FDSEA / JA
« On ne sait plus où on va, on tourne en rond ! »
Dans l'Yonne, les agriculteurs se sont une nouvelle fois mobilisés pour défendre leur métier. D'abord le dimanche soir en bâchant des panneaux de villes et villages avec des messages clairs contre le Mercosur, puis le lundi soir en s'installant sur des ronds-points, à Auxerre, Avallon et Sens.
Lundi soir, près de 200 agriculteurs icaunais se sont mobilisés, prenant place sur le rond-point de l'Europe, à Auxerre, le rond-point Rosa Parks, à Sens, et le rond-point de Villaverde, à Avallon. « Si on est là, c'est parce que l'agriculture ne va toujours pas bien », souligne Damien Brayotel, président de la FDSEA de l'Yonne. « Suite à nos actions de l'hiver dernier, on a obtenu des « mesurettes », mais le plus gros est toujours en attente. Et depuis, la menace de voir être signé l'accord du Mercosur est arrivée. On y est totalement opposé, c'est pour cela que l'on manifeste notre mécontentement, pendant que le G20 se tient au Brésil ».
Et le fait de prendre place sur des ronds-points n'est pas un hasard. Outre le fait d'être des lieux stratégiques en termes de visibilité, « cela montre clairement qu'on ne marche plus seulement sur la tête, aujourd'hui on tourne en rond », continue Damien Brayotel. « Le choix du rond-point de l'Europe à Auxerre porte d'ailleurs bien son nom ».
La veille, les agriculteurs étaient déjà sur le terrain pour une première action, où l'objectif était de bâcher les panneaux d'entrée des communes, en affichant des messages clairs contre le Mercosur, et en retirant les panneaux de sortie. « L'an dernier on les a retournés pour montrer que l'on marche sur la tête, cette année on en a enlevé pour dire qu'on ne sait plus où on va avec le gouvernement français et l'Europe. Nos revendications, on les a affirmées haut et fort à de multiples reprises et on les réaffirme encore, sans n'avoir toujours aucune réponse ».
« Dans la défense de nos convictions, on est rarement fatigué »
Loin d'être un prétexte pour retourner dans la rue, l'accord du Mercosur est, pour tous, considéré comme le point de trop pour le monde agricole. « On ne veut absolument pas qu'il soit signé car ce serait une catastrophe pour nous », affirme Charles Baracco, président des JA 89. « On demande aux éleveurs de respecter de plus en plus de règles, et nous sommes d'accord pour travailler plus qualitativement qu'avant, mais lorsqu'on voit, dans le même temps, un sujet comme le Mercosur arriver sur la table, c'est aux antipodes de ce que l'on nous demande de faire en France. On demande de la cohérence et surtout un soutien vis-à-vis de notre profession. Quand on voit ce qui s'est passé depuis un an, que l'on reprend tous nos mouvements et nos revendications, on ne comprend pas qu'un tel accord puisse être envisagé ».
Charles Baracco l'assure : « On ne lâchera pas ! On est passionné de notre métier. On nourrit la population, je pense qu'on est un maillon important dans le fonctionnement d'une société. On entend les politiques utiliser à répétition le terme de souveraineté alimentaire, mais l'impression qu'on a, c'est que depuis la dissolution de l'Assemblée Nationale, tout a été balayé d'un revers de main. Alors on est là pour dire que le compte n'y est pas. Et dans la défense de nos convictions, ce qui est sûr, c'est qu'on est rarement fatigué ».
Non au Mercosur !
Après les mouvements de ce début d'année, beaucoup de promesses ont été faites par le gouvernement français pour soutenir les filières agricoles. Toutefois, la dissolution de l'Assemblée Nationale, annoncée par le Président de la République, Emmanuel Macron, le 9 juin dernier, a retardé l'avancée des dossiers, déjà jugé trop long par le monde agricole. « Lorsque l'on prend, par exemple, la loi d'orientation agricole, votée à l'Assemblée Nationale, celle-ci devait passer devant le Sénat au mois de juin, mais ce passage a été reporté à janvier. Cela fait donc six mois de retard et pendant ce temps-là, l'agriculture va toujours aussi mal. Le gouvernement doit accélérer. On a perdu six mois avec cette dissolution et c'est insupportable », reprend Damien Brayotel.
« Il y a encore beaucoup de choses à faire pour nous simplifier la vie et permettre aux jeunes de s'installer pour assurer le renouvellement des générations, comme le fait de supprimer des réglementations excessives qui créaient des distorsions de concurrence, y compris par rapport à nos voisins européens. Nous, ce que l'on veut, c'est que les règles soient européennes, tout simplement, et qu'elles soient cohérentes, pas comme avec l'accord du Mercosur où on veut nous imposer des importations de viande dont le consommateur ne veut pas. Si le consommateur ne veut pas qu'on le produise ici, il n'y a pas de raison qu'on l'importe ».
Les agriculteurs attendent aussi des solutions et des actions concrètent pour enfin être rémunérés à leur juste prix et pour que les procédures administratives, toujours plus longues et nombreuses, soient simplifiées. Entre autres.
Et tant que cela ne bougera pas, le président de la « Fédé » le crie haut et fort : « On continuera à faire des actions ».
Une nouvelle action prévue lundi
Devant les agriculteurs présents à Auxerre, Damien Brayotel a annoncé qu'une nouvelle action était prévue lundi prochain (le 25 novembre), dans l'après-midi. Celle-ci consistera à se rendre devant la préfecture de l'Yonne, à Auxerre, afin d'apporter les panneaux décrochés dimanche soir aux quatre coins du département. « On ira expliquer au préfet tout le travail qui doit être fait pour que l'on puisse continuer d'exister », lance-t-il.
Cette même annonce a également été faite sur les points de rassemblement à Avallon et Sens.
Ensemble contre le Mercosur
Julien Caillard, agriculteur à Courson-les-Carrières : « Le Mercosur, c'est encore un truc en plus qui s'ajoute à la longue liste de revendications déjà annoncées il y a un an. La promesse n'a pas été tenue. Il y a quelque temps, notre président nous avait assuré que cet accord ne passerait pas, alors que le risque est là ».
Matthieu Thevenon, agriculteur à Brienon-sur-Armançon : « Je suis là pour dénoncer cet accord du Mercosur et pour faire passer le message aux consommateurs qu'il faut manger français. On a la volonté de vouloir se faire entendre et de défendre la profession. J'ai 32 ans, j'ai encore de longues années devant moi en tant qu'agriculteur, donc si on ne se bouge pas tout de suite, on se fera manger ».
Henri Ragon, agriculteur à Saints-en-Puisaye : « Ma présence est liée à plusieurs raisons, mais il y en a une que je souhaite souligner : c'est le Mercosur. On ne peut pas avoir, en France, des exigences croissantes au niveau de nos élevages et en parallèle importer de la viande sans cahier des charges, nourri aux antibiotiques qu'on n'utilise plus depuis des années en France et aux matières actives phytosanitaires rejetées chez nous depuis plus de 20 ans. Je trouve que c'est le monde à l'envers. Pour moi, ce n'est pas seulement un problème agricole, mais un problème qui touche chacun d'entre nous en tant que consommateur. Tout le monde doit s'emparer de ce dossier ».
Francis Letellier, agriculteur à Saint-Privé : « Il y a urgence aujourd'hui. Le monde agricole ne comprendrait pas que l'Europe signe un accord où tout le monde a bien compris que les enjeux ne sont pas les mêmes entre nous et les pays d'Amérique du Sud. On ne peut pas lutter contre ces agricultures. On n'oublie pas non plus le gouvernement français et toutes les demandes qu'on a faites en début d'année, qui sont toujours sans réponse ».