Orge de printemps
Bilan de campagne 2024 en plaine dijonnaise

Marine Mareschal, Arvalis BFC
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Ce printemps 2024, les semis d’orge de printemps ont été tardifs. Il a été difficile d’entrer dans les parcelles et de semer dans de bonnes conditions à cause des cumuls de pluie importants durant l’hiver (370 mm sur la station météo de Dijon du 1er octobre 2023 au 8 mars 2024). Les semis en plaine de Dijon ont eu lieu entre le 05 et 10 mars, ce qui fait presque un mois de moins sur le cycle de l’orge qui est déjà court.

Bilan de campagne 2024 en plaine dijonnaise
A l’échelle régionale, les surfaces d'orge de printemps a atteint 47 600 ha en 2024, avec un rendement moyen autour de 47 q/ha. (Photo Réussir SAS).

À l’échelle de la région Bourgogne Franche-Comté, le cumul des surfaces implantées en orge de printemps en 2024 atteindrait 47 600 ha soit dans la moyenne quinquennale. Côté rendement, il est estimé autour de 47 q/ha soit également dans la moyenne des 5 dernières années. Dans la région c’est essentiellement de l’orge de printemps brassicole avec presque 85 % des hectares en RGT Planet. Les variétés KWS Thalis et KWS Fantex sont respectivement cultivées sur 7 % et 5 % des surfaces. L’arrivée de nouvelles variétés brassicoles productives comme Sting et LG Allegro devraient changer la donne.

Des besoins physiologiques spécifiques

L’orge de printemps est une espèce qui est sensible au climat mais aussi à la structure du sol. Son cycle est plus court et sa croissance est très rapide pour mettre en place ses organes. Il lui faut seulement 75 °C jour pour sortir 1 feuille alors qu’une orge d’hiver aura besoin de 85 °C jour, et un BTH 100 °C jour.

Plus la période végétative est longue et plus le rendement et la qualité brassicoles seront élevés. Malheureusement, la croissance fut très rapide au printemps 2024 avec la pluie et les températures douces du printemps.

L’orge de printemps est capable de faire monter beaucoup de talles à épi. Les talles principales exercent une faible pression sur les talles secondaires. Sur la station Arvalis de Bretenière, nous mettons en place des essais physiologie sur orges de printemps et nous dénombrons chaque année le nombre de talles à plus de 3 feuilles. Ces talles susceptibles de monter à épis, nous donnent le potentiel d’épis que l’on peut avoir par la suite.

Retour sur les composantes de rendements

• Des tiges et des épis limités par les excès d’eau
Dans notre essai en plaine de Dijon sur un sol limono argileux profond l’orge a été semée tardivement (le 8 mars avec la variété RGT Planet) mais dans de bonnes conditions. Elle a bien levé avec une population de 350 pieds/m². Elle s’est développée très vite avec un système racinaire superficiel et réduit dans un sol gorgé en eau et parfois tassé en profondeur (travail du sol difficile à l’automne et hiver 23/24). L’asphyxie des racines, causée par les excès d’eau a également pu limiter la capacité d’absorption des nutriments. Ainsi, nous avons dénombré 832 talles à plus de 3 feuilles/m², ce qui se situe plutôt dans une fourchette basse. Les orges ont donc fait un nombre de talles réduites, puis les conditions climatiques compliquées (pluie et manque de rayonnement) ont également pu entraîner une régression de ces talles.

Le nombre d’épis explique à lui seul 40 % du rendement, c’est une composante majeure. Par exemple, en blé tendre la densité d’épis explique seulement 10 % du rendement. Si dès le départ on a un nombre d’épis plutôt faible, cela va donc impacter fortement notre rendement et limiter le potentiel.

Dans notre essai, cette année nous avions seulement 718 épis/m² ce qui est faible.

Si l’orge de printemps est très sensible à la sécheresse durant la montaison, la pluviométrie n’a pas été un facteur limitant cette année puisqu’on a observé un cumul de pluie de 246 mm entre le semis et l’épiaison (figure 3). Dans le cas de notre essai en plaine de Dijon, les fortes pluviométries ont gorgé le sol en eau, et la mauvaise structure du sol en profondeur et un enracinement superficiel ont rendu limitant le nombre de talles à plus de 3 feuilles/ m² puis le nombre d’épis/m².

• Une fertilité des épis qui ne permet pas de compenser un manque d’épis
Malheureusement, la fertilité des épis ne peut pas compenser un manque d’épis. En effet l’orge de printemps est une espèce non plastique sur cette composante.

Sur un blé, s’il y a un manque d’épis, on peut compenser avec une meilleure fertilité. Ce n’est pas possible en orge de printemps, par la constitution de ses épillets. Au début du tallage, les épillets vont se mettre en place. Ces épillets contiennent 3 ébauches de fleurs mais par la suite les 2 ébauches de fleurs latérales vont dégénérer et il ne restera que la fleur centrale. Donc 1 épillet = 1 fleur= 1 grain.

Lorsque les épis manquent, les possibilités de compensation sont donc très limitées. Là où on peut potentiellement avoir une petite compensation, c’est sur la longueur de l’épi d’orge de printemps, donc sur le nombre d’épillet/épi : mais là encore, ça reste limité. Le cycle est tellement court en orge de printemps, que ces composantes se mettent en place très rapidement.

• Un remplissage en mauvaises conditions (pluie et manque de soleil)
Enfin, arrive la phase de remplissage du grain sous un climat sombre et pluvieux. Elle est plus rapide que celle d’un blé, sa division cellulaire est très rapide et donc plus sensible aux conditions climatiques.

L’orge de printemps est très sensible aux températures échaudantes de fin de cycle mais aussi au manque de rayonnement. En ce qui concerne les températures échaudantes nous n’avons pas eu ce souci cette année. Cependant, le rayonnement en plaine de Dijon a vraiment été déficitaire durant toute la durée du cycle de développement de l’orge et notamment durant la période de remplissage des grains ce qui a été préjudiciable pour le PMG et le calibrage de l’orge.

Pendant cette phase de remplissage dans notre essai physiologie en plaine de Dijon nous avons réalisé des prélèvements d’épis que nous battons pour obtenir un nombre de grains et un PMG (Poids de Mille Grains). Grâce à ces données et à nos modèles nous sommes capables de prévoir le PMG à la récolte ainsi que le rendement. Dans notre essai, la prévision était un PMG à 45 g et un rendement de 62 q. Une prévision plutôt décevante connaissant le potentiel de la parcelle mais la pluie et le manque de rayonnement n’ont pas permis aux grains de se remplir correctement.

Il faut noter aussi qu’avec le climat doux et pluvieux, la pression maladie cette année était importante et l’helminthosporiose s’est développée tôt dès le stade 1 cm. Cela a pu parfois pénaliser l’orge, malgré une protection fongicide.

Pour finir, les récoltes ont eu lieu en juillet dans de bonnes conditions. Parfois les parcelles étaient versées.

Dans notre essai comme la prévision l’indiquait la récolte a été décevante. Le rendement moyen est de 63,6 q, la teneur en protéine de 9.6 % est faible mais dans la norme brassicole exigée. L’orge n’a pas su remobiliser l’azote du sol en fin de cycle. Un PMG plutôt faible comme on l’avait prédit, 43,.5 g et un calibrage faible aussi : 84.3 %.

Le poids spécifique n’est pas un critère prioritaire pour une orge de brasserie mais reste néanmoins un élément favorable. Dans notre essai le PS est faible à 60 kg/hl.

En regardant en détail les composantes de rendement à postériori, on voit bien que malgré un bon nombre de plantes levées/m², le nombre de talles à plus de 3 feuilles/m² et le nombre d’épis/m² sont faibles par rapport à la moyenne historique de nos essais. Le nombre de grains/m² est évidemment faible aussi puisqu’il n’y a quasiment pas de phénomène de compensation en OP. Seule la composante nombre de grains/épi est bonne. Au début du tallage les conditions ont été favorables à la mise en place d’un bon nombre épillets/épi.

L’année 2024 n’a pas été une année très favorable à la culture des orges de printemps. Malgré l’absence de températures échaudantes en fin de cycle et une pluviométrie suffisante entre le semis et l’épiaison d’autres facteurs négatifs sont rentrés en ligne de compte : excès d’eau et manque de rayonnement.

Les semis tardifs ont réduit le cycle de l’orge déjà court. L’helminthosporiose est arrivée tôt dans le cycle et a pu être aussi défavorable au PMG et au calibrage. Et enfin on retient un climat trop pluvieux, des sols parfois gorgés d’eau, une mauvaise absorption par des systèmes racinaires trop superficiels, et un manque de rayonnement qui n’a pas permis à la plante de faire correctement sa photosynthèse.