Gendarmerie
Rencontre avec le nouveau commandant de groupement départemental de l’Yonne
Depuis le 1er juillet, le colonel Nicolas Nanni est le nouveau commandant de groupement de gendarmerie départementale de l’Yonne. À 42 ans, le Franc-Comtois de naissance (Belfort) connaît bien le département pour avoir été commandant de gendarmerie de Sens pendant trois ans. Entretien.
Pouvez-vous vous présenter et nous raconter votre parcours, jusqu’à cette nomination ?
Nicolas Nanni : « La particularité dans mon cursus, c’est que j’ai été commandant de compagnie à Sens. J’ai déjà servi sur ce groupement, ce qui est extrêmement rare dans la gendarmerie de revenir sur des terres où on a travaillé, surtout aussi tôt (entre 2017 et 2020, ndlr).
J’ai un profil, sur la première partie de ma carrière, de service sur les opérations extérieures (à l’étranger), sur le contre-terrorisme. Ensuite, j’ai découvert la gendarmerie départementale, ce qui représente 95 % des missions de la gendarmerie, à Sens, suite à ma réussite au concours de l’école de guerre, en 2016-2017. Je suis de retour en terres icaunaises. C’est un choix car c’est un territoire que j’ai adoré ».
Comment vous est venue cette envie de devenir gendarme ? Est-ce une vocation ?
NN : « J’ai toujours eu un sens assez exacerbé du service public. Je me suis toujours mis à la disposition des autres. Ce que j’aime par-dessus tout, c’est le contact humain, rencontrer des gens dans toutes leurs diversités, apprendre à les connaître. J’aime aussi me frotter à mes zones d’incompétence. Je trouve que la gendarmerie départementale est le meilleur moyen de rencontrer des gens qu’on ne connaît pas, dans des secteurs d’activité qu’on maîtrise mal. Je trouve cela très enrichissant ».
Pour vous, que représente le métier de gendarme ?
NN : « C’est d’avoir chevillée au corps cette redevabilité. C’est d’avoir ancré en soi, qu’en tant que gendarme, on doit offrir à la population un service public global et de qualité, en dépit des contraintes, qu’elles soient en termes de moyens ou de personnels. Car la population à des besoins et elle ne peut pas entendre qu’elle doit supporter un service de défense et de sécurité qui n’est pas à la hauteur de ses attentes ».
Combien de gendarme avez-vous sous vos ordres ?
NN : « J’ai tout d’abord 200 réservistes opérationnels. Je commence par eux car ils sont essentiels car ce sont des Icaunais de souche. Ils sont dans leur département, dans le biorythme du département. Ce sont des salariés, parfois des chefs d’entreprise, des exploitants agricoles… Pour permettre aux gendarmes de mieux connaître le territoire, les réservistes sont essentiels.
J’ai également neuf réservistes citoyens qui sont là pour attirer mon attention sur diverses problématiques. Ils nous permettent à nous, gendarmes, de mieux penser la sécurité du territoire. Ces réservistes citoyens, contrairement aux réservistes opérationnels, n’ont pas de missions sur le terrain. Ils sont là pour me conseiller, me donner de l’expertise. J’ai beaucoup de respect pour l’engagement de mes réservistes. J’ai souvent coutume de dire qu’être réserviste, c’est être deux fois citoyen.
Enfin, je n’oublie pas les environ 600 gendarmes actifs, qui sont réparties sur trois compagnies, Auxerre, Sens et Avallon, ainsi que sur l’escadron départemental de sécurité routière et l’ensemble des services du groupement. Je dis souvent qu’un gendarme voit plus de détresse, plus de blessés, de morts, plus de problèmes et plus de levers de soleil que la moyenne des gens. Je leur exprime toute la satisfaction que je ressens de servir à leurs côtés ».
Quelles sont vos ambitions en tant que commandant du groupement de gendarmerie du département ?
NN : « Mon ambition est triple pour ce territoire. La première stratégie, c’est la lutte contre les violences intrafamiliales (les VIF). Malheureusement, en ruralité, les seules représentations de l’État qui permettent à des victimes de faire part du traumatisme qu’elles subissent dans le cocon familial, ce sont la gendarmerie et les maires. Il n’y a pas toujours de tissu associatif ou une proximité avec ses voisins. Le constat que je fais, c’est que les victimes de VIF en ruralité ont ce sentiment de solitude et se demandent vers qui se tourner. Dans ce cadre-là, nous, aux côtés des maires, sommes là pour les écouter et les aider. Nous avons des référents communes et des référents VIF pour pouvoir se rapprocher des victimes et les réintégrer dans le système pour les accueillir, les accompagner, les protéger.
La deuxième stratégie, c’est la cybersécurité. Quand on parle de cyber, on pense aux hôpitaux, aux mairies, aux grands groupes du CAC 40, aux entreprises… mais on ne pense pas du tout aux agriculteurs. Et pourtant… Un agriculteur, pour moi, est avant tout un chef d’entreprise. Dans ce cadre-là, la cybersécurité va être la deuxième de mes priorités pour le monde rural. L’objectif est de travailler sur deux angles : la prévention des attaques, pour leur donner un certain nombre de réflexes à mettre en place pour éviter les pièges, et l’aspect judiciaire en lien avec des enquêteurs cybersécurité. Dans cette optique, on va prendre notre bâton de pèlerin et on va écumer la ruralité, avec les experts cybersécurité, qui sont au nombre de sept. J’ai également associé à ces experts, un cyber réserviste citoyen et un cyber réserviste opérationnel.
La troisième stratégie, c’est le contact, dans la manière de le penser, de l’aborder et de l’exécuter. J’ai 600 militaires, 200 réservistes, cela peut paraître beaucoup, mais lorsqu’on met cela à l’échelle d’un territoire comme l’Yonne, de 7500 km2 (dont 98 % sont en zone gendarmerie), avec près de 400 000 habitants dont 78 % sont en zone rurale, cela n’est finalement pas tant que ça. Je ne peux pas être efficace, je dois être efficient pour une offre globale et sur-mesure de sécurité. C’est-à-dire qu’avec des moyens contraints, je dois avoir une offre de sécurité globale. Ainsi, j’ai demandé qu’au 1er octobre, on puisse mettre en place un contact « rénové ». J’ai demandé à mes trois compagnies, d’analyser finement les territoires, pour m’identifier des moments où on doit avoir ce contact avec la population. Au niveau agricole, cela peut être sur des foires, des fêtes agricoles, des assemblées générales de syndicat, etc. Au-delà de ces instants de contact, c’est identifier des exploitations « relais d’opinion », qui ont cette capacité de rayonner dans le monde rural, afin de toucher d’autres exploitations agricoles ».
Comment peut-on situer l’Yonne au niveau régional en ce qui concerne la délinquance ?
NN : « Malheureusement, l’Yonne est le département le plus touché par la délinquance en Bourgogne Franche-Comté, sur l’ordre public, sur les violences et les menaces faites aux gendarmes. Il y a donc beaucoup de défis sécuritaires ici et il y a une légitime attente des Icaunais. Mais point de fatalisme en la matière, nous agissons au quotidien et nous réussissons tous les ans, sous l’autorité de monsieur le Préfet, à faire baisser cette délinquance ».
Au fil de votre carrière, avez-vous vu évoluer le regard et le comportement des citoyens vis-à-vis des gendarmes ?
NN : « Le constat que je fais est qu’il y a un rapport de plus en plus compliqué avec toutes les formes d’autorité. Les gendarmes oui, mais pas seulement. Les maires ou encore les enseignants sont aussi confrontés à cela. Il y a un rapport de plus en plus décomplexé avec les menaces et les violences. L’ensemble des corps de l’État le constate ».
Quel message pourriez-vous donner aux jeunes femmes et aux jeunes hommes qui voudraient s’engager ?
NN : « Pour moi, il n’y a rien de plus beau que de servir dans le département de l’Yonne, au sein de la gendarmerie. La gendarmerie, c’est celle qui offrira à un jeune le plus de perspective. Même si on rentre sans diplôme, on peut devenir tout ce qu’on veut devenir. On peut être dans une brigade, au contact de la population, mais aussi pilote d’hélicoptère, servir dans les montagnes de Chamonix, intégrer le GIGN, faire de la police judiciaire… À mon sens, c’est la plus belle institution qui représente « l’escalier républicain ». Si vous donnez, elle vous donnera tout ».
La bio du colonel Nicolas Nanni
Au cours de sa carrière, le colonel Nicolas Nanni a eu un certain nombre de missions et de fonctions. En voici quelques-unes.
2005 à 2007 : école des officiers.
Août 2007 à juillet 2011 : commandant de PI Escadron de gendarmerie mobile à Orange (Provence-Alpes-Côte d'Azur).
2009-2010 : Mission d’expertise au profil de la South African Police Force (SAPF) en Afrique du Sud, en lien avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Décembre 2010 à juillet 2011 : Commandant des Formed Police Units (FPU) au sein de l’organisation des nations unies, en Côte d’Ivoire.
Avril 2011 : Mission d’expertise au profit du Lesotho Mounted Police Service (LMPS) au Royaume du Lesotho, en lien avec le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.
Avril 2011 à juillet 2015 : commandant d’unité contre-terrorisme.
Août 2015 à juillet 2016 : officier concepteur au bureau de la défense et de la sécurité national, à Issy-les-Moulineaux (Île-de-France).
Août 2016 à juillet 2017 : stagiaire de la 24e promotion « Général Gallois » à l’école de guerre, à Paris.
Août 2017 à juillet 2020 : commandant de la compagnie de gendarmerie départementale de Sens.
Août 2020 à juillet 2023 : officier de liaison à la division production nucléaire EDF, à Saint-Ouen (Île-de-France).
Depuis le 1er juillet 2023 : commandant du groupement de gendarmerie départementale de l’Yonne, à Auxerre.