Les Chambre d'agriculture départementales et la Chambre régionale d'agriculture ont animé des réunions auprès de producteurs agricoles locaux, afin de présenter les modalités d'accès à des marchés publics lancés par la Région pour approvisionner les lycées. Si la volonté politique est louable, la complexité du dispositif reste un frein sérieux.
Le marché de l'approvisionnement des restaurations de lycées est un débouché important et qui peut intéresser de nombreux producteurs locaux. C'est d'autant plus vrai que le Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC) qui a la compétence sur ces établissements scolaires, a lancé, il y a un an, une démarche nommée « Relocalisation des achats de denrée alimentaires » (Rada) qui représente un choix politique fort. Mais, entre l'affichage d'une volonté et sa traduction concrète, il peut y avoir un fossé conséquent. Il faut notamment passer sous les fourches caudines de la législation liée aux marchés publics et là, les choses se compliquent. C'est la raison pour laquelle, les Chambres d'agriculture de Côte-d'Or et de l'Yonne, en partenariat avec la Chambre régionale d'agriculture de BFC, proposent des réunions aux producteurs, afin de les informer de ce qui les attend s'ils veulent tenter l'aventure.
Prendre une décision éclairée
L'une d'entre elles s'est tenue le 2 octobre à Créancey, en Côte-d'Or, après une première dans le Doubs, la veille. « Les opportunités sont réelles, soulignait Séverine Gautier (Chambre d'agriculture de Côte-d'Or), avec un objectif revendiqué par la Région de 80 % d'approvisionnement local et bio des cantines des lycées, à terme ». Une fois ce contexte posé, il faut néanmoins aborder la chose avec pragmatisme. Le but de la réunion était de proposer des outils, permettre des échanges entre producteurs, et aider et accompagner sur une aide à la décision. Le cœur du dispositif, c'est, pour l'instant, la démarche Rada, menée à titre expérimentale et dans laquelle sont impliqués 21 lycées (11 dans la région bisontine et 10 sur la métropole dijonnaise) et plus particulièrement, un marché spécifique de cette démarche, consacré à la « Fourniture et livraison de produits d'épicerie » (voir encadré). « Participer à cette expérimentation, expliquait Philomène Viricel, chargée de mission Alimentation de proximité à la Chambre régionale d'agriculture, peut permettre, à plus long terme, aux producteurs locaux, de répondre à d'autres types de marchés publics ». Se confronter à cette complexité peut effectivement ouvrir d'autres portes et il faut bien se lancer à un moment ou un autre mais la marche paraît déjà bien haute à franchir. C'était un peu le sentiment des producteurs réunis à Créancey dans cette réunion qui avait le grand mérite de ne rien dissimuler des difficultés à surmonter. « Au contraire, soulignait Déborah Colard (Chambre d'agriculture de l'Yonne), ces réunions nous sont aussi utiles pour remonter à la Région les doutes ou les questionnements que les producteurs expriment et qui, in fine, s’ils sont pris en compte, peuvent permettre d'améliorer la démarche régionale et d'en accroître l'efficacité ».
Faire évoluer le cadre
Il faut parvenir à réfléchir à ce qui pourrait rendre ce type de marché plus accessible et lisible, sachant qu'il s'inscrit dans un cadre européen contraignant. Pour le marché cité plus haut, les premières commandes pourraient intervenir début 2025. Valable un an, ce marché est reconductible trois ans. La Région, de son côté, s'engage à mener de l'animation auprès des lycées pour les inciter à s'impliquer dans ce dispositif. Il reste que ce dispositif paraît plus adapté à de gros fournisseurs agroalimentaires dotés des moyens en ingénierie juridique pour répondre à ces appels d'offres, plutôt qu'à des agriculteurs souvent seuls. C'est là un véritable verrou à faire évoluer si l'on veut que cette démarche Rada porte ses fruits. Pour les producteurs, se confronter à ce défi peut néanmoins être très porteur, ne serait-ce que pour acquérir une expérience précieuse dans le but, ensuite, de répondre à d'autres types de marchés. À condition, comme le rappelaient les intervenantes des différentes Chambres d'agriculture, de bien prendre en compte ses coûts de logistiques, trop souvent sous-estimés et, plus globalement, d'expliquer leurs contraintes, d'exposer la réalité sur la manière dont ils peuvent procéder. « Restez réalistes, ne survendez pas des choses que vous ne pourrez pas assumer… » concluaient-elles.
De nombreuses pièces à fournir
Le marché public proposé par la Région pour fournir et livrer des produits d'épicerie aux lycées de BFC, et dont la date limite pour candidater était fixée au 15 octobre, est fractionné en 21 lots dont 13 sont à destination des producteurs en circuit court. Ils concernent aussi bien de la fourniture de farine, d'huile, de légumes secs ou encore de miel ou de confiture. C'est un accord à bon de commande : les lycées décident quand ils vont passer commande. Les lots sont mono-attributaires. Personne ne peut répondre à plus de 6 lots et le montant maximum des commandes sur quatre ans est indiqué. Il n'y a pas de montant minimum. Le dossier de candidature comporte plusieurs pièces que les candidats devaient télécharger en se connectant sur Ternum, qui dépend de l'Agence régionale du numérique et de l'intelligence artificielle (Arnia). Par ce biais, les producteurs peuvent aussi être informés d'éventuelles modifications de marché. La procédure de candidature, à laquelle il est possible de répondre seul ou à plusieurs, comprend de nombreuses étapes, dont des dégustations des produits avec panier test, des documents à remplir permettant de décrire très précisément les produits, des attestations prouvant d'éventuelles certifications (AB, IGP, signes de qualité), une présentation de l'entreprise agricole. Si le fournisseur est retenu, il lui faudra fournir également des attestations fiscales, d'assurance, un relevé d'identité bancaire…