Geda de la Tille
Les vertus de l'intelligence collective et partagée

Berty Robert
-

Le 6 décembre à Savigny-le-Sec, au nord de Dijon, on célébrait les 40 ans de la création du Geda de la Tille. Ce groupe d'étude et de développement n'a cessé d'explorer des pistes, constituant un terrain d'expérimentations qui intéresse aussi les chercheurs.

Les vertus de l'intelligence collective et partagée
Les cinq présidents qui se sont succèdés en 40 ans à la tête du Geda de la Tille (de gauche à droite) : Sylvain Degret, Pascal Tatigny, Vincent Lavier, François Chevalier et Bernard Darosey.

Vendredi 6 décembre, c'était soir de fête à la salle polyvalente du village de Savigny-le-Sec, au nord de Dijon. On fêtait là un anniversaire : les 40 ans du Groupe d'études et de développement agricole (Geda) de la Tille. Un groupe qui fédère aujourd'hui 26 exploitations mais qui en a compté jusqu'à 40. Cette baisse s'explique par le fait que plusieurs agriculteurs, qui avaient été là à la fondation, sont depuis partis en retraite et leurs successeurs n'ont pas toujours fait le choix de s'impliquer dans le groupe. Mais l'esprit du Geda de la Tille est encore bien là, fidèle à la philosophie mâtinée de curiosité et d'envie de partage qui animait les fondateurs en 1984, autour de leur premier président, François Chevalier. Il y en a eu quatre autres depuis : Vincent Lavier (1994-2003), Pascal Tatigny (2004-2009 et à nouveau depuis 2019), Bernard Darosey (2010-2015) et Sylvain Degret (2016-2019). Tous étaient présents pour cette soirée d'anniversaire.

« ça ouvre un tas d'horizons »

« Personnellement, explique Pascal Tatigny, l'actuel président, je me suis installé en 1987 et j'ai fait le choix de rejoindre le Geda en 1994, parce que je voulais m'informer sur des plans techniques, sur les pratiques agricoles, sur des volets économiques. C'est Vincent Lavier qui m'en a fait découvrir le fonctionnement. J'ai tout de suite trouvé ça intéressant parce qu'on travaille sur différents aspects, économiques mais aussi sociaux. On s'intéresse aux marchés, à l'agronomie, à l'agroécologie, aux aspects environnementaux… ça ouvre un tas d'horizons autour de l'agriculture et ça permet d'échanger avec des collègues de tous âges, qui travaillent de manières diverses et sur des surfaces différentes. Le plus important dans un Geda, c'est la diversité ! » En quarante ans, le Geda de la Tille a emprunté bien des chemins, qui ont parfois mené à des impasses, mais l'essentiel est d'essayer, d'apprendre et de tirer des enseignements des échecs comme des succès. C'est l'idée même sur laquelle repose ce type de groupement et à laquelle François Chevalier, celui qui a « allumé la mèche » est toujours très attaché. Une philosophie qui suscite aussi de l'intérêt au-delà du groupe d'agriculteurs concerné. Une table ronde organisée lors de cette soirée anniversaire le prouvait : Bruno Chauvel, chercheur à l'Inrae, Diane Chavassieux, ingénieure chez Arvalis, François Depuydt, le directeur de la Chambre d'agriculture de Côte-d'Or et Alessandra Kirsch, directrice du cercle de réflexion agricole Agriculture et Stratégie sont toutes et tous venus apporter leurs témoignages sur l'intérêt qu'elles ou ils trouvent à travailler avec ce type de groupement. Chercheurs, Chambres ou instituts techniques trouvent là un excellent terrain d'expérimentation et d'observation, qui plus est, en cohérence avec des objectifs économiques rationnels. Les agriculteurs en question ne font pas de la recherche fondamentale, leurs tentatives doivent, autant que possible, ne pas mettre en péril l'équilibre économique de leurs exploitations.

Amener la science sur le terrain

L'avancée sur cette ligne de crête est, certes, parfois stressante mais aussi riche d'enseignements. Dans la relation, les bénéfices sont mutuels puisque les chercheurs, conseillers ou ingénieurs participent aussi à l'évolution du regard des agriculteurs sur leurs pratiques. « En 2004, précise Pascal Tatigny, j'ai souhaité ouvrir un dialogue avec ces organismes parce que nous avons le côté « pratico-pratique » des choses mais eux nous apportent le regard de la science et nous trouvions que cette science était justement trop derrière les portes de ses bureaux, et pas assez sur le terrain. » Ainsi, par exemple, parmi les temps forts de l'existence du Geda de la Tille, l'année 2007 est à marquer d'une pierre blanche : cette année-là, 40 ingénieurs de l'Inra avaient répondu à l'invitation du groupe pour une journée technique à Chaignay, près d'Is-sur-Tille. Pour l'avenir, alors que l'agriculture est plongée dans une période de profonde remise en question, entre changement climatique, réduction des possibilités d'utilisation de produits phytosanitaires et d'intrants, attentes sociétales et impératifs d'une concurrence internationale, le Geda aura-t-il encore un rôle à jouer ? Pour son actuel président, cela ne fait aucun doute : « Il aura un rôle à jouer sur les nouveaux enjeux, liés aux productions énergétiques, à l'alimentation, aux questions sociales et environnementales. Nous avons encore besoin d'échanger sur ces questions, entre agriculteurs, mais aussi, plus largement, avec les citoyens. La création, récemment d'une section des Jeunes Agriculteurs sur le canton d'Is-sur-Tille me donne de l'espoir là-dessus, pour que les choses perdurent. L'agriculture est confrontée à des situations de plus en plus complexes, mais c'est un secteur qui a toujours su s'adapter, se renouveler, innover, et les Geda y sont pour quelque chose. »