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Présidentielles

Le programme agricole de la candidate LR Valérie Pécresse

Dans un entretien accordé à Agra Presse, la candidate du parti Les Républicains, en déplacement dans le Doubs le 13 janvier, a dévoilé le volet agricole de son programme.

Par Propos recueillis par Mathieu Robert (Agrapresse)
Le programme agricole de la candidate LR Valérie Pécresse
Valérie Pécresse s'est rendue dans le Haut-Doubs, le 13 janvier, pour visiter une exploitation laitière. (Crédit La Marne agricole)

Quel regard portez-vous sur le bilan agricole d’Emmanuel Macron ?

Valérie Pécresse : "Je crois qu’Emmanuel Macron restera dans l’histoire comme le président du décrochage de l’agriculture française. C’est sous son mandat que la France, pour la première fois depuis 1945, est devenue importatrice nette de produits agricoles vis-à-vis de l’Europe. C’est un tournant symbolique et annonciateur de drames pour l’avenir, alors même que la population mondiale augmente et que nos concurrents étrangers réarment puissamment leur agriculture. Pendant ce temps, nous perdons des agriculteurs et nous avons accepté un Green deal dont la conséquence sera la réduction de 12 % de la production agricole de l’UE. Il y a besoin d’un sursaut. Je sais qu’un certain nombre d’acteurs, et notamment la FNSEA, pensent qu’ils ont échappé au pire, notamment dans la négociation de la Pac. Mais cela ne me satisfait pas. Nous avons affaire à un défi colossal : le renouvellement des générations, avec 50 % des agriculteurs qui partiront à la retraite dans dix ans. Pour le réussir, il faut convaincre les jeunes que l’agriculture a un bel avenir devant elle. Bien sûr, je suis pragmatique, et je conserverai tout ce qui a été fait de bien. Je ne dis pas que le bilan est tout noir, mais la tendance de fond, qui est à la baisse de la production agricole et à la dépendance des Français pour leur alimentation, est préoccupante."

Quelles sont vos priorités ?

V.P. : "Je veux une nouvelle ambition, un nouveau pacte de confiance entre les agriculteurs et les Français, l’État et l’Europe. Ce plan d’avenir repose sur quatre fondements. D’abord les revenus et la compétitivité, car les agriculteurs sont des entrepreneurs. Le second est le renouvellement des générations, c’est-à-dire l’attractivité. Le troisième sera la simplification, la libération des énergies. De ce point de vue, le gouvernement a tiré à hue et à dia. Il a énormément surtransposé, alors même qu’il prétendait lutter contre ce phénomène qui est le vrai poison de la concurrence en Europe. Le quatrième pilier, c’est l’investissement dans la recherche et l’innovation. Je suis attachée à ce que l’Inrae se mette au service d’une recherche pour les agriculteurs. Ce sont évidemment les alternatives aux produits phytosanitaires, car les interdictions sans alternatives, cela ne marche pas. Il faut développer les partenariats public-privés et mutualiser la recherche agronomique au niveau européen."

Quelles seront les mesures phares à mettre en œuvre ?

V.P. : "Sur le revenu, il s’agit de baisser les charges sociales et fiscales. Je vais réduire d’un tiers les cotisations vieillesse, une mesure qui concerne tous les salariés, mais vaudra également pour les agriculteurs. J’augmenterai de 50 % l’exonération de taxe sur le foncier non bâti, au lieu de 20 % aujourd’hui, avec une compensation pour les collectivités. Concernant la transmission et l’installation, je propose d’exonérer de toute charge patronale les contrats d’apprentissage dans les entreprises de moins de dix salariés. Cela permettra de développer encore plus l’apprentissage agricole. Je veux pérenniser les allègements de charge pour les saisonniers. Je veux un complément de retraite pour les cédants qui accompagnent l’installation des jeunes. Je souhaite la suppression de la taxation des plus-values lors des cessions à un jeune, et mettre en place un dispositif de portage de foncier au niveau national. Enfin, je confie les missions d’orientation aux régions, en lien avec les milieux économiques, ce qui permettra de susciter davantage de vocations agricoles dans les collèges. Je ne suis pas sûre que les métiers agricoles soient suffisamment mis en valeur actuellement dans l’orientation. Sur la simplification, je propose d’aller plus loin, avec la revue systématique de tout le stock de la réglementation française d’ici la fin de l’année. L’agriculture sera l’une des premières bénéficiaires du choc de simplification normative. Je veux en finir avec les surtranspositions européennes. Pour moi, en matière environnementale, il ne peut y avoir d’interdiction sans solution. S’il y a instauration de zone de non-traitement (ZNT), il doit y avoir compensation. Il faut mobiliser les NBT (nouvelles technologies de sélection variétale, ndlr), notamment pour l’adaptation au changement climatique, qui est une immense transformation que nous devons anticiper. Un autre très grand défi du quinquennat est le stockage de l’eau. J’aurai des choix clairs. La gestion de l’eau doit être écologique, mais permettre à notre agriculture de lutter contre le stress hydrique. Enfin, les agriculteurs doivent être rémunérés pour leurs services environnementaux, notamment par le stockage du carbone."

Quelles mesures pour diminuer les émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole ? Souhaitez-vous vous attaquer aux principaux postes que sont l’élevage et les engrais ?

V.P. : "Je suis une écologiste des résultats. Il faut que l’on se mette dans la trajectoire zéro carbone 2050. Mais il ne me semble pas que la priorité soit à la réduction de l’élevage. S’agissant des intrants, il faut évidemment continuer de les réduire, mais cela passe par l’innovation, les technologies. Je suis pour une écologie du progrès, et certainement pas pour retourner à la binette. L’élevage a toute sa place dans l’alimentation des Français."

Quelle est votre position sur les plats végétariens en restauration collective ?

V.P. : "J’ai trouvé très habile la campagne de promotion de la filière bovine française sur le flexitarisme. Il faut faire la promotion d’un modèle de gastronomie à la française, équilibré et dans lequel tous les bons produits de l’agriculture française sont mis en valeur. Après, il y a des choix individuels de vie, d’alimentation. Je suis une femme de droite, attachée à la liberté individuelle. Chacun est libre, mais les minorités n’imposent pas leurs règles à la majorité."

Reviendrez-vous sur la déclinaison française de la Pac 2023 ?

V.P. : "Le plan stratégique national est déjà négocié, et à ce stade il est important de stabiliser cet accord. Cela dit, je m’autoriserai à revisiter certaines de ses bizarreries ou certaines contradictions, le cas échéant."

Après Égalim 1 et 2, souhaitez-vous revenir sur l’encadrement des relations commerciales ?

V.P. : "Je crois que la régulation des prix par la loi a montré clairement ses limites. Michel-Édouard Leclerc nous annonce une baguette à 29 centimes. La guerre des prix dans la grande distribution peut être très toxique. Je suis favorable à ce que dans le cadre d’un grand plan pauvreté, nous travaillons sur la sécurité alimentaire des plus démunis. Mais il faut garantir le revenu des agriculteurs. Tordre les règles du marché dans tous les sens, certes il faut essayer, et faire en sorte qu’il existe un bon partage des marges, mais la priorité c’est la baisse des charges et des normes, et relocaliser de la valeur ajoutée dans les cours de ferme, développer les outils de transformation primaire et secondaire dans les exploitations. Le gouvernement en parle, mais cela reste lettre morte."

D’aucuns souhaitent une loi foncière pour le prochain mandat. Est-ce dans votre programme ?

V.P. : "Je suis prudente sur cette question, j’ai peur d’une usine à gaz. Je préfère à la grande loi foncière des procédures de concertation respectueuses de chacun. Je suis très attachée à la préservation des terres agricoles et des espaces naturels. Mais je ne suis pas très à l’aise avec une logique qui consisterait à tout planifier, tout mettre sous cloche, car il y a des projets qui doivent se faire. Attention à ne pas surréglementer des espaces dont on aurait besoin plus tard."

Exergue : « La tendance à la baisse de la production agricole est préoccupante »