Gestion des risques
« La santé, c'est la base de tout »

Chloé Monget
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Comme annoncé (1) voici le premier volet de la série d'articles axés sur la gestion des risques sanitaires dans les exploitations. Laurent Goby (EARL Goby à Charrin) partage son expérience dans le domaine. 

« La santé, c'est la base de tout »
Laurent Goby procède à des analyses sanguines pour tous les animaux achetés.

Si la gestion des risques sanitaires peut être curative, elle est aussi préventive, comme le détaillait le GDS précédemment (1). Afin d’avoir une vision d’ensemble des éléments à mettre en action, Laurent Goby (EARL Goby, à Charrin) détaille les évolutions effectuées en la matière.

Installé en 2000, Laurent Goby a fait face à différents problèmes sanitaires sur son cheptel (ovins et bovins). Pour rappel, l’EARL Goby se compose de 255 ha dont 40 ha de cultures (avoine, triticale, blé, colza, orge maïs en sec et tournesol) ainsi que de 25 ha de culture à façon dans le nord de la Nièvre : « je récupère ma paille et mes céréales notamment pour de l’autoconsommation » stipule Laurent Goby. Outre cela, les 255 ha comptent également 171 ha de prairies se découpant en 44 ha de prairies temporaires avec un mélange de 10 kg de ray-grass hybride, de 10 kg de trèfle violet, de 5 kg de dactyle et 5 kg de fétuque (le tout pour une implantation de 3 ans) ; le restant étant des prairies permanentes. Côté cheptel, Laurent Goby est à la tête de 170 vaches Charolaises (non inscrites) avec des vêlages au printemps et une vente de broutard alourdi au marché au cadran (Sicafome), ainsi que de 100 brebis et 40 agnelles (40 Texel et restant croisé Texel-Charollais).

Les ovins

Il rappelle : « Nous avons eu un gros problème de mammite sur le cheptel de Texel, ce qui m’a poussé à faire du croisement. Puis, même si je relevais moins de souci, j’en constatais toujours. J’ai donc réalisé des analyses sur le lait afin de déterminer la cause : la pasteurellose. Pour en venir à bout, j’ai opté, il y a 3 ou 4 ans, pour la vaccination via Vimco et Pastovax Ovilis pour les agnelles et les brebis. L’investissement représente environ 4 euros pour les deux vaccins par animal (primo + rappel, puis une fois tous les ans) et une nouvelle organisation pour réaliser les injections. En parallèle, j’ai relancé la vaccination contre l’entérotoxémie car je comptais des pertes au sevrage : 10 agneaux morts en 2022. Face à cela, j’ai réinstauré le vaccin systématique, et en 2023 je ne déplore qu’un seul agneau de décédé. L’investissement pour le Bravoxin est d’environ 1 euro / animal (primo + rappel – effectué lors de la tonte pour éviter l’accumulation de manipulations). Pour moi, ces investissements sont rentables car les pertes sont réduites et tous les animaux sont en bonne santé, ce qui fait plaisir à voir ».

Les bovins

Pour le cheptel bovin, Laurent Goby travaille sur plusieurs fronts : « J’ai eu de la besnoitiose… cela a eu des conséquences importantes sur mon cheptel, avec 80 bêtes positives, dont 7 taureaux (avec des vaches vides, un problème de stérilité sur les taureaux, etc.). J’ai donc fait un tri drastique en éliminant les contaminés. Suite à cela, j’ai réinvesti avec l’achat de 29 génisses et sept taureaux pour un total de 55 920 euros. Pour faire face, j’ai fait appel au fonds de solidarité du GDS qui m’a soutenu financièrement ; véritable coup de pouce. En plus de l’élimination, j’ai tenté les produits alternatifs à base d’ail, mais c’est environ 800 euros qui n’ont pas servi à grand-chose. Après cet événement, arrivé en 2017, j’ai mis en place une quarantaine systématique pour tous les animaux achetés, avec une prise de sang obligatoire. Je demande aussi un test de Besnoitiose chez le vendeur, afin d’être tout à fait rassuré. S’il y a trace de ce parasite, je n’achète pas. J’ai également mis en place la désinfection du cheptel (150 euros / l, et je fais tout le cheptel avec, c’est donc un investissement intéressant). De plus, je vaccine pour le BVD systématiquement. Par contre, à l’achat, je ne fais pas systématiquement la recherche, chose qui pourrait être améliorée ».

Vision d’ensemble

Loin de s’arrêter aux portes de son exploitation, Laurent Goby insiste : « dès que j’ai eu des soucis, j’ai prévenu les voisins. Je pense qu’il est important de prendre son courage à deux mains pour éviter la propagation ; le sanitaire est une affaire d’intérêt collectif. De plus, je regrette que certaines maladies, comme la Besnoitiose, ne soient pas considérées comme majeures à éradiquer. En effet, avec le réchauffement climatique, nous voyons de plus en plus ce genre de problématique pulluler et nous constatons de nouvelles maladies sur nos territoires, qui autrefois étaient réservées au sud. Pour ne rien arranger, la période vectorielle s’allonge, avec une pause hivernale qui devient presque anecdotique. Aujourd’hui, les éleveurs doivent comprendre que la santé est la base de tout. Oui, les vaccins et autres demandent un investissement, mais à mon sens il est moindre comparé aux éventuels frais de traitements ou des conséquences que l’on peut subir – je pense notamment au retard de croissance en cas de maladie respiratoire. En somme, mieux vaut prévenir que guérir ».

(1) Voir TDB n° 1770

Mesures de précautions lors de l’introduction d’animaux
Tableau du Kit intro de Terana. Crédit photo : GDS 58 / Terana.

Mesures de précautions lors de l’introduction d’animaux

L’introduction d’animaux constitue l’un des axes majeurs d’entrée de nouvelles maladies au sein de l’exploitation. La mise en place et le respect systématique de mesures simples lors de l’introduction permet d’éviter le risque de contamination du troupeau, qui impliquerait le suivi d’un protocole curatif plus contraignant, sans compter les pertes liées (mortalité, avortements, euthanasie…). Afin de réduire ce risque de contamination, l’introduction de bovins est soumise à des contrôles obligatoires pour certaines maladies : IBR (contrôle sérologique entre 15 et 30 jours après l’arrivée du bovin, sauf dérogation), Brucellose (si délai de transit supérieur à 6 jours pour les bovins de plus de 24 mois), Tuberculose (demande au vendeur d’un résultat IDC négatif de moins de 4 mois pour les animaux d’au moins 6 semaines issus d’un cheptel à risque).

De plus, des contrôles facultatifs mais recommandés pour d’autres maladies permettent de s’assurer que les animaux introduits ne présentent pas de risque sanitaire majeur pour l’ensemble du cheptel. La BVD, la Besnoitiose, la Paratuberculose et la Néosporose peuvent être dépistées lors de l’introduction. Dans cette situation, si les contrôles sont effectués chez l’acheteur, il est essentiel de signer un billet de garantie conventionnelle avec le vendeur afin de clarifier les conditions de reprise en cas de résultats non négatifs. Ces analyses peuvent être demandées via le kit intro du laboratoire Terana (voir tableau). Un examen visuel des pieds peut permettre de détecter la présence de Mortellaro. En complément des dépistages, certaines mesures de précaution peuvent être mises en place afin de réduire le risque de contamination lors du transport et de l’introduction des animaux. Il est ainsi recommandé de limiter le nombre d’élevages fournisseurs, de favoriser le transport direct sans rupture de charge ni mélange avec des bovins en provenance ou à destination d’autres cheptels.

Dans tous les cas, la mise en place d’une quarantaine est un atout majeur dans la gestion des risques sanitaires lors de l’introduction. L’isolement de l’animal pendant quelques semaines (ou jusqu’à réception des résultats d’analyses) permet de s’assurer qu’il n’est pas porteur d’une maladie ou en période d’incubation, tout en donnant du temps à l’animal pour s’adapter à son nouvel environnement. Des traitements préventifs peuvent être utilisés pour anticiper les risques selon la situation et l’avis du vétérinaire (antiparasitaire, vaccination…).

Pour certaines maladies, ces moyens de prévention constituent les seuls moyens de lutte. C’est le cas de la Besnoitiose contre laquelle il n’existe ni de vaccin ni de traitement réellement efficace.

(Signature de l'encadré : GDS 58)