Filière viande
Hors les coûts de production, pas de salut !
Coûts de production, contractualisation, poids de carcasse, ressource en eau, décapitalisation, filière, décarbonation, agrivoltaïsme, Mercosur… Le Nivernais Emmanuel Bernard, vice-président de la FNB, n’a éludé aucun des sujets de préoccupations des éleveurs de bovins viande réunis pour un rendez-vous de la tournée syndicale, organisé en Haute-Saône.

Tout juste de retour d’un voyage professionnel en Italie avec d’autres responsables de la FNB, Emmanuel Bernard a pu prendre le pouls du versant cisalpin de la filière viande bovine – très dépendante des importations de broutards français. « Les Italiens, à l’heure actuelle, ont un souci principal, celui de remplir leurs bâtiments. Le prix n’est plus un sujet ! » déclarait-il aux éleveurs réunis au Gaec Laut, à Recologne-lès-Rioz, en Haute-Saône, à mi-chemin de Vesoul et Besançon, à l’invitation de la FDSEA-FDPL et des JA, pour un rendez-vous dédié à la filière viande. « Il faut aussi comprendre que la plupart des engraisseurs italiens ont des élevages adossés à des méthaniseurs… et pas des méthaniseurs nourris au maïs : ils ont besoin de fumier et de lisier pour les faire tourner. »
Sur le fil du rasoir
Si, depuis un an, à cause d’une offre insuffisante, les prix payés aux producteurs ont atteint des sommets, le vice-président de la FNB restait lucide sur les perspectives et pointait deux écueils inhérents à la décapitalisation massive du cheptel bovin français. D’abord celui de la dépendance du marché intérieur aux importations : « demandez aux éleveurs ovins ce qui se passe quand on ne domine plus le marché intérieur : ce sont les importations qui font le prix… », et en second lieu, l’affaiblissement du tissu d’entreprises d’abattage, de découpe et de transformation. Les petits établissements sont particulièrement sensibles à la baisse de volumes. « C’est le cas dans notre département, rebondissait Michaël Muhlematter, président de la FDPL et président du magasin de producteurs « Esprit paysan » de Vesoul : notre abattoir de Luxeuil-les-Bains, très utilisé par les agriculteurs en circuit court, est en difficulté. » Pour Emmanuel Bernard, l’avenir de la production de viande bovine ne peut pas faire l’économie d’un retour aux fondamentaux… de l’économie. « Nous avons réussi, en 10 ans, à imposer la notion de coûts de production, avec une méthode de calcul robuste, qui permet d’aller sur la valeur du travail. La rentabilité d’une production, c’est le revenu de l’éleveur – en viande la dernière PAC a fortement réduit la part des aides européennes dans notre revenu – et au-delà, l’accès aux prêts pour investir dans nos outils de production, la transmission et le renouvellement des générations. Avec l’inflation qui a fait quasiment doubler la mise de départ pour s’installer en élevage bovin viande, on ne peut plus faire l’impasse sur ses coûts de production. Et pour s’installer, on a besoin de visibilité : c’est ce qu’on attend des filières. »
La restauration, cheval de Troie des importations
Emmanuel Bernard est également revenu sur le sujet des accords de libre-échange avec les pays du Mercosur. « Quand on nous parle de « seulement 99 000 tonnes » de viande importée, il faut bien comprendre qu’il s’agit de pièces à haute valeur ajoutée, dans l’aloyau : ça représente beaucoup plus et ça déséquilibre complètement les marchés. Autant avec les grandes surfaces la pression syndicale a permis de garantir à 95 % les approvisionnements en viande française, autant pour la restauration hors foyer (RHF), ce n’est pas du tout le cas. La RHF est la porte d’entrée des viandes importées : à hauteur de 95 %. Notre combat syndical, c’est de rendre obligatoire la mention d’origine de la viande, sur toutes les tables ! »