Moissons
À un détail près...

Chloé Monget
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Période estivale oblige, les moissons sont là. Mais, elles n'ont pas la physionomie attendue. 

À un détail près...
Laurent Lebouille, au centre, avec à droite, son père Guylain, et à gauche, Constant Huicq, son apprenti. Ici lors du battage d'une parcelle d'orge, le 8 juillet. Pour rappel, l'EARL Lebouille se compose de 250 ha : colza, blé, orge, tournesol (non irrigué), féveroles, petit pois.

Comme tous les ans, juin-juillet sont synonymes de moissons pour la majorité des départements de l'Hexagone... une période attendue avec impatience car « on récolte enfin le fruit de notre travail... Un an de labeur qui arrive à son terme » détaille Laurent Lebouille (EARL Lebouille, 250 ha à Cosne-Cours-sur-Loire). Mais, pour cette année, le visage des moissons est emprunt d'une attente interminable et d'inquiétudes. Pour comprendre tout cela, Laurent Lebouille revient sur ce début de récolte compliqué – et c'est un euphémisme. 

Situation enlisée

« À l'accoutumée, je procède aux moissons sur la totalité de mes 250 ha du 20 juin au 21 juillet grand maximum. Là, du 26 juin – date du premier battage – au 5 juillet, j'ai fait 20 ha. Mis bout à bout, j'ai dû travailler dans les champs une journée complète durant cette période.... le reste du temps, on attend... que la pluie cesse et que le soleil revienne. Il faudrait 8 à 12 jours de beau consécutifs, pour faire un travail soigné. Là, nous travaillons comme nous pouvons : en choisissant d'abord les parcelles où l'on peut rentrer. Il y a un véritable problème de portance des sols. Dans certaines parcelles, je suis obligé de changer de sens de moisson pour éviter de m'enliser. S'enliser avec une moissonneuse est très risqué car ces engins ne sont pas conçus pour être tractés et on peut casser l'essieu si on la tire... Outre les batteuses, les tracteurs ne passent pas non plus partout en ce moment. Pour preuve, je me suis enlisé dans une parcelle (Les Machis) avec un tracteur, alors que tout va bien à cet endroit normalement ». Son père, Guylain, 73 ans (installé en 1978 à Cosne et désormais en retraite), « je n'ai jamais vu cela. Voir des batteuses enlisées, c'est exceptionnel – et pas dans le bon sens du terme ». Il précise : « Ici, à Cosne-Cours-sur-Loire, nous avons à l'année, 650 mm d'eau environ. En 2024, nous sommes déjà à plus de 200 mm au mois de juin... j'ai peur pour le reste de l'année ». Laurent Lebouille poursuit : « Ces conditions de moissons ne sont pas agréables, car elles engendrent du stress dont on se passerait bien. Pour moi, la campagne 2024 n'est pas juste : on a beau travailler d'arrache pied, tout faire dans les règles de l'art mais un paramètre (la pluie en l'occurrence) vient tout gâcher »

À venir 

En plus de ces circonstances complexes, Laurent Lebouille stipule que le rendement n'est pas non plus au rendez-vous : « d'habitude nous sommes aux alentours des 70 quintaux, et là environ 60 quintaux. Il y a donc une perte de 10 % environ au total (en date du 5 juillet). Nous verrons bien si cela se confirme avec le reste des parcelles ». Il ajoute que : « il faut aussi prendre en compte la baisse des prix. Si les rendements étaient moindres, mais que la rémunération était autour des 250 – 240 euros pour l'orge ou le blé, nous n'aurions pas trop de soucis.... mais, ce n'est pas du tout le cas. Cela nous inquiète. Je pense notamment à mes petits pois qui étaient superbes et qui se sont tous couchés. Cela est impressionnant. Je les ai battus, ils font pour 2024, 13 quintaux. À titre de comparaison, d'habitude j'avais environ 30 quintaux pour les petits pois. Nous ne perdons pas espoir, car la moisson n'est pas terminée, mais il est certain que le résultat final ne sera pas au niveau escompté ». Si la récolte est donc problématique, l'implantation l'est tout autant : « Il y a 7 ha qui auraient dû être semés en maïs mais que je n'ai pas plantés car il y a toujours de l'eau dans la parcelle... elle ne s'infiltre pas comme si le sol était gorgé. Je n'ai jamais vu cela. La parcelle va très probablement finir en couvert : phacélie et moutarde... ou en jachères. Même pour faire le colza cela va être compliqué, les semis d'automne sont encore loin, la situation peut changer. On s'adaptera, comme d'habitude ». Malgré cette teinte un peu morose, Laurent Lebouille ne désespère pas et ne laisse pas le choix à son esprit : «  je n'envisage pas que cela continue comme cela... ». Au-delà des considérations purement techniques et agronomiques, un autre pan de la moisson a été évoqué... article à suivre prochainement.