Maraîchage
Des pistes d'adaptation au changement climatique

Paul Voirgard (CA70)
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La perception et les mesures d’adaptation au changement climatique de maraîchers de Haute-Saône ont fait l’objet d’une enquête de la Chambre régionale d’agriculture. Plusieurs pistes se dégagent : infrastructures agroécologiques, évolution des pratiques culturales, organisation du travail…

Des pistes d'adaptation au changement climatique
Les haies constituent des infrastructures agroécologiques aux bénéfices multiples : atténuation de l'amplitude thermique et de l'évaporation, faune auxiliaire... (Crédit Paul Voirgard)

Pour Marc Burri, installé depuis 2014 à Theuley, à l’ouest de Vesoul, le constat est évident : la fréquence et l’intensité des périodes de sécheresse et de précipitations sont en augmentation, et la culture de légumes peut être prolongée plus tard dans l’année, notamment sur la première moitié de l’hiver, sous serre (une pratique inenvisageable il y a seulement 10 ans en Haute-Saône). Ces transformations climatiques ne sont pas sans conséquences pour son exploitation. En 2018, les fortes sécheresses ont coïncidé avec les premières pertes d’EBE. Aujourd’hui, la croissance économique est davantage contrainte, avec des conditions météorologiques toujours plus changeantes et imprévisibles. D’autre part, les pressions croissantes de certains ravageurs (altises) entraînent d’importantes difficultés à conduire certaines cultures (le chou par exemple), ce qui remet en cause leur pérennité. Est-ce la présence de colza alentour qui favorise l’accroissement des populations de ces insectes inféodés aux crucifères ou les hivers de plus en plus doux qui favorisent une remontée des populations du Sud ou Nord ? Ou les deux ?

Différents leviers

Afin de faire face à la multiplicité de ces aléas, différents leviers sont considérés par Marc Burri pour l’adaptation de son système. On retrouve la réduction du travail du sol et sa couverture (paillage, engrais vert). L’objectif : conserver l’humidité dans les sols. Seule problématique : la limitation du réchauffement des sols en sortie d’hiver, peu propice à la production de légumes primeurs. D’autre part, la plantation d’arbres entre les jardins de plein champ est un autre levier, avec des perspectives de résultats à long terme. Au-delà du microclimat établi et de l’ombrage protégeant les cultures des fortes chaleurs, les plantations arborées sont propices à l’attractivité de la biodiversité utile. À plus petite échelle, l’utilisation de semences de ferme montre un intérêt grandissant dans l’adaptation du végétal aux conditions climatiques changeantes (résultats satisfaisants observés sur la tomate). Le choix des cultures est quant à lui davantage réfléchi aux conditions de sécheresse. Marc a notamment introduit de la patate douce dans ses rotations et transfère certaines implantations initialement sous serres en plein champ. L’adaptation des équipements est le dernier point mentionné par le maraîcher. Bien que rare en Haute-Saône, le blanchiment des serres (technique de protection des cultures permettant de réfléchir jusqu’à 90 % des rayons du soleil) pourrait être davantage considéré les prochaines années. Certains maraîchers s’y sont déjà essayés par eux-mêmes.

Vents et sécheresses

De son côté, Cyrille Chaille, maraîcher et éleveur de volailles à Confracourt, un peu plus au nord, remarque depuis son installation il y a 10 ans une augmentation des forces du vent et de la fréquence des sécheresses. Un décalage des saisons est également perçu, avec des intersaisons sensiblement moins marquées. Par conséquent, les besoins en irrigation ne cessent d’augmenter. Pour autant, un de ses points forts réside dans la gestion et la disponibilité de la ressource en eau sur son exploitation. La création d’un bassin de rétention, alimenté par les eaux de pluies via les chéneaux, ainsi que la disposition de cuves de récupération d’eau de pluie de part et d’autre des jardins permet à Cyrille d’être autonome toute l’année. Son indépendance vis-à-vis de la fourniture en eau du réseau lui permet de réduire drastiquement ses coûts d’irrigation. L’arbre (mise en place de jardin – verger), la couverture du sol (paillage, engrais vert), la multiplication des semences de ferme (une quinzaine de variétés de tomates), l’association culturale et la limitation du travail du sol sont autant de pistes développées pour s’adapter aux conséquences du changement climatique. De plus, le travail du sol réalisé en traction animale permet à Cyrille d’atténuer ses émissions de Gaz à effet de serre (GES), tout en restituant de la matière organique au sol. Le maraîchage ne semble donc pas à l’abri des conséquences du changement climatique. Les retours parmi les maraîchers interrogés lors d’une enquête menée par Élise Rougier, stagiaire chargée de la capitalisation des pratiques d’adaptation et d’atténuation au changement climatique à la Chambre régionale d’agriculture de Bourgogne-Franche-Comté montrent que la perception et l’adaptation au changement climatique sont des sujets d’actualité pour la filière. Plusieurs pistes sont mises en place par les producteurs afin d’adapter leur système de production (couverture et réduction du travail des sols, récupération des eaux pluviales, plantations arborées/arbustives, sélection des semences, etc.). Cet effort d’adaptation induit des coûts d’investissement supplémentaires, parfois difficilement absorbables pour ces petites structures. En outre, l’adaptation du maraîcher en tant que travailleur exposé aux conditions météorologiques est aussi un point à considérer. On observe une évolution dans la manière travailler, avec désormais des horaires d’été décalés et ajustées. En période de pleine production, cela implique un réveil à 5 heures et une reprise à 16 heures jusqu’à la tombée de la nuit, après une pause entre midi et 16 heures.