Coopération internationale
Six Tchadiens en études longues à Fontaines

Cédric Michelin
-

Six étudiants tchadiens ont fait leur rentrée au lycée agricole de Fontaines, en Saône-et-Loire. Ils portent une partie de l’avenir des filières agricoles de leur pays. Encadrés par la Chambre d’agriculture, ils effectueront des stages dans des exploitations du Clunisois. Une première en France qui a aussi beaucoup à apprendre d’eux.

Six Tchadiens en études longues à Fontaines
La délégation d'étudiants tchadiens, reçue au lycée agricole de Fontaines, était accompagnée de l'entrepreneur et ancien ministre de l'Elevage Amir Adoudou Artine.

Les six élèves venus du Tchad n'ont que 20 ans mais savent déjà qu’ils veulent développer l’agriculture de leur pays et « créer des emplois » puisque tous ont la fibre entrepreneuriale. Devant une trentaine d’agriculteurs, d’élus et techniciens venus à Fontaines fin août pour faire la visite du lycée, de l’internat, de l’exploitation, chacun d’eux a livré un petit bout du rêve qui les anime. « Il n’y a pas de mot pour dire la chance d’être en France. Merci infiniment ! », remerciait Alain Doumram, comme ses cinq camarades. Il entre en formation production animale. Au Tchad, il travaille dans une animalerie mais « la pratique reste toujours fragile alors que la France est mûre dans ce domaine ». Il se voit déjà, améliorer les races locales. Le Tchad est sur « un autre concept d’élevage avec 100 millions de têtes de ruminants, mais qui ne nourrissent pas les hommes ». Car comme le disait le jeune fils d’agriculteurs Abel Allarassem Kosmadje, « nous n’avons pas les moyens ou les compétences ». Pourtant, il ne baisse pas les bras et veut devenir chef de production agricole ou conseiller agricole. Pour cela, il intègre un BTS Acse. 

L'agriculture, mal connue

En toute franchise, Ngueodjingaye Rimasta, qui lui, fera aussi une formation production animale, trouve que dans son pays, bien trop de jeunes connaissent mal l’agriculture et veulent rentrer dans la fonction publique. À l’image de nos jeunes en filières agricoles, ces jeunes Tchadiens ont déjà un regard sur le monde particulièrement vif. Justine Boido Zara va intégrer le Certificat de spécialisation Production,Transformation et Commercialisation des produits fermiers, en apprentissage d’un an. « L’élevage est la deuxième source de revenu tchadienne, mais elle est négligée. En élevage pourtant, tu peux être autonome, être ton propre entrepreneur et même embaucher d’autres jeunes et ainsi réduire le taux de chômage ». Thierry Nang Adoumandji, issu d’une famille d’agriculteurs, a déjà une licence agroalimentaire et a travaillé dans un abattoir, dans un élevage de chèvres et de volailles ou en maraîchage. Il se décrit comme « un jardinier dans l’élevage » et intègre le BTS Acse pour s’installer et réaliser son projet au Tchad. Ancien président du Parlement des enfants du Tchad, Josué Mbainaissem Rimbar sort d’une business school et voit déjà « le potentiel énorme » pour développer l’export dans les autres pays sahéliens. Il intègre un BTS Acse pour se perfectionner. La délégation tchadienne a profité du tour de l’exploitation du lycée agricole pour poser de nombreuses questions sur les savoir-faire, les matériels, la commercialisation… 

Découverte d'un écosystème

Le directeur de l’exploitation, Thomas Bonnefoy, leur a expliqué le modèle technico-économique, bien inséré dans le collectif local, avec l’adhésion à des Cuma, la commercialisation via une coopérative ou le magasin. Après la visite de Fontaines, les six jeunes sont partis à la découverte d’Elva Novia, de la filière génétique charolaise chez le président de Charolais France, Hughes Pichard, à l’EDE pour voir comment la traçabilité peut apporter de la confiance et donc de la valeur ajoutée. La présidente de Fontaines Sud Bourgogne, Anne Gonthier, les a reçus sur l’exploitation de ses fils pour voir un élevage laitier typique du département avec production de céréales. L’occasion pour elle de montrer un exemple de transmission, mais aussi comment les « femmes, agricultrices, ont toutes leurs places dans les exploitations et sont reconnues dans les organisations professionnelles ». Au Tchad, les agriculteurs ont beaucoup de connaissances empiriques, basées sur leurs expériences et transmission ancestrale, mais pour passer un nouveau cap, ils veulent y ajouter « ce qui marche ici, sans forcément réinventer la roue ». Cette « transition », comme l’appelle de ses vœux Amir Adoudou Artine, entrepreneur tchadien et ancien ministre de l'Élevage, qui accompagnait cette délégation, se fera à partir des étudiants qui « feront tache d’huile » dans son pays. Un cercle vertueux que tout le monde souhaite, sans sous estimer l’ampleur du défi à relever. « Ce seront deux années de sacrifice. Sans pouvoir vous perdre dans les lumières de la France. Mais, vous n’en serez que plus heureux », concluait-il en guise d’objectif final.