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Agrivoltaïsme

Mais qu’est-ce que c’est ?

Un projet encore impensable il y a quelques années est en train de voir le jour dans le Châtillonnais.
Par AG
Mais qu’est-ce que c’est ?
Jean-Philippe Delacre, agriculteur près de Laignes, devant une parcelle de 4,5 ha qui recevra prochainement des panneaux solaires positionnés à la verticale dans le cadre d’un projet expérimental. Plusieurs espèces végétales seront cultivées sur des bande
On n’arrête plus le progrès mais ça, nous l’écrivons dans la majorité de nos éditions. Aujourd’hui, l’agrivoltaisme frappe à la porte de la Côte-d’Or. Cette pratique consiste à coupler deux productions (énergie renouvelable d’un côté, agricole de l’autre) sur un même lieu, avec une interaction positive espérée entre les deux.
Jean-Philippe Delacre, exploitant à Channay, est à l’origine de l’expérimentation qui devrait voir le jour sur sa ferme avant la fin de l’été.
Cet homme de 40 ans, ancien professeur d’économie, de gestion, de droit et de comptabilité au lycée agricole La Barotte, a rejoint l’exploitation familiale il y a quatre ans. Jean-Philippe Delacre est aussitôt parti à la recherche d’une diversification, si possible dans le domaine de l’énergie : «J’ai longtemps baigné dans ce type de dossiers durant mes études à Paris. Mon idée première s’est intéressée à l’agrivoltaisme, technique innovante dans laquelle une production d’énergie renouvelable est couplée à une production agricole. Un contact établi avec Total Énergies Renouvelables France s’est vite révélé fructueux. Un projet expérimental est lancé avec eux en grandes cultures. Nous ne savons vraiment pas à quoi nous attendre, ce sera une première en France. Aujourd’hui, il existe déjà de l’agrivoltaisme à Montpellier mais le dispositif s’intéresse aux vignes. En Allemagne, des tests sont réalisés sur des prairies».

Tout s’enchaîne
Les travaux ont débuté dès la fin juin dans un champ à faible potentiel de la Ferme de Bel Air. «Nous louons la terre à Total Énergies Renouvenables qui implante ses panneaux. Si tout va bien, l’opération sera prochainement terminée et reliée au réseau électrique», indique Jean-Phillipe Delacre, l’un des quatre associés de l’exploitation, «nous commencerons alors de semer. Nous avons prévu de cultiver de la luzerne, du blé, de l’orge et peut-être même de la lavande. Des essais au niveau des cultures seront menés en partenariat avec Dijon Céréales, la Chambre d’agriculture de Côte-d’Or, le bureau d’étude agronomique Agrosolutions (filiale de l’union coopérative Invivo) et le pôle innovation en agroécologie AgrOnov. Les équipes de R&D de la compagnie Total Énergies étudieront l’aspect photovoltaïque. Enfin, les équipes du pôle d’études et d’expertise environnementales de Total Energies Renouvelables France, les équipes du Pôle d’Études et de Recherche de Lacq (PERL) réaliseront une étude sur l’évolution de la qualité des sols et de la qualité environnementale globale, en caractérisant la
biodiversité du site».

Comme un toit de 1 500m2
Quatorze rangées solaires seront installées, chaque panneau sera bifacial et orienté est-ouest pour produire de l’électricité le matin et le soir. La puissance du dispositif n’excédera pas les 250 kWc: «cela équivaut à la puissance d’un toit de 1 500 m2 équipé de panneaux solaires. En effet, nous aurions pu nous attendre à davantage de puissance compte tenu de la surface au sol, mais il n’y aura pas des panneaux partout. L’idée sera de faire des comparaisons, des tests dans les cultures, avec ou sans panneaux. Pour cela, une zone témoin, avec les cultures mais sans panneaux, sera mise en place sur la parcelle. Nous disposerons d’une dizaine de mètres pour travailler entre chaque rangée de panneaux. Il y aura aussi un espace d’un mètre sous forme de bandes enherbées ou fleuries de chaque côté pour favoriser les auxiliaires et ne pas endommager le matériel électrique».

Études multiples
Un microclimat pourrait être observé en présence de panneaux. «Ces derniers pourraient servir de protection», souligne l’ancien professeur, qui illustre ici ses propos : «l’an dernier, en luzerne, nous n’avions quasiment rien récolté en deuxième coupe. Les seuls endroits où il y avait quelque chose, c’était le long des bois. Avec ces panneaux, l’idée serait de créer une zone d’ombre bénéfique à la culture en place. Les panneaux pourraient également protéger du gel. En 2012, toutes nos cultures avaient gelé ici. Nous pouvons également imaginer une protection contre la grêle et le vent. L’eau pourrait aussi ruisseler sur les panneaux, avec l’idée de la ré-utiliser et la concentrer sur les couloirs de cultures. Des capteurs seront installés un peu partout pour étudier ces différents paramètres».

Participez vous aussi
La ferme de Bel air n’engage aucun frais dans la démarche : «en participant à ce projet expérimental, nous gagnons à nous poser des questions ! C’est déjà énorme. Il nous faut bien trouver des solutions pour nos exploitations. Le système blé-orge-colza ne fonctionne plus. Les cultures de printemps sont bien trop risquées dans notre secteur. Il y a plusieurs décennies maintenant, on nous a emmenés dans des cultures de céréales avec des subventions et de la chimie. Aujourd’hui, on nous retire ces soutiens et ces moyens de production. Nous n’y arrivons plus, alors nous recherchons des solutions, des innovations». À noter qu’un financement participatif à hauteur de 50 000 euros est proposé dans ce projet. Tous les détails de la participation sont à retrouver ici.