Viticulture
Oui, en Puisaye aussi, il y a des vignes

Christopher Levé
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Installée depuis 2018 à Sainte-Colombe-sur-Loing, Raphaëlle Guyot a réintroduit de la vigne en Puisaye, dans un secteur qui en possédait historiquement. 

Vigne
Raphaëlle Guyot a replanté des vignes en Puisaye (Photo DR).

À 33 ans, Raphaëlle Guyot, viticultrice à Sainte-Colombe-sur-Loing, est désormais bien installée en Puisaye, et ses vignes aussi. Originaire du coin (elle est de Saint-Fargeau), la jeune femme décide de se tourner vers l'univers du vin assez tôt. « Je m'y suis intéressé vers 14-15 ans, lorsque j'ai fait mes premières dégustations », sourit-elle. « Il y a quelque chose d'assez fascinant dans le vin, qui exprime beaucoup de choses sur un terroir, sur le travail d'un vigneron. Ce qui me plaît surtout, c'est de voir que l'on peut partir d'un produit aussi brut, qui produit du travail de la terre, du végétal, pour arriver à un produit magnifié, qui peut procurer beaucoup d'émotions. Depuis mes premiers stages, j'ai toujours voulu exprimer de la manière la plus juste et la plus pure l'expression du terroir. C'est un objectif qui demande beaucoup de travail et de compréhension des sols, de la plante, de l'adaptation au changement climatique ».
Après un premier cycle universitaire, n'ayant aucun lien avec l'univers du vin, Raphaëlle Guyot décide de faire un BTSA viticulture-oenologie, à Beaune. À la fin de ses études, elle crée une structure de négoce, en 2016, dans le vin, dans le vignoble de la Côte de Nuits (Côte-d'Or), avant de retrouver sa Puisaye natale, pour s'y installer en 2018, en reprenant 90 ares de vignes. Car les vignes en Puisaye, ce n'est pas une nouveauté, loin de là. « Il y a quelques années, André Thomas (ancien président de la FDSEA de l'Yonne) et d'autres avaient créé la SCEV des Coteaux de Forterre et plantés la parcelle des Robinettes que j'ai reprise en m'installant. J'ai ensuite racheté d'autres terres où je replante des vignes au fur et à mesure, pour avoir 3 ha aujourd'hui ».

Des terres historiquement viticoles

Et les terres que rachète Raphaëlle Guyot ont déjà accueilli des vignes par le passé. « J'ai un ami de Treigny qui a trouvé aux archives de la commune toute une étude qui avait été faite au XIXe siècle sur la reconstitution du vignoble après le phylloxéra. Je me suis basée sur cela pour retrouver toutes les parcelles qui avaient été plantées à cette époque pour essayer d'en récupérer une partie pour replanter de la vigne. Donc tout ce que j'ai replanté se trouve dans des parcelles où il y avait historiquement de la vigne ».
Aussi, grâce à cette étude, la viticultrice a pu glaner des informations sur la nature des sols, la qualité des vins, les porte-greffes recommandés pour la plantation… ce qui lui a permis d'éviter de partir de zéro. « C'était intéressant d'avoir connaissance de cette dimension historique », confie-t-elle.
Au niveau des cépages, Raphaëlle Guyot cultive les traditionnels bourguignons pinot noir et chardonnay. « J'essaie de vinifier des vins de terroir, pour cela je fais en sorte d'avoir un travail en cave et en élevage qui soit le plus respectueux de la matière première. Sur la partie négoce, j'achète des raisins sur pieds que je vinifie, principalement dans l'Auxerrois sur des appellations Irancy, Saint-Bris, Côtes d'Auxerre. J'ai huit vins, blancs et rouges confondus, dont trois cuvées issues du domaine (deux rouges et un blanc) d'appellation « vin pays de l'Yonne » (un IGP), ce qui permet de revendiquer une identité géographique. Pour les cinq autres, j'ai l'obligation de les déclasser en vins de France ».

Une gamme à renouveler

Au-delà de son domaine, Raphaëlle Guyot a aussi repris la ferme l'Orme du Pont (où elle a installé son domaine), à Sainte-Colombe, et ses 60 ha de céréales et prairies. « Je l'ai reprise en 2019 avec les terres et les bâtiments, dont la plupart étaient en ruine. Petit à petit, je fais des travaux. À terme, j'aimerais avoir tous les bâtiments de production pour la partie vin à un seul et même endroit, ce qui n'était pas le cas quand je me suis installé, ce qui était compliqué d'un point de vue logistique ».
Une activité qu'elle qualifie « d'anecdotique » par rapport à tout le travail mené au domaine. « On produit 30 000 bouteilles par an, dont la quasi-totalité est vendue aux professionnels, dont la moitié à l'export ».
Cette année, avec les aléas climatiques successifs, un autre travail attend Raphaëlle Guyot. « Au niveau des gammes, mes principaux fournisseurs ont perdu beaucoup de leur récolte donc je dois aller chercher des raisins ailleurs. Il y aura donc une nouvelle gamme de vin, une nouvelle vinification cette année. Dans l'idée, lorsqu'il n'y a pas d'incident climatique, j'essaie d'acheter toujours aux mêmes producteurs car ce qui m'intéresse est de faire des sélections de terroirs, de suivre les parcelles, d'avoir une même vinification d'une année à l'autre, ce qui est intéressant pour le client aussi. Je travaille les vins du négoce comme ceux du domaine ».
Dans ces vignes, la viticultrice a perdu quasiment 70 % de la récolte à venir. L'activité de négoce lui permettra de s'en sortir financièrement. « C'est une activité importante qui permet économiquement de surmonter des années comme celle-ci, où on perd quasiment tout, et avec des coûts de production qui s'envolent ».
De quoi lui permettre d'appréhender plus sereinement les prochains mois, en espérant toutefois une bien meilleure année en 2025.