L'œil du veto
Penser son bâtiment en zones de travail
Les vétérinaires sont bien placés pour déterminer ce qui fait que des animaux d'élevage sont plus ou moins bien dans leurs bâtiments. À Saulieu, en Côte-d'Or, Claire Lemaire exerce en « rurale » depuis plusieurs années. Elle nous livre ici quelques points de vigilance, pour les animaux, et ceux qui travaillent avec eux.

Les conseils concernant l'aménagement d'un bâtiment d'élevage peuvent émaner de différentes sources et le regard d'un vétérinaire en est une. Nous avons sollicité Claire Lemaire, praticienne associée à Élisa Antoine et Jessica Dépigny au sein de la Clinique Auxois Morvan, à Saulieu, dans l'ouest de la Côte-d'Or. Installée depuis 2017, elle a acquis une expérience des interventions en « rurale » qui lui permet de fournir quelques pistes précieuses aptes à nourrir la réflexion d'éleveurs désireux de travailler dans un environnement favorable à leurs animaux et pour eux-mêmes. Il lui paraît important d'être vigilant sur la gestion des flux d'air. « Un bâtiment doit avoir une aération qui fonctionne bien, précise-t-elle d'emblée. L'éleveur doit identifier les vents dominants sur la zone où le bâtiment va être construit, afin de comprendre comment les flux d'air vont y entrer et comment on veut qu'ils en sortent pour que l'on ait un bon brassage de l'air ambiant et que les animaux ne soient pas au contact de l'ammoniac, lorsque le curage se fait attendre. Je fais une différence entre flux d'air et courants d'air. Les courants d'air, c'est de l'air qui n'est pas maîtrisé et qui peut rendre malade certains animaux : les jeunes veaux mais aussi les animaux à forte production (les broutards) à qui on demande une croissance forte, mais qui ne disposent pas toujours de l'immunité nécessaire. »
Attention à la marche
La question des allotements intervient également dans ce contexte : on peut être amené à mettre en contact des animaux qui ne l'ont jamais été, mais qui sont porteurs de leurs lots de pathogène. « Le courant d'air, poursuit Claire Lemaire, conduit les animaux à affronter un défaut de température et, possiblement, à présenter une baisse d'immunité, ce qui peut permettre à une pathologie de s'exprimer. » Autre point soulevé : les marches en stabulation. Notre vétérinaire n'y est pas favorable parce qu'elle constate qu'elles sont rarement étudiées pour apporter du confort aux personnes amenées à travailler avec les animaux, et notamment derrière eux : éleveur, inséminateur, vétérinaire… « Ces marches derrière les animaux présentent un certain danger : si l'animal réagit mal, il y a un risque de chute pour la personne qui intervient. Si on doit faire appel à l'éleveur pour tenir l'animal pendant notre intervention, on mobilise quelqu'un qui a déjà beaucoup de travail, donc si on peut l'éviter, c'est mieux. Par ailleurs, ces marches sont souvent très hautes et lorsque tout est bien curé, monter à l'auge pour s'abreuver réclame aux vaches un effort lourd, surtout si elles attendent un veau ou si elles ont eu un vêlage difficile. Clairement, si on pouvait, on bannirait ces marches. »
Préserver l'animal… et l'éleveur
Le regard de la vétérinaire peut aussi permettre d'aider les éleveurs dans leur réflexion sur la construction d'un bâtiment, en prenant notamment en compte, dès le début, les moyens de contention. « Les couloirs de contention pour les jeunes animaux ont une vraie utilité, des couloirs entre les cases pour trier les vaches peuvent aussi se révéler pertinents. L'ergonomie au travail doit aussi être considérée : il est bon de prévoir des passages d'hommes entre les cases, ce qui permet à l'éleveur de préserver ses genoux, parce qu'escalader et sauter des barrières à longueur de journée, à long terme, ça fait des dégâts sur les genoux. » Autre point de vigilance à avoir : l'abreuvement. Pour Claire Lemaire, il importe de mettre suffisamment de points d'abreuvement, en fonction du nombre de vaches par case, et équipés d'un bon système : « les buvettes à palettes ne sont pas très recommandées parce que le débit n'est pas assez important. Les vaches sont en lutte pour boire et elles n'ont jamais la quantité qui leur est nécessaire. Il faut aussi créer des box de vêlage, faute de quoi, il y a un risque d'écrasement des veaux. C'est aussi nécessaire lorsqu'il faut intervenir sur un vêlage délicat : l'éleveur doit pouvoir travailler dans le calme, sans les autres animaux autour de lui. Enfin, pour les vêlages, prévoyez un frigo qui fonctionne pour conserver au frais les vaccins et autres produits sanitaires. Ceux qui ont cette « infirmerie » travaillent de manière plus efficace et organisée, ils gèrent mieux leurs stocks. » En conclusion, un bon bâtiment d'élevage réclame une vraie réflexion sur les différentes zones de travail : Claire Lemaire n'hésite pas à comparer cette organisation à celle de la « marche en avant » en pratique dans les cuisines de restauration, par exemple, permettant d'organiser son travail des animaux les plus fragiles vers les moins fragiles.