… », imagine l’éleveur.


Vaccination, le message n’est pas passé


Lorsque les cas de FCO 8 sont apparus sur le territoire français l’an dernier, les alertes n’ont pas vraiment trouvé d’échos. « On nous encourageait à vacciner, mais personne ne s’y est vraiment lancé », confirme aujourd’hui Hugo. Il faut dire que les éleveurs étaient las de la FCO depuis qu’ils avaient dû vacciner tout le cheptel en 2008 et après avoir dû vacciner les broutards pour l’export. « Le sujet était devenu tellement banal. La vaccination n’était vue que comme une contrainte commerciale », déplore Michel Cognard. Il y avait aussi une appréhension à vacciner : « on avait peur que le vaccin déclenche des mises bas avant terme, des avortements… Je craignais pour la mise à la reproduction ; que cela retarde les vêlages », avoue Hugo. Cet hiver, les deux élevages ont fait vacciner leurs animaux contre le sérotype 3 de la FCO. Après cet épisode et faute de vaccins disponibles sur le marché, Hugo espère que son troupeau sera immunisé contre le sérotype 8. En complément, il désinsectise ses animaux.

 

SCEA La Vallée-Thivent à Ménetreuil : la vaccination a été efficace

SCEA La Vallée-Thivent à Ménetreuil : la vaccination a été efficace

Installé depuis un an et demi, Damien Thivent élève un troupeau de 75 vaches allaitantes à Ménetreuil en Bresse. Au mois de mars 2024, encouragé par son vétérinaire, il a fait le choix de vacciner la totalité de son cheptel avant la mise à l’herbe. À la fin de la saison de reproduction, 75 des 80 femelles mise aux taureaux se sont révélées pleines. Cet hiver, il en restait 73 à vêler (deux avaient avorté sans que la FCO ne soit impliquée). Au 5 avril, 64 veaux étaient nés en bonne santé de 65 vêlages. Un seul veau était soupçonné porteur de la FCO. Damien l’attribue à « un loupé » dans l’acte de vaccination. L’éleveur signale aussi trois veaux malades dans l’été alors qu’ils étaient âgés de six mois, mais sans conséquence. En 2024, Damien a vacciné ses vaches, ses génisses de 1 et 2 ans ainsi que ses taureaux contre la FCO 4 et 8. En 2025, il y a ajouté la FCO 3 ainsi que la MHE ! « Je l’ai fait en prévoyance », justifie l’éleveur bressan qui avoue pourtant ne pas être un fanatique des vaccins. Le coût de la vaccination pour l’année 2025 approche 5.000 €, mais il faut le comparer au montant de la perte de trois bovins aujourd’hui, fait valoir Damien. Grâce à la vaccination, le taux de perte sur le troupeau reste bien maîtrisé (de l’ordre de 4 %), apprécie l’éleveur. En comptant tous les rappels et une vaccination BVD, l’éleveur a dû administrer pas moins de 7 piqûres par animal ! Pour limiter le stress, il pique ses bovins pris au cornadis par l’arrière, vers la queue. Heureux d’avoir bénéficié de cette protection vaccinale, Damien Thivent apprécie la réactivité de ses vétérinaires qui ont su constituer des stocks de vaccins et faire passer le bon message.

 

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