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Cinéma

Accueillir un tournage sur sa ferme

Avec plus de 300 jours de tournage réalisés en moyenne par an en Bourgogne-Franche-Comté, le cinéma se révèle friand des paysages et des infrastructures régionales. Le patrimoine agricole et viticole se retrouve aussi sur petit et grand écrans, dans des fictions télé ou des publicités. Et pourquoi pas un jour prochain, dans votre ferme ?

Par Françoise Chaintreuil

300 jours de tournage par an, en moyenne, en Bourgogne-Franche-Comté « cela peut paraître modeste par rapport à ce qui se passe dans d’autres régions, fait remarquer Muriel Löser, mais nous constatons une belle répartition de ces tournages partout dans la région ». Si les vignes attirent le regard des caméras du cinéma comme en témoignent les films Intraitable dans les Maranges, Saint-Amour, Ce qui nous lie, le Morvan est aussi souvent plébiscité. « Ce qui joue notamment en faveur d’un département comme l’Yonne, poursuit la chargée de mission Promotion et accueil des tournages du Bureau d’accueil des tournages (le BAT BFC), c’est sa proximité avec la région parisienne ». Quant à la Saône-et-Loire, proche de Lyon et traversée par l’A6, elle n’est pas en reste non plus… Ainsi parmi les derniers tournages en date : la forteresse millénaire de Berzé-le-Châtel, près de Cluny, qui a accueilli les acteurs du film de Ridley Scott Le Dernier Duel ou encore La terre des hommes de Naël Marandin réalisé en grande partie dans le Brionnais et au marché au cadran de Saint-Christophe.

S’inscrire au Bureau d’accueil des tournages

Un tournage « c’est trouver le décor principal et les décors annexes », explique Muriel Löser. Ainsi « tout est décor : un champ, une vigne, un morceau de forêt ». C’est parfois une architecture spécifique qui est recherchée, mais le plus souvent « c’est l’esthétique ». « Récemment, c’est une stabulation dans les champs qui était recherchée ! », se rappelle-t-elle amusée. Avoir la chance de vivre une expérience cinématographique peut s’opérer en s’inscrivant auprès du Bureau d’accueil des tournages, basé à Avallon (Yonne). Le propriétaire d’un lieu inscrit ce qu’il peut mettre à disposition, en donnant la description et quelques photos et il peut même préciser s’il ne souhaite recevoir que des courts métrages ou pas de pub, etc. Une partie de ces informations se retrouvent alors sur le site du BAT BFC, en libre accès pour les réalisateurs et leurs équipes, lesquels peuvent ainsi commencer à faire « leur marché ». Le positionnement géographique exact du bien n’est livré que dans un second temps, après contact avec le Bureau.

Taper dans l’œil d’un repéreur

Dans le cadre d’une exploitation agricole, il est excessivement rare que des agriculteurs en activité entament la démarche. « Il ne faut pas perdre de vue que, pour un tournage, des dizaines de personnes vont débarquer » : une vingtaine dans les plus petits effectifs, jusqu’à une cinquantaine pour les longs métrages, plus la flopée de camions. Parmi les aspects à prendre en compte, la facilité d’accès est primordiale… « C’est bien souvent un repéreur qui va venir sonner chez l’agriculteur, car il aura remarqué un hangar, une stabulation, correspondant aux attentes du réalisateur ». Bien évidemment l’agriculteur est libre d’accepter ou de refuser ce tournage chez lui ! Avoir été ciblé par un repéreur professionnel est la seconde façon d’accueillir un jour un tournage. « Une fois le premier contact établi, il y aura par la suite la visite sur place du réalisateur, car on lui présente en général plusieurs lieux ».

Agriculteur… et acteur

Si les deux parties tombent d’accord, un contrat bien précis viendra établir leurs engagements réciproques. « Il arrive aussi que le tracteur soit demandé ou que les agriculteurs tiennent leur propre rôle par exemple en arrière-plan, pendant la distribution de l’alimentation, les travaux des champs, ou les vendanges ». Ainsi « les véhicules de jeux, comme on appelle alors dans ces cas-là les tracteurs ou tout autre outil, font aussi partie du contrat », précise encore la chargée de mission. Tout ceci est soumis à rémunération et se négocie en fonction de la gêne occasionnée. Il reste que l’expérience est unique et éphémère. Une fois les équipes parties, ne subsistent plus que les souvenirs… gravés sur grand écran !

 


Françoise Chaintreuil

Un bouleversement enrichissant pour une ferme

Joël Bailly a accueilli pendant 13 jours, à l’automne 2019, l’équipe de tournage de La Terre des hommes de Naël Marandin. L’agriculteur de Chenay-le-Châtel, à la frontière avec la Loire, garde de cette expérience un souvenir amusé. Il a été démarché car le réalisateur était venu en séjour dans une chambre d’hôte du Brionnais et qu’on lui avait parlé de l’exploitation de l’éleveur. Cela faisait plusieurs mois qu’il avait écrit le scénario de son film, l’histoire d’une jeune femme qui tente par tous les moyens de reprendre la ferme de son père en faillite. Il avait visité des dizaines d’exploitations mais aucune ne correspondait. Pour limiter les déplacements des équipes, il recherchait un site à proximité d’un marché aux bestiaux, où des scènes allaient également être tournées. Ce qui fut le cas au marché au cadran de Saint-Christophe-en-Brionnais. « L’avantage de ma ferme c’est qu’elle est isolée, donc loin d’une route pour éviter au maximum les bruits, explique l’éleveur de vaches allaitantes. Et puis j’ai une partie de bâtiments anciens ». Naël Marandin recherchait aussi une ferme à l’aspect modeste. Enfin, l’ensemble proposait suffisamment d’espace. Ce qui a convaincu l’agriculteur d’accepter, « c’est la contribution financière et le fait que la période du tournage, septembre-octobre, était possible pour moi. En pleine fenaison, j’aurais refusé », précise-t-il. Certains membres de l’équipe, comme les décorateurs, et des éléments techniques, sont restés près de six semaines. Sa grange a accueilli l’épisode du mariage, des scènes ont également été tournées à l’intérieur de sa maison. S’il a été obligé de déplacer du matériel et de manipuler les animaux en fonction des besoins du tournage, Joël Bailly fut ravi de cette expérience. « On a pu côtoyer des gens que l’on n’a pas l’habitude de voir. Et puis, on a beaucoup échangé avec les décorateurs qui nous ont expliqué les rouages et l’arrière du décor ». L’agriculteur a beaucoup appris sur le septième art. De nombreux villageois ont été réquisitionnés comme figurants. Joël Bailly, lui, n’a pas voulu en être. « Les décorateurs m’avaient dit : tu verras ça te fera un drôle d’effet de voir ta ferme sur grand écran ». Naël Marandin l’a emmené à une projection en avant-première. « En fait, non, ça ne m’a pas fait un effet extraordinaire… mais je garde quand même un très bon souvenir de cette expérience ! ».