Chambre d'agriculture
« Pour une fois, on ne perd pas »
La session de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or s'est penchée sur plusieurs sujets, dont la prochaine Pac.
Les sessions de la Chambre d’agriculture sont à chaque fois l’occasion d’aborder des dossiers en présence des représentants de l’État, en l’occurrence Franck Robine, préfet, et Florence Laubier, directrice de la DDT, pour ce 24 février. La Pac figurait notamment à l’ordre du jour. La Côte-d’Or se sort « plutôt bien » de cette réforme, comme l’indique Vincent Lavier : « Les budgets sont maintenus dans l’ensemble. Pour une fois, on ne perd pas. C’est forcément une satisfaction car cela n’était jamais arrivé… Nous avons réussi à unir nos forces et tenir un discours commun entre toute la profession agricole de Bourgogne-Franche-Comté. Ce n’était pas forcément gagné d’avance car nous n’avons pas toujours les mêmes intérêts. Notre position a sans doute pesé dans les décisions qui ont été prises au ministère, avec l’appui des services de l’État et du Conseil régional » ». Le président de la Chambre d’agriculture se félicite également de la reconnaissance inédite des zones intermédiaires : « c’est une première là aussi, leurs spécificités sont reconnues par le biais d’une MAE(1). Certes, elle ne répond pas à tous les enjeux, elle ne concernera pas énormément de monde dans un premier temps et l’enveloppe budgétaire n’est pas assez importante à nos yeux, mais les caractéristiques de notre territoire sont écrites quelque part, c’est une avancée ». Dans cette Pac 2023, seuls les « grands » troupeaux allaitants seront perdants. Jusqu’à présent, une aide à la vache allaitante était proposée dès le vêlage. Tous les animaux de plus de 16 mois présents au moins six mois sur l’exploitation seront dorénavant éligibles, en fonction des UGB. « Dans les systèmes mixtes, cette perte pourra être éventuellement compensée par les protéines végétales », précise Vincent Lavier.
Stratégie eau
Le grand point fort de cette session était une présentation sur la gestion de l’eau par des techniciens de Dijon Céréales, l’Alliance BFC et la Chambre d’agriculture. Il a été rappelé, devant les services de l’État, que l’eau est nécessaire pour la production agricole mais aussi pour la fabrication d’aliments (bétail et consommation humaine…). L’exposé s’est notamment intéressé aux conséquences du changement climatique. À l’horizon 2050, sur sol intermédiaire, il deviendra plus difficile de produire sans pertes conséquentes de rendement. Les simulations faites sur le blé sont de -15 q/ha soit -20 % en moyenne par rapport aux rendements actuellement observés. Il est donc nécessaire d’agir, dès maintenant. « Si rien n’est fait, plus tard, on nous reprochera sans doute d’avoir attendu, de ne pas s’être préparés comme il se doit », a prévenu Christophe Richardot, directeur de Dijon Céréales et de l’Alliance BFC, qui participait à cette réunion. Des leviers d’adaptation doivent être étudiés (ombrages, introduction de nouvelles productions de type espèces méditerranéennes, substitution par des cultures pérennes, PPAM, arbres fruitiers, variétés de blé plus tolérantes au stress hydrique…). La mobilisation combinée de tous les moyens actuels à disposition (OAD et matériels performants, anticipation de semis, ressource génétique, substitution) est une avancée vers plus de résilience mais ne suffira pas à sécuriser les productions en toutes circonstances. Si le changement climatique a pour conséquence d’augmenter la fraction de l’eau dans les océans et pénalisera l’eau dans le sol et pour les êtres vivants, l’irrigation agit dans l’autre sens : elle détourne l’eau qui va vers les océans, pour la rediriger vers les êtres vivants, le sol et l’atmosphère. La question de la possibilité de mobilisation et de création de nouvelles ressources en eau, réserve collinaire hivernale, réutilisation des eaux usées, en complément des leviers étudiés ou d’autres leviers restant à évaluer prend toute son importance.
(1) MAE Zones intermédiaires : une aide pouvant atteindre 12 000 euros par an (entre 69 et 92 euros/ha) pourra être proposée moyennant un engagement de cinq ans dans la mise en place de mesures agroenvironnementales et climatiques. Celles-ci devront favoriser les rotations entre les cultures et mettre en place « davantage de cultures à bas niveau d’impact, comme des légumineuses, du chanvre ou encore du sorgho ».
Sanitaire : Un manque de moyens
Antoine Carré, élu Chambre, a abordé le dossier de la tuberculose bovine. Cet éleveur de Verrey-sous-Salmaise a pointé du doigt plusieurs problématiques sanitaires en partageant sa propre expérience : « J’ai réalisé la prophylaxie dans mon élevage limousin en janvier, il y a eu beaucoup de réactions IDC, mais la plupart sont revenues négatives. Il y avait tout de même quatre douteuses dans le lot… Nous avons fait faire des interférons, car il y avait deux vaches qui avaient des veaux et nous ne voulions pas les faire abattre. Un bovin s’est révélé positif, l’abattage était donc forcé… La semaine dernière, nous avons appris que cette vache en question avait de petites lésions : le risque est donc important pour que ce soit la tuberculose. Aujourd’hui, à l’heure où je vous parle, j’attends, sans savoir quoi faire… ». Antoine Carré regrette tout d’abord le montant des indemnisations, qui ne prennent pas en compte l’augmentation des cours de la viande : « nous faisons remonter ce problème depuis plus d’un an, on nous dit que c’est dans les tuyaux mais rien ne se passe… Je ne comprends pas comment on peut faire du sanitaire sans y mettre les moyens ! À ce jour, il n’y a qu’un seul foyer en Côte-d’Or : il ne faut pas désarmer si on veut éradiquer la maladie. Il faut accepter de payer les animaux à leur juste valeur ! ». Le deuxième point abordé par l’ancien président JA21 concerne l’accompagnement des éleveurs : « la crainte et l’incertitude rythment le quotidien de celles et ceux qui rencontrent le même cas de figure. En ce moment, c’est silence radio de la part de la DDPP, je ne sais pas quoi faire. Lors de l’assemblée JA21 le mois dernier à Châtillon, il a fallu attendre qu’un administrateur de JA national vienne nous voir pour nous parler de ces sujets sanitaires… Je regrette que la DDPP ne soit pas davantage dans le conseil et l’accompagnement. Leur rôle n’est pas seulement de réprimander ou de faire abattre… L’administration ne se rend pas compte du bouleversement de vie total que la tuberculose engendre dans un élevage. Je sais de quoi je parle : nous avons été contraints de faire abattre intégralité du troupeau en 2010 à cause de cette même maladie ».
Gestion de l'eau Des revendications
Il se bat depuis une quinzaine d’années dans l’épineux dossier de la gestion de l’eau. Nicolas Michaud, responsable professionnel à la Chambre d’agriculture, en a « remis une couche » lors de cette session en s’adressant notamment au préfet : « On nous parle d’autonomie, de souveraineté alimentaire… Mais l’État ne nous donne pas les moyens d’y parvenir. En termes d’irrigation, nous demandons que le maïs ensilage soit réintégré dans les cultures éligibles, car en l’état actuel des choses, il ne sera pas possible de l’arroser en période de crise. Même chose pour le soja non OGM de la filière Profilait : nous voulons pouvoir l’irriguer pour le cultiver et alimenter les bovins de notre territoire. La profession demande également une modification des horaires en maraîchage, elles sont beaucoup trop contraignantes… Enfin, la station du Châtelet doit être changée, elle n’est plus la référente de la Saône selon nous ! ». Pour le maïs ensilage, Nicolas Michaud relaye l’une des conclusions des dernières journées laitières organisées par Alysé : « nous ne pouvons pas nous passer de cette culture. Si l’on trouve des substitutions fourragères, il nous faut trois fois plus de surfaces pour obtenir les mêmes valeurs alimentaires. Ce manque à produire engendre une perte moyenne de 25 000 euros pour un agriculteur, qui valorise moins ses cultures de vente ». En ce qui concerne le soja, le responsable côte-d’orien s’étonne qu’il soit si difficile d’irriguer sur le territoire : « on importe des cultures gourmandes en eau de l’autre côté de la planète. Cela ne semble déranger personne, d’autant que les modes de cultures de ce soja sont beaucoup moins vertueux. Il faut m’expliquer pourquoi nous rencontrons tant de difficultés ».