Chambre d'agriculture
Difficile de savoir à quoi s'attendre pour la récolte

Christopher Levé
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Lors de la session de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, qui a eu lieu le jeudi 6 juin, à Auxerre, le sujet des aléas climatiques et ses conséquences sur les productions agricoles a longuement été abordé. Car ce qui inquiète le monde agricole, c’est l’incertitude concernant la récolte à venir qui touche la quasi-totalité des productions et des cultures.

Chambre
Arnaud Delestre, président de la Chambre d'agriculture de l'Yonne.

Comme l’a rappelé Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, dans son discours : « L’agriculture est actuellement marquée par les aléas météorologiques à l’échelle mondiale, française et icaunaise, avec des épisodes d’inondations, de gel, de grêle ou de sécheresse impactant la plupart des productions ».
Dans l’Yonne, les agriculteurs peinent à avancer sur le calendrier des semis et des récoltes de fourrage, et les viticulteurs ainsi que les polyculteurs éleveurs ont subi de plein fouet les épisodes successifs de gel et de grêle.
Au printemps, les pluies étaient abondantes dans le département, provoquant des inondations sur les bassins du Serein et de l’Armançon, avec pour conséquence une humidité permanente dans les sols. « Les aléas climatiques ont eu des impacts conséquents sur les productions agricoles, notamment sur les zones inondées et les parcelles ayant connu des épisodes de gel ou des couloirs de grêle. Localement, on déplore une destruction complète des cultures sur certaines parcelles situées sous les couloirs de grêle entre le Chablisien et le Pays d’Othe, et entre Joigny et Pont-sur-Yonne. Orge, colza, fraises ou productions horticoles ont été hachés par la violence des grêlons ».
Aussi, si les températures étaient globalement élevées en début d’année, malgré un ciel gris, un refroidissement est observé depuis fin avril. « Des incertitudes demeurent sur les conséquences de la diminution des températures et des faibles rayonnements sur la fertilité des cultures, en particulier des céréales ».

Près de 2 000 ha de vigne touchés

En viticulture, dans l’Yonne, si les pertes dues au gel sont négligeables à l’échelle du vignoble, le phénomène a pu occasionner des dégâts très importants chez certains vignerons. Mais ce sont les épisodes de grêle qui ont eu les impacts les plus préjudiciables. « L’orage principal du 1er mai a détruit la végétation sur environ 400 ha du Chablisien et a touché, à des degrés divers, plus de 1 000 supplémentaires autour de l’épicentre », rapporte Arnaud Delestre. « Même pour les parcelles sur lesquelles les dégâts de grêle n’ont pas été trop importants, les conditions météorologiques déplorables d’avril et mai conduisent à s’interroger sur le taux de nouaison des vignes et donc sur le volume de récolte potentiel ».
Tandis qu’à la fin mars, le débourrement de la vigne était particulièrement précoce, il y a désormais pris presque trois semaines de retard sur le développement des raisins, en projetant un millésime plus tardif que la moyenne des 20 dernières années.
En grandes cultures, « le temps humide qui dure depuis l’automne a rendu les interventions dans les champs très difficiles et a dégradé le potentiel des parcelles les plus hydromorphes. Dans certains cas, aucune intervention n’a pu être faite depuis les semis. Les pluies ont entraîné des difficultés de reprise des parcelles en sortie d’hiver en raison d’un ressuyage lent, empêchant certains agriculteurs de rentrer dans leurs champs afin de maîtriser les adventices ». Des conditions favorables au développement des maladies, même si la gestion est globalement bonne dans l’Yonne.
Cependant, la pression insectes, elle, est bien là, et d’importants dégâts ont été observés localement causés par des zabres et des taupins. « Autre risque pour les cultures : les fortes pluies et les orages fréquents ont pu également favoriser les phénomènes de verse », précise le président de la Chambre.
En orge de printemps, les cultures présentent des stades très divers avec certaines parcelles qui n’ont pas pu être semées. Tandis qu’en maïs, des inquiétudes existent sur la capacité de toutes les parcelles à être semées et sur les conséquences de ce manque potentiel pour les éleveurs et les producteurs concernés.

Des retournements de parcelles

Au niveau des oléoprotéagineux, l’état végétatif est globalement bon pour l’heure, malgré une forte pression due aux maladies à certains endroits. « Dans certaines parcelles, l’excès d’eau a conduit les agriculteurs à procéder à des retournements en raison de la disparition des pieds, annulant ainsi tout le travail précédemment engagé dans l’espoir de pouvoir y implanter une nouvelle culture. Du côté de la pression insecte, les colzas ont globalement été peu touchés ce printemps », note Arnaud Delestre.
Concernant les pois d’hiver, « on observe des situations très contrastées avec certaines parcelles en pleine floraison, tandis que d’autres semblent compromises en raison de maladies arrivées précocement (anthracnose et bactériose). À l’heure actuelle, les conditions de culture sont correctes pour les pois de printemps semés en mars ».
Enfin, en tournesol, les semis ont également tardé en raison de l’humidité des sols et des températures basses de la fin avril. « Localement, les orages de mai ont occasionné des dégâts de ruissellement. La pression ravageurs (pigeons et corbeaux notamment) est non négligeable. Des ressemis sont donc en cours ce qui augure des récoltes tardives ».
Lorsque les cultures prévues initialement n’ont pas pu être semées, ce qui a été le cas en orge, pois, maïs ou tournesol, certains agriculteurs se sont tournés vers d’autres espèces ou malheureusement la mise en jachère.
À noter que des missions d’expertise, sous la responsabilité de la DDT, sont en cours afin d’évaluer les dégâts. À ce titre, plusieurs collaborateurs de la Chambre d’agriculture sont mobilisés pour des visites sur le terrain. Selon les expertises, l’indemnité de solidarité nationale (ISN) pourrait être déclenchée.