Mycologie
« Chaque champignon comestible a un sosie mortel »
« Un panier, des bottes et un couteau, c'est le minimum syndical pour partir en cueillette », lance Jean-Baptiste Cokelaer. Sans oublier le sourire jusqu'aux oreilles pour ce pharmacien de profession dont la passion est le champignon ! Régulièrement, il organise des cueillettes à destination du grand public. Son leitmotiv ? « Partager, échanger et transmettre ».
Jean-Baptiste Cokelaer est à l'initiative des Journées mycologiques et botaniques qui se déroulent chaque année dans la forêt domaniale du Bois l'Évêque, à Ors (Nord) dans son Cambrésis natal qu'il affectionne particulièrement. « En 2009, pour la première édition, il n'y avait que six personnes, et encore c'était mes proches, qui se foutaient pas mal des champignons et ils étaient plutôt là pour me faire plaisir. Mais on s'est éclaté ! » Jean-Baptiste Cokelaer décide donc de renouveler l'opération tous les ans et c'est devenu un véritable succès. « Les deux rendez-vous affichent très rapidement complets. À chaque fois, je dois refuser des gens ».
En quinze éditions, plus de 4 000 personnes y ont participé. Un moment de plaisir et surtout de partage : « Une relation se crée avec les gens, on n'est pas dans le consumérisme. On se balade en forêt et, sans aller jusqu'à faire des câlins aux arbres, c'est toujours un moment de détente où l'on se reconnecte à son environnement. On redevient des chasseurs-cueilleurs, on prélève de la nourriture pour un repas, c'est inné chez l'homme, on a ça dans nos gènes ». Lorsqu'il part en forêt, Jean-Baptiste Cokelaer ne se met pas de pression. « Il n'y a aucune obligation de résultat. La cueillette, ce n'est pas l'appel du ventre », insiste-t-il. D'abord car il n'est pas question de « piller une zone. Il faut en laisser pour les autres, mais aussi pour les générations futures ». Et puis, le cueilleur le rappelle : le champignon est un condiment. « Il se digère mal et il est recommandé de ne pas en manger plus de 200 grammes par semaine », ajoute-t-il.
Le maître mot : la prudence
Ce loisir doit se pratiquer avec une grande prudence : « Avec les champignons, il ne faut pas se fier à ce qui saute aux yeux, ne pas se précipiter. Tous les sens doivent être en éveil : la vue, le toucher, l'odorat mais aussi le goût ! ». Et d'ajouter : « chaque champignon comestible a un sosie mortel, ou tout au moins toxique ». Sur les 6 000 variétés de champignons présents en Hauts-de-France, entre 20 et 30 variétés seulement sont comestibles, une dizaine sont mortelles et d'autres sont toxiques et peuvent parfois entraîner de graves séquelles comme des troubles digestifs sévères, des complications rénales, ou encore des atteintes du foie pouvant nécessiter une greffe…
Et s'il est incollable sur le sujet, Jean-Baptiste Cokelaer n'en reste pas moins modeste : « La seule chose dont je suis sûr, ce sont mes incertitudes », sourit-il. Il faut dire qu'il endosse une sacrée responsabilité lorsqu'un client se rend à la pharmacie pour faire vérifier le butin de sa cueillette. « Je m'arrange souvent pour que le diagnostic se fasse devant témoins d'ailleurs ! ».
Transmission
Et il préfère le préciser : « je ne suis pas un autodidacte. Tout ce que je sais aujourd'hui, je l'ai appris en suivant des cours, en lisant, en me documentant, en allant à des conférences… J'ai mis du cœur à l'ouvrage ! ». Si le pharmacien avait étudié la mycologie durant ses études, il a décidé de repartir sur les bancs de la faculté de Lille en 2014, pour passer un diplôme universitaire en la matière. Des connaissances que le mycologue met aujourd'hui un point d'honneur à transmettre. Des connaissances qui impressionnent aussi, au point que de nombreux chefs renommés l'appellent pour partir en cueillette avec lui. C'est d'ailleurs l'un d'eux, Jean-Marc Notelet, qui lui a soufflé l'idée d'écrire un livre : « Lorsque je commence à parler de ce sujet, j'ai du mal à m'arrêter… Jean-Marc Notelet m'a donc dit de tout mettre sur papier ! ». Pour Des cueillettes et des hommes, Jean-Baptiste Cokelaer s'est entouré de professionnels de l'édition. Avec quatre chefs restaurateurs emblématiques de la région (Florent Ladeyn, Damien Laforce, Pascal Lefebvre et Jean-Marc Notelet), ils ont parcouru les Hauts-de-France à la recherche de 70 variétés de champignons et de plantes, mais aussi des différentes manières de les cuisiner. « On a pris un pied ! », sourit le pharmacien. Au point qu'il est d'ores et déjà en train de plancher sur son second bouquin !