Jeunes agriculteurs
Un rapport d'orientation pour maîtriser l'avenir
Les Jeunes Agriculteurs, réunis en congrès national près de Poitiers, ont adopté un rapport d’orientation qui veut poser des bases pour l’avenir. Ils ont aussi un nouveau président en la personne de Pierrick Horel, éleveur dans les Alpes-de-Haute-Provence.
« Construire notre souveraineté, impulser les transitions ». Tel est le titre du rapport d’orientation long de presque 80 pages que les 600 congressistes ont débattu page par page, article par article, ligne par ligne, lors du congrès national des Jeunes Agriculteurs (JA), organisé au Futuroscope, près de Poitiers, du 4 au 6 juin. Son objectif est de donner une vision de l’agriculture à l’horizon 2050 pour assurer à la France sa souveraineté agricole et alimentaire. Les JA entendent bien « conforter […] et préserver l’excellence productive française ». Conscients de l’évolution des modes de vie (« le monde dans lequel ont vécu nos parents et grands-parents […] est révolu », souligne le rapport), ils souhaitent anticiper les inévitables changements climatiques que connaîtront les 25 prochaines années et répondre à la multiporalisation d’un monde lui-même en proie à d’importants bouleversements démographiques : Il faudra notamment nourrir deux milliards de personnes de plus d’ici 25 ans (10 milliards en tout) alors même que les statisticiens tablent sur un recul des exploitations. Les biotechnologies et l’intelligence artificielle ne résoudront pas tout.
« Productivisme rénové »
Dans cette perspective, les JA réaffirment et assument un « productivisme rénové », dans un cadre français mais aussi européen. L’élargissement de l’Union européenne à d’autres pays peut, selon eux, être réalisée sous quelques conditions notamment « harmoniser les règles » de production et imposer les standards européens sur les marchés internationaux. Les JA qui estiment qu’une Charte de l’agriculture et de l’alimentation doit être intégrée au bloc de constitutionnalité, jugent nécessaire d’assurer un meilleur revenu pour maintenir les agriculteurs sur l’ensemble du territoire et assurer le renouvellement des générations. Favorables à une planification agricole stratégique et au contrat d’avenir agricole, ils veulent rester maîtres de leur destin. C’est en partie ce qui explique les longs débats sur la définition de l’actif agricole et notamment sur le critère d’entrée dans le métier. Pour les JA, il n’est pas question de reconnaître le statut d’agriculteur aux investisseurs mais il est tout aussi primordial d’attirer à soi de nouveaux talents, « sans réaliser d’installations au rabais ». C’est pourquoi, ils demandent que les autorisations d’exploiter et l’accès aux aides qui correspondent soient réservés à des diplômés agricoles de niveau 5 (BTSA par exemple) ou des diplômés de niveau 4 (Bac) plus deux ans d’expérience agricole. Une dérogation pourra être accordée en cas de force majeure. Ce rapport sur lequel pas moins de 101 amendements ont été présentés, argumentés, contrecarrés et votés en séance publique souhaite aussi la généralisation de comités d’entreprise pour les salariés agricoles.
La question essentielle du foncier
La conservation des moyens de production, en particulier l’accès à l’eau et la politique des structures ont été âprement discutées. « Il faut être ambitieux sur le foncier », a ainsi estimé Julien Rouger, membre du bureau de JA qui souhaiterait bien « renverser la table ». Le rapport de JA avait appelé à supprimer les Commissions départementales d’orientation de l’agriculture (CDOA). Mais devant la large opposition des délégations régionales, un amendement de synthèse a revu cette ambition à la baisse, en « appelant à engager une réforme de la gestion du foncier agricole en France ». JA souhaite mettre fin à la distinction historique entre gestion de la propriété foncière et gestion des autorisations d’exploiter. « Les CDOA fonctionnent de moins en moins bien » et la loi Sempastous(1) « n’est qu’un bouche-trou temporaire. On ne veut pas de demi-mesure sur le foncier », a martelé Pierre Meyer, corédacteur du rapport d’orientation. Les JA souhaitent surtout une loi foncière, devenue le serpent de mer du quinquennat d’Emmanuel Macron sur le dossier agricole. Car l’accès au foncier est l’une des clés essentielles de l’installation et du renouvellement des générations. Les JA verraient aussi d’un bon œil que les Chambres d’agriculture distinguent bien au sein de leur organisation, d’un point de vue budgétaire et ressources humaines, ce qui relève de la mission de service public et ce qui relève des prestations purement contractuelles et concurrentielles. « Il faut lever les ambiguïtés et aller vers plus de transparence », ont plaidé les JA qui s’inquiètent de payer parfois très cher des conseils aux Chambres. Le rapport d’orientation a été adopté à une très large majorité.
Note (1) Promulguée en décembre 2021, elle a pour objectif de garantir la transparence et la régulation du marché sociétaire.
Pierrick Horel, nouveau président des JA
Pierrick Horel, éleveur d’aubrac bio installé dans les Alpes-de-Haute-Provence, a été élu président du syndicat JA. Auparavant secrétaire général, il est engagé chez JA depuis son installation en 2010. Dans son discours, le nouveau président a indiqué sa volonté de travailler sur un projet « JA 2026 » doté de quatre axes : « valoriser notre action jusque dans les cours de ferme » ; « revoir nos méthodes de communication » ; « proposer une nouvelle offre syndicale » ; « faire comprendre aux jeunes le sens de l’engagement que nous incarnons ». Son mandat sera aussi marqué par les élections des Chambres d’agriculture, en janvier 2025, pour lesquelles les JA feront une nouvelle fois liste commune avec la FNSEA. Sur le fond, lors de l’annonce de sa candidature fin mai, Pierrick Horel mettait en avant « les questions de revenus et plus largement les nouveaux profils d’agriculteurs », ainsi que les « valeurs de l’exercice du métier et de la dignité ». Il succède à Arnaud Gaillot, éleveur bovin du Doubs, qui n’a pas souhaité se représenter à la fin de son mandat. Quant au nouveau secrétaire général, il s’agit de Quentin Le Guillous, qui était lors du mandat précédent secrétaire général adjoint, en charge de l’environnement et des filières.