Après les explications techniques et agronomiques concernant la moisson 2024, Laurent Lebouille (EARL Lebouille à Cosne-Cours-sur-Loire) évoquait un autre point… plus humain cette fois.
« Comme je l’expliquais (1), les moissons 2024 ne sont pas vraiment festives cette année, à cause notamment des conditions dans lesquelles elle se déroule » détaille Laurent Lebouille (EARL Lebouille à Cosne-Cours-sur-Loire). Il poursuit : « En effet, à l’accoutumée, nous sommes vraiment contents de réaliser nos moissons car nous récoltons le fruit d’une année de labeur ».
Mais, pour 2024, l’effervescence n’est pas au rendez-vous : « Là, on attend… Cela n’aide pas à conserver un moral au beau fixe. Dans mon malheur – si on peut dire cela - je ne pense pas être dans les plus touchés par ces problématiques. Alors pour mes collègues qui ont de plus grosses pertes toutes productions confondues, je n’ose pas imaginer leur ressenti. J’ai une grande empathie pour eux car nous sommes tous dans le même bateau finalement. Malheureusement, cette cohésion est parfois oubliée ». Cet oubli est pour lui un crève-cœur qui teinte de morosité les moissons mais pas seulement.
Lien effiloché
« La solidarité intra-professionnelle semble se perdre d’année en année dans certains secteurs. Mon cédant, et les anciens de manière générale, regrette que les récoltes se soient transformées en une sorte de course à la réussite… Alors qu’en soit, récolter est déjà une prouesse en soi. Il semble que les liens entre les exploitants se soient effilochés. Dans mes jeunes années, le premier qui avait terminé allait donner un coup de main aux autres. À la fin, tout le monde cassait la croûte ensemble pour fêter les travaux achevés dans les environs… Ce lien est devenu une rareté parfois entraînant dans son sillage l’espèce d’aura sympathique que les moissons avaient ». Malgré tout, Laurent Lebouille pointe : « pour ma part, j’ai ce lien avec un collègue du Loiret. On termine les moissons chez l’un ou chez l’autre avec une grande tablée familiale et amicale… mais je regrette que cela manque dans nos campagnes ». Pour retisser le lien, et peut-être en créer d’autres, il laisse monter les badauds et autres curieux dans sa moissonneuse afin d’expliquer un peu son métier : « il faut être ouvert. J’ai un vrai plaisir à échanger avec les autres, quand ils sont prompts à la discussion et curieux d’en apprendre plus sur les pratiques agricoles d’aujourd’hui ; sans jugement d’aucune nature ».
Ouverture nécessaire ?
Dans cet esprit de partage, il s’est inscrit sur moissonneuse.fr pour accueillir le public. Pour mémoire, existant depuis quelques années, moissonneuse.fr est une initiative d’Intercéréales et offrant la possibilité de prendre rendez-vous avec les exploitants inscrits dans toute la France afin de partager la moisson avec eux. En pause durant les années de restriction sanitaire, la démarche reprend de l’activité en 2024. Pour Laurent Lebouille, son inscription sur le site fut presque naturelle : « tout est ouvert dans ma ferme, alors autant le faire savoir plus largement. De plus, je pense qu’il n’y a qu’en discutant que l’on peut faire évoluer le regard des gens sur notre profession, et peut-être faire évoluer le nôtre sur notre propre activité. La remise en question et la prise en compte d’autrui sont pour moi indispensables dans notre métier. L’agriculture ne s’est jamais faite seule ». Un premier rendez-vous a donc été pris avec Laurent via la plateforme moissonneuse.fr : « c’est une personne qui souhaite se reconvertir ». Pour l’avenir, Laurent conclut en assurant : « ma ferme est et sera toujours ouverte à tous. Tant que la discussion se fait en bonne intelligence, je suis prompt aux échanges ».
Note : (1) Voir TDB n° 1792.