Le 31 octobre, la Chambre d'agriculture de la Nièvre organisait une demi-journée sur le thème : « adapter son élevage ovin face au changement climatique », chez Gaël Jacquey à Neuville-Lès-Decize.
Pour faire suite à la présentation globale des leviers à activer face au changement climatique (1), c'est celle de Gaël Jacquey (Neuville-lès-Decize) qui fut prise comme exemple lors de la demi-journée sur cette thématique le 31 octobre, organisée par la Chambre d'agriculture de la Nièvre. En effet, celui-ci s'intéresse à ce sujet, tout en gardant à l'esprit la viabilité économique de son entreprise.
Afin d'éclairer ses choix, il revient sur son parcours. « Lors de mon certificat de spécialisation conduite d'un élevage ovin à Mirecourt (88) en 2017, j'ai visité des exploitations utilisant le pâturage tournant ou dynamique. Cette pratique m'a paru pertinente afin d'avoir une gestion raisonnée et efficace de ses pâturages mais aussi de ses fauches. À mon sens, cela préserve la qualité des prairies, surtout en période de sécheresse, tout en limitant les refus et en offrant aux animaux une herbe de bonne qualité, tout au long de l'année. Les fauches sont faites dans la même ligne de conduite. Donc, déjà avant mon installation, je savais que je souhaitais mettre en place ce procédé, en gardant à l'esprit les inconvénients : le parcellaire devant permettre la création de plus petites parcelles, le déplacement régulier des lots et le financement, la pose ou encore l'entretien des clôtures ».
Racines des ajustements
Installé depuis 2018 (en conversion AB), Gaël a donc scindé ses 54 ha SAU de prairies permanentes en 43 parcelles d'1,25 ha en moyenne, avec un accès à l'eau dans la majorité des parcelles. Il précise : « Un de mes critères pour le choix d'une exploitation était le parcellaire regroupé pour mettre en place cette pratique afin que le déplacement des lots soit plus simple ». En parallèle, il dépeint une autre envie pour son exploitation : la plantation. « Dès mon installation ici, j'ai commencé à planter des arbres afin d'offrir de l'ombrage aux animaux, ce qui manquait cruellement ». Si les premiers plants ne repartent pas, Gaël ne se décourage pas pour autant : « On m'a parlé de l'accompagnement de la Chambre d'agriculture de la Nièvre (CA 58) pour la création de haies et l'implantation d'arbres, j'ai donc sauté le pas. En plus, les clôtures étaient financées, une manière de finir de scinder mon parcellaire à moindre coût ». Ainsi, grâce au Plan de relance « Plantons des haies » les 27 400 euros HT de plants et protections ont totalement été pris en charge, et des aides européennes ont permis le financement en totalité des clôtures fixes. Gaël insiste : « nous avons des dispositifs nous évitant de débourser une grosse somme d'argent, ne nous en privons pas. En plantant, nous œuvrons à recréer des environnements agréables pour nos animaux (ombrage, coupe-vent, etc.) et des habitats pour la biodiversité ; on ne vole personne, bien au contraire – car après la plantation il faut entretenir ! ». Pour le choix des essences, l'accompagnement de la CA 58 lui a permis de fixer certains objectifs : « nous avons opté pour des espèces fourragères afin d'avoir un apport supplémentaire en la matière ». Lors de cette demi-journée il a été rappelé que certaines espèces ont des valeurs nutritionnelles se rapprochant de celles de la luzerne notamment, à l'image du mûrier blanc. Au total, grâce à ce dispositif, Gaël a planté 790 m linéaires de haie et 900 arbres.
Économie et simplicité
Avec ce découpage mis en place, le chargement de ses surfaces fourragères principales (SFP) est faible avec 1 UGB (6 brebis) par ha de SFP. Question alimentation, sur 2023, les données récoltées par la CA 58 établissent une consommation de 147 kg de foin et de 35 kg de concentré par an / brebis chez Gaël Jacquey. Avec des agneaux certifiés bio de 18,7 kg de carcasse, vendus 161 euros en 2023 soit 8,61 euros par Kgc, il faut donc à Gaël Jacquey environ 2,5 kg de concentré pour produire 1 kg de carcasse d'agneau. Face aux références des systèmes ovins spécialisés herbagers en Bourgogne Franche-Comté (9 à 13 kg/ Kgc) ou à celles des fermes Ovins viande du Massif central en AB (3,4 kg / Kgc), le système de Gaël est donc économe avec une autonomie alimentaire de 96 %. Il pointe d'ailleurs avoir « calé ses agnelages sur la pousse de l'herbe » avec une concentration de ces derniers de janvier à avril, mais en stipulant : « avec deux conduites distinctes ». Si les premiers nés en janvier et février sont chouchoutés en bâtiments avec du concentré en complément de la ration, et ce à volonté, ceux nés de mars à avril n'ont pas le même traitement. Gaël sourit : « ils sont élevés à la dure ! Ils seront mis à l'herbe jusqu'au sevrage, sans concentré, car il est plus compliqué pour moi de leur apporter alors qu'ils sont déjà dans les prairies ». Pour lui, cette pratique lui permet d'obtenir : « des lots plus homogènes pour programmer les départs à l'abattoir ». Pour les races de son cheptel, Gaël a aussi fait des choix. À son installation, en 2018, il est à la tête de 60 brebis et 120 agnelles Texel provenant d'un élevage Vosgien. Il souligne : « Je n'ai eu que des problèmes, car, à mon sens, ces animaux n'étaient pas adaptés aux conditions nivernaises ». Après ce constat, il évacue les « non productives » tout en diversifiant son troupeau, pour l'établir ainsi : 320 brebis croisées avec 150 typées Suffolk, 100 Texel croisées Limousine, et 70 Texel. « J'ai opté pour des béliers différents pour la rapidité de croissance (Suffolk/Texel), la rusticité (Limousine) et la facilité d'agnelage (Dorper et Charmoise) ». Gaël Jacquey conclut : « Je pense que pour s'adapter, il faut chercher des solutions partout et mixer le tout. Ensuite, on fait le bilan et si cela ne fonctionne pas, on rechange ».
1. Voir TDB n° 1809.