Rencontres Inoviti
Le biocontrôle impose davantage de précision
Le 5 décembre à Prissé, en Saône-et-Loire, s'est tenu la troisième édition des Rencontres Inoviti, visant à créer des liens entre viticulteurs, le pôle d'agroécologie Agronov et le Vinipôle Sud Bourgogne à Davayé pour parler des transitions de manière concrète. Start-up et constructeurs innovants proposaient des solutions.
Lors de cette troisième édition des rencontres Inoviti, une conférence s'est tenue autour de la thématique du biocontrôle : « En année à fortes pressions maladies : quels enjeux autour de l’utilisation des produits de biocontrôle et la pulvérisation de précision ? » Le biocontrôle, qu’est-ce que c’est ? Quels axes de recherche ? Marielle Adrian, directrice de l’Institut universitaire de la vigne et du vin (IUVV), en donnait une définition : « un ensemble de techniques de protection des plantes qui font appel à des agents et produits utilisant des mécanismes naturels, qui présentent des risques limités pour la santé humaine et l’environnement ». Elles incluent quatre catégories : les macro-organismes utiles aux végétaux : insectes, acariens, nématodes… ; les micro-organismes (bactéries, virus, champignons) ; les médiateurs chimiques (dont les phéromones) et les substances naturelles d’origine minérale, animale ou végétale. Outre des différences évidentes avec les produits chimiques de synthèse. Une liste a été établie et diffère de celle autorisée en bio. Le cuivre n’est pas dans les biocontrôles et inversement pour les phosphonates par exemple.
Quelle efficacité ?
Des listes de produits de biocontrôle contre le mildiou/oïdium sont mises à jour sur le site du Vinopôle de Bordeaux, en attendant des produits efficaces contre le blackrot. La question de l'efficacité de ces produits était au cœur des débats. Certains n'agissent pas pareil selon les conditions climatiques. « Il y a des années encourageantes suivies d'années catastrophes ». La recherche continue d’avancer pour mieux stimuler les défenses naturelles des plantes et spécifiquement de la vigne. En laboratoire ou sous serre, les résultats sont probants, mais il y a encore des déconvenues lorsqu’on passe au vignoble. Les chercheurs font appel aux techniciens menant des expériences dans de vraies conditions, que ce soit au Vinipôle, avec des sociétés partenaires ou des viticulteurs qui font des retours terrain. Les produits de biocontrôles rencontrent la même problématique que les produits de contact, « vite lessivés et quand les pluies sont récurrentes, ce n’est pas toujours possible de rentrer dans la parcelle ». La campagne 2024 était à ce sujet l’année des records malheureux en la matière, avec « des vignes complètement grillées par le mildiou ». Le biocontrôle est « un levier parmi d’autres. Il ne faut pas l’envisager comme unique mais le combiner avec d’autres », conseillait Marielle Adrian.
Gentils champignons
Ancien technicien vigne en Saône-et-Loire, Yannick Flagel travaille désormais dans l'entreprise Lallemand, spécialiste des levures, pour la boulangerie et la vigne. Il voit arriver des champignons dans son catalogue. Ces « gentils » champignons ont différents modes d’action : occuper l’espace en émettant des mycéliums très denses pour empêcher les autres champignons (mildiou/oïdium) de se développer et faire concurrence pour les ressources nutritives des autres champignons. Depuis 15 ans, la technique est éprouvée en maraîchage. Cette souche de champignon vient se fixer à la vigne « en une heure et va mettre six heures pour se développer dans des conditions humides, dès 10 °C jusqu’à 35 °C ». Elle peut donc s’utiliser en complément ou à l’inverse des autres produits chimique de contact ou systémique non recommandés en temps de pluie. Si ces champignons sont associés à un traitement soufre, en condition humide, l’efficacité est meilleure. Ce qui ramène à la qualité de la pulvérisation quel que soit le produit. Responsable des essais au Vinipôle, Florent Bidaut revenait sur l’intérêt de la pulvérisation de précision. « Si l’efficacité d’un biocontrôle n’est pas aussi évidente qu’un produit conventionnel alors la pulvérisation doit être la plus précise possible ». Il voit poindre des innovations dans les dix ans à venir. Si le postulat de départ est toujours d’apporter la bonne dose, au bon moment, au bon endroit, le premier point va s’améliorer « en limitant les intrants là où il n’y en a pas vraiment besoin ». Chaque parcelle recèle une variabilité d’un pied à l’autre : différences de vigueurs, de stades, de porte-greffes, pousses plus précoces… voire même des cépages différents ou d’âges différents. Son collègue, Hugo Adellon rappelait qu’à l’échelle des exploitations, quel que soit le type de pulvé, la préparation du produit, l’entretien du pulvé et ses réglages font partie de la viticulture de précision aujourd’hui. Évidemment, réduire la dérive passe aussi par un face par face dans le rang. « Mais même avec le plus cher ou le meilleur pulvé du monde, il faut bien nettoyer à la fin de chaque traitement car on voit souvent des buses bouchées ». Des prototypes arrivent pour moduler le débit à la buse, ou avec ouverture/fermeture à la buse, permettant de réduire en fonction de la hauteur de la végétation pour ne pulvériser que sur la végétation ciblée.