Restauration
L'ambassade de la logique

Chloé Monget
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Le « Cinquante-huit », à Nevers, a ouvert ses portes récemment. Restaurant de centre-ville rue des boucheries, le concept est simple : un approvisionnement en matières premières dans un rayon de 58 km maximum. Explications avec Charles Desmarquoy, fondateur.

L'ambassade de la logique
Jean-Guillaume Rupin (à droite) et Charles Desmarquoy (à gauche) respectivement associé et fondateur du « Cinquante-huit » à Nevers. (Crédit photo : Thomas Ferrandi).

Prenez une rencontre sur la toile, un partage d'expériences, une amitié qui se lie et un goût pour l'authentique. Mélangez le tout et vous aurez le « Cinquante-huit ». Restaurant du centre-ville de Nevers ouvert il y a peu, son fondateur Charles Desmarquoy, 32 ans, revient sur sa création et détaille le concept de l'établissement : « Les premiers échanges que nous avons eus avec Jean-Guillaume Rupin, 29 ans et associé du « Cinquante-huit », se sont déroulés en ligne. À l'époque, il relatait sur internet son expérience à l'étranger, principalement autour de la gastronomie sud-Américaine. De mon côté, j'étais diplômé d'un CAP cuisine et d'une école de commerce spécialisée dans la gestion de projets, et j'étais attiré par l'approvisionnement local et durable. Nous avons tout de suite accroché. À son retour en France, nous avons décidé de nous voir, et de fil en aiguille, nous avons eu l'idée de nous lancer ensemble car cela nous semblait le meilleur moyen de rendre nos aspirations réelles ».

Un lieu précis

Pour implanter l'établissement, ils tombent d'accord : ce sera la Nièvre. La raison de choix est simple comme le développe Charles : « Ce département a énormément à offrir en termes d'approvisionnement et de possibilités, tout en restant assez accessible ». Ainsi, ils optent plus précisément pour Nevers : « Nous avions une volonté de proposer de la cuisine locale dans un restaurant de quartier afin qu'un maximum de personnes puissent profiter de ces denrées. En effet, nous considérons l'assiette comme un outil de pacification et de cohésion. De plus, la localisation de notre local permet d'espérer une certaine pérennité en captant à la fois les résidents à l'année et les gens de passage, le tout en gardant des prix raisonnables – ce qu'implique forcément une restauration de proximité, à nos yeux ». Pour le nom, le « Cinquante-huit » fait, évidemment, référence au numéro du département mais pas seulement…

Pas si loin 

« 80 % de nos approvisionnements en volume proviennent d'un maximum de 58 km à la ronde, même si pour certains produits ce n'est pas possible comme pour les épices ou l'huile d'olive. Pour le vin, notre carte se décline en : les vins d'ici (les Nivernais donc), les vins d'à côté (provenant des départements limitrophes) et les vins d'ailleurs (tout est dans le nom) ». Avec cet impératif des 58 km, Charles souligne : « Finalement, ce sont les producteurs qui font le menu car nous nous adaptons à ce qu'ils ont. Par exemple, ces derniers mois, il y avait beaucoup de courgettes, donc nous avons fait différentes variations de ce légume. C'est un véritable travail de confiance avec les producteurs qui, in fine, offre une relation gagnante pour tout le monde. De notre côté, cela offre une grande variété de produits locaux, frais et de saison, et pour les producteurs, ils valorisent leurs productions au juste prix. Ce dernier point est indispensable pour entretenir cet échange, car s'ils ne peuvent pas vivre de leur travail, ils arrêteront… faisant disparaître toute une économie et un pan social (puisqu'ils ont des familles) ». Pour les producteurs, c'est un peu un nouveau souffle qu'ils trouvent au sein du « Cinquante-huit », à l'image de Guillaume Debeer (la Baratt'ABio – Nevers) : « On retrouve un certain sens à notre métier, puisqu'ils prennent en considération nos problématiques et nos contraintes sans aucun problème. En parallèle, leur vision singulière de la cuisine nous donne à réfléchir sur quoi produire en ouvrant des portes de tests qui nous motivent pour nous réinventer, comme avec l'implantation de gingembre par exemple. Pour ma part, cela me fait revoir ce que je veux vraiment faire : de la diversité en petite quantité ou de l'intensif. On voit un peu notre métier sous un nouveau prisme puisqu'il y a un débouché ouvert d'esprit prêt à s'engager avec nous dans ces expérimentations ; cela est appréciable pour tout le monde je crois. Leur force est de ne rien attendre de précis et de s'adapter. En somme, nous sommes des artistes chacun dans nos domaines, qui collaborent pour réaliser une œuvre unique ».

Tout valoriser

Charles poursuit plus en avant sur la carte : « Notre carte est vivante, puisqu'elle change presque tous les jours. Cette dimension d'ajustement autrefois très répandue a malheureusement été perdue au fil du temps, car nous avons tous été mal habitués à avoir accès à toutes les denrées en faisant fi des saisons. Ce point se ressent également dans la formation des chefs cuisiniers qui ne savent plus tout valoriser. En effet, nous mettons un point d'honneur à ne pas avoir de déchets et nous arrivons à environ 1 kg de rebut par service tout confondu (serviettes de tables, restes des clients ou préparation des plats, etc.). Pour parvenir à ce résultat, nous récupérons tout ce qui peut l'être pour le transcender en nouvelle recette, avec l'utilisation des épluchures, des os, etc. Cette gestion n'est plus commune dans les centres de formation alors qu'elle ouvre des portes gustatives indéniables tout en réduisant l'impact que nous pouvons avoir ». Loin d'être simple comme bonjour, cette pratique demande : « un travail intellectuel permanent ». Pour trouver les idées, ils puisent dans leurs parcours respectifs en incluant des pratiques diverses comme le barbecue japonais. « Nous sommes en recherche permanente et cela ouvre des possibilités illimitées. Par exemple, en ce moment, nous expérimentons autour de la lacto-fermentation notamment avec de la rhubarbe… Nous verrons si cela trouve sa place à la carte ». Il conclut : « Finalement nous n'inventons rien… nous remettons juste de la logique, avec une once de créativité, au centre de notre travail ».

Note : Le « Cinquante-huit », 8 rue des Boucheries, est ouvert de 12 heures à 15 heures du lundi au samedi et de 19 heures à 23 heures le vendredi et le samedi. Fermé le dimanche. Renseignements : 03 86 71 94 17.

Les producteurs
Charles Desmarquoy (fondateur du « Cinquante-huit » ), à gauche, avec Guillaume Debeer (La Baratt'ABio) fournissant le restaurant.

Les producteurs

Le « Cinquante-huit » travaille avec les producteurs suivants :

Farines de Clamecy / Laurent Soenen ; Fromages de Saint Loup des Bois / GAEC Chapuis-Perrin ; Limonade de Sancerre / La Sancerroise (18) ; Bière de Saint Quentin sur Nohain / Lady Mousse ; Vins de la Charité / Domaine du Bourg d’Oiseau (Frédéric Benzergua) et Domaine de la Coquillerie (Nicolas Delgutte) ; Huiles de Raveau / Huilerie Brossard ; Liqueurs de Chaulgnes / L’Abbé Aupet ; Spiritueux de Saint Firmin / La Goutte du Fils (Florent Bourgeat) ; Crème, lait , beurre d’Ourouer / La Voie Lactée ; Légumes de la Baratte / La BarratAbio (Guillaume Debeer) ; Lait végétal de Nevers / SOVI ; Céréales et graines de Nérondes / Sa Majesté des Graines - Berry Graines (18) ; Porc, volailles et bœuf de Mars-sur-Allier / Ferme du Sornay (Clément Rousset) ; Œufs d'Agonges / Romain Juge (03).