Filière viande
Hors les coûts de production, pas de salut !

Alexandre Coronel
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Coûts de production, contractualisation, poids de carcasse, ressource en eau, décapitalisation, filière, décarbonation, agrivoltaïsme, Mercosur… Le Nivernais Emmanuel Bernard, vice-président de la FNB, n’a éludé aucun des sujets de préoccupations des éleveurs de bovins viande réunis pour un rendez-vous de la tournée syndicale, organisé en Haute-Saône.

Hors les coûts de production, pas de salut !
Emmanuel Bernard, éleveur de charolais et de volailles dans la Nièvre, est tête de liste aux élections Chambre de son département. Vice-président de la FNB, il suit de prêt les évolutions structurelles de la filière viande.

Tout juste de retour d’un voyage professionnel en Italie avec d’autres responsables de la FNB, Emmanuel Bernard a pu prendre le pouls du versant cisalpin de la filière viande bovine – très dépendante des importations de broutards français. « Les Italiens, à l’heure actuelle, ont un souci principal, celui de remplir leurs bâtiments. Le prix n’est plus un sujet ! » déclarait-il aux éleveurs réunis au Gaec Laut, à Recologne-lès-Rioz, en Haute-Saône, à mi-chemin de Vesoul et Besançon, à l’invitation de la FDSEA-FDPL et des JA, pour un rendez-vous dédié à la filière viande. « Il faut aussi comprendre que la plupart des engraisseurs italiens ont des élevages adossés à des méthaniseurs… et pas des méthaniseurs nourris au maïs : ils ont besoin de fumier et de lisier pour les faire tourner. »

Sur le fil du rasoir

Si, depuis un an, à cause d’une offre insuffisante, les prix payés aux producteurs ont atteint des sommets, le vice-président de la FNB restait lucide sur les perspectives et pointait deux écueils inhérents à la décapitalisation massive du cheptel bovin français. D’abord celui de la dépendance du marché intérieur aux importations : « demandez aux éleveurs ovins ce qui se passe quand on ne domine plus le marché intérieur : ce sont les importations qui font le prix… », et en second lieu, l’affaiblissement du tissu d’entreprises d’abattage, de découpe et de transformation. Les petits établissements sont particulièrement sensibles à la baisse de volumes. « C’est le cas dans notre département, rebondissait Michaël Muhlematter, président de la FDPL et président du magasin de producteurs « Esprit paysan » de Vesoul : notre abattoir de Luxeuil-les-Bains, très utilisé par les agriculteurs en circuit court, est en difficulté. » Pour Emmanuel Bernard, l’avenir de la production de viande bovine ne peut pas faire l’économie d’un retour aux fondamentaux… de l’économie. « Nous avons réussi, en 10 ans, à imposer la notion de coûts de production, avec une méthode de calcul robuste, qui permet d’aller sur la valeur du travail. La rentabilité d’une production, c’est le revenu de l’éleveur – en viande la dernière PAC a fortement réduit la part des aides européennes dans notre revenu – et au-delà, l’accès aux prêts pour investir dans nos outils de production, la transmission et le renouvellement des générations. Avec l’inflation qui a fait quasiment doubler la mise de départ pour s’installer en élevage bovin viande, on ne peut plus faire l’impasse sur ses coûts de production. Et pour s’installer, on a besoin de visibilité : c’est ce qu’on attend des filières. »

La restauration, cheval de Troie des importations

Emmanuel Bernard est également revenu sur le sujet des accords de libre-échange avec les pays du Mercosur. « Quand on nous parle de « seulement 99 000 tonnes » de viande importée, il faut bien comprendre qu’il s’agit de pièces à haute valeur ajoutée, dans l’aloyau : ça représente beaucoup plus et ça déséquilibre complètement les marchés. Autant avec les grandes surfaces la pression syndicale a permis de garantir à 95 % les approvisionnements en viande française, autant pour la restauration hors foyer (RHF), ce n’est pas du tout le cas. La RHF est la porte d’entrée des viandes importées : à hauteur de 95 %. Notre combat syndical, c’est de rendre obligatoire la mention d’origine de la viande, sur toutes les tables ! »