Lancée le 20 novembre dernier par la FDSEA de l'Yonne, la formation « bien dans ses bottes » se poursuit en ce début d'année, avec une dernière session de deux jours. Cette formation, destinée à des agriculteurs étant un peu perdu, permet de libérer la parole et de comprendre ce qui est important pour eux, pour avancer dans leurs vies personnelles et professionnelles.

C'est une formation qui fait du bien, de l'avis de tous. Relancée en 2024 par la FDSEA de l'Yonne, la formation « bien dans ses bottes » arrive sur la dernière de ces trois sessions de deux jours. Après les 20 et 21 novembre, les 4 et 5 décembre, les 12 agriculteurs icaunais du groupe se retrouveront les 21 et 22 janvier prochains.
« L'objectif de la formation, c'est de s'adresser à des agriculteurs qui sont un peu perdus, qui ont perdu le sens de leur métier et qui se posent énormément de questions sur ce qu'ils veulent pour eux », souligne Jean-Luc Marx, l'un des deux formateurs de la formation. « Nous sommes là pour essayer de répondre à ce mal-être agricole. Certains ont l'impression qu'ils ne sont plus bons à grand-chose, qu'ils ne savent plus pourquoi ils font ce métier. Notre objectif est de les aider en libérant la parole ».
Pour les aider, les formateurs travaillent à partir de trois modules relatifs aux émotions, aux valeurs et à la communication. « Le premier module, celui des émotions, permet d'identifier et surtout de comprendre le message des émotions qui nous traversent. L'idée est de pouvoir mettre des mots sur ces émotions et de savoir ce que l'on doit mettre en action derrière pour se sentir mieux », explique Sandrine Eidelstein, la seconde formatrice. « Le deuxième module, celui des valeurs, se concentre sur ce qui anime les personnes, sur ce qui est important pour eux. Il faut savoir qu'on a tous une centaine de valeurs, toutes différentes suivant les personnes. C'est important de les connaître car elles expliquent nos actes, nos réactions, nos décisions et pourquoi on peut être en conflit avec d'autres personnes. Quand on comprend cela, on peut mieux interagir avec les personnes qui nous entourent », poursuit-elle. « Quant au troisième module, celui de la communication, c'est celui qui sera abordé lors de la dernière session (nous faisons le choix de ne pas parler de ce dernier module pour ne pas dévoiler à l'avance le contenu de la formation, ndlr) ».
La force du groupe
Si ce genre de formation peut se faire en individuel, en plus grande intimité avec la personne, la force de ces formations en groupe « est de permettre de montrer aux personnes qu'ils ne sont pas seuls et que les problématiques qu'ils vivent sont souvent vécues par d'autres, même si les impactes peuvent être différents. Ils arrivent à s'exprimer car ils sont comme dans une bulle où tout est permis. Et ils sont là pour dire ce qu'ils ont envie de dire, sans être forcés. Certains ont besoin de plus de temps que d'autres pour se sentir à l'aise, en confiance et ressentir la confidentialité. D'autres se livrent rapidement. Cela dépend des personnes », continue Sandrine Eidelstein.
Les formateurs adaptent le contenu de la formation en fonction des dires, des attentes et des besoins des personnes. « Les formations sont prêtes mais suivant ce que l'on va vivre dans une journée avec eux, on réadaptera les contenus la journée suivante pour être au plus proche de leurs attentes, qui sont toutes différentes, dans le but qu'ils puissent tous sortir grandi de la formation et plus à l'aise. On se sert vraiment de ce qu'ils nous donnent pour alimenter nos journées de formations, pour qu'ils repartent avec des choses concrètes », confie-t-elle.
Des formateurs qui restent aussi disponibles entre chaque session, si besoin. « Il arrive que certains nous appellent car ils ressentent un besoin de parler et on est là pour les écouter, c'est aussi notre rôle », assure Sandrine Eidelstein.
D'agriculteur à formateur
S'il est aujourd'hui formateur, Jean-Luc Marx a lui-même suivi cette formation il y a une dizaine d'années, en tant qu'agriculteur (il est toujours agriculteur actif en grandes cultures dans le sud de la Nièvre, à Mars-sur-Allier, ndlr). « À la base, j'ai suivi cette formation car j'avais eu quelques soucis humains sur l'entreprise. Je voulais essayer de comprendre quel sens je pouvais donner à mon métier, à ma structure. Je venais de racheter des parts, de m'endetter financièrement et je ne comprenais pas pourquoi j'avais fait ça, c'était presque une obligation familiale, morale. J'avais vraiment besoin de comprendre plus profondément en quoi c'était important pour moi de m'investir à ce point-là sur ce projet. C'est pour ça que je m'étais inscrit à la formation en tout cas », se souvient-il. « Lors de la formation, j'ai découvert que finalement tout ce que l'on fait, ou qu'on ne fait pas, tout ce que l'on décide, dépend essentiellement de nous et très peu des autres. J'ai appris à me recentrer sur ce que je ressentais, sur ce que j'avais besoin et sur ce qui m'animait dans la vie, plutôt que sur ce qui animait les autres ».
Le travail sur les valeurs lui a également permis de constater que celle du partage était omniprésente dans sa vie. « Je me suis alors dit que je ne pouvais pas garder ce que j'avais appris pour moi, qu'il fallait que je le transmette ».
Et en tant qu'agriculteur, Jean-Luc Marx a une connexion privilégiée avec les autres agriculteurs. « J'ai le vocabulaire, la perception des choses qui leur arrivent car j'ai vécu cela auparavant. Je suis en capacité de me connecter très vite émotionnellement avec ce que vit un agriculteur car je suis passé par là ».
À travers cette formation, le but est que chacun puisse repartir avec des éléments pour être bien dans leurs baskets, ou dans leurs bottes. Et le lien entre eux et avec les formateurs ne se conclut pas à l'issue de la formation. « Quand un groupe se construit, il y a quelque chose de fort qui s'instaure entre eux. L'idée est de garder cette dynamique-là et pourquoi pas de mettre d'autres choses en place ensuite, pour continuer de travailler et garder le lien à l'intérieur du groupe », conclut Sandrine Eidelstein.