Agrivoltaïsme et photovoltaïque au sol
Où en est-on des différentes réglementations ?

Christopher Levé
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Dans le monde agricole, les projets de photovoltaïque au sol et d'agrivoltaïsme font souvent débat. Pour les encadrer et surtout les différencier, certaines réglementations ont été établies, d'autres sont toujours en cours, tant au niveau national que départemental. Voici quelques éléments pour comprendre où est-ce qu'on en est.

Agrivoltaisme
La notion d'agrivoltaïsme est apparue avec la loi APER du 10 mars 2023.

Arnaud Delestre, président de la Chambre d’agriculture de l’Yonne, le rappelle, « la première doctrine de la Chambre date de novembre 2019 pour le photovoltaïque au sol, où une position avait été prise à l’unanimité des quatre syndicats agricoles (FDSEA, JA, Confédération paysanne et Coordination rurale) qui l’autorisait sur terres agricoles dans un certain cadre : que les projets soient réservés aux terres à faible potentielle classée 3 et 4 (dans un premier temps, puis classées 4 après décision du préfet de l’époque) et limités à 10 ha par exploitant ».
Le photovoltaïque au sol a longtemps été indissocié de l’agrivoltaïsme. Cette notion apparaît d’ailleurs depuis le 10 mars 2023 par la loi APER (accélération de la production d’énergies renouvelables) et est précisée dans le décret du 8 avril 2024. Ainsi, est considérée comme agrivoltaïque une installation qui apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomique, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l’amélioration du bien-être animal ; en garantissant à un agriculteur actif une production significative et un revenu durable en étant issu.
Dans le même temps, ne peut pas être considérée comme agrivoltaïque une installation qui porte une atteinte substantielle à un des quatre critères précédents ou qui soit ne permet pas à la production agricole d’être l’activité principale de la parcelle agricole, soit n’est pas réversible. « Ce que l’on veut, c’est que l’agriculteur pilote l’énergie. C’est-à-dire que si la culture a besoin de soleil, qu’il puisse escamoter les panneaux pour que la culture soit prioritaire », précise Arnaud Delestre.
Quant au photovoltaïque au sol, un décret national a donné neuf mois aux Chambres d’agriculture (jusqu’en janvier 2025) pour établir un document cadre, « c’est-à-dire une cartographie précisant les parcelles sur lesquelles on pourra encore installer du photovoltaïque au sol ». Si la méthodologie est nationale, elle sera déclinée dans chaque département.

Un décret d’application

Suite à la loi APER, le décret d’application en date du 8 avril (à retrouver en ligne sur le site Légifrance) précise les conditions de mise en place des projets agrivoltaïques et du photovoltaïque au sol sur terrains naturels, agricoles et forestiers. Il complète le cadre de l’implantation des installations de production d’énergie photovoltaïque et explicite ainsi plusieurs éléments posés par le règlement national d’urbanisme concernant les installations photovoltaïques compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière. Il adapte aussi le régime des autorisations d’urbanisme relatives aux projets d’ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire et complète la définition et les principes de l’agrivoltaïsme. Les modalités de contrôle et de sanctions en matière d’installations agrivoltaïques, d’installations photovoltaïques compatibles avec les activités agricoles devront être précisées à l’avenir.
Comme le souligne Arnaud Delestre, « sur l’agrivoltaïsme, ce que l’on veut éviter, ce sont les projets alibis, avec une poignée de moutons sous des panneaux, par exemple. Les panneaux ne doivent d’ailleurs pas dépasser une couverture de 40 % de la surface totale du projet, c’est ce que dit la loi APER ».

L’élaboration d’une doctrine professionnelle départementale

Désormais, le monde agricole travaille sur l’établissement d’une doctrine professionnelle départementale, concernant l’agrivoltaïsme. « Ce qui ressort pour le moment c’est qu’un projet agrivoltaïsme doit s’appuyer sur une étude de potentialité des sols et s’implanter sur des sols à faibles potentiels. Cela concernerait notamment les terres de catégorie 3 et 4 », rapporte Arnaud Delestre. Dans le cas d’une pluralité de types de sols sur chaque îlot concerné par le projet, les critères cumulatifs de classification devraient concerner plus de 50 % de la surface du parcellaire. La possibilité de projets agrivoltaïques sur des terres à meilleur potentiel pourrait être acceptée pour des productions de type maraîchage.
Autre point de la doctrine en cours d’élaboration, la puissance maximale par exploitation reste à définir. Aussi, « la doctrine parle aussi de garantir la protection du fermier. C’est important de le protéger en mettant en place rapidement le bail agrivoltaïque, pour permettre le maintien du statut du fermage, à travers la signature d’un bail agrivoltaïque. Aussi, dans ce cadre-là, il doit y avoir une transmission assurée, si l’exploitant à 57 ans ou plus ». Dans ce cas, la procédure de transmission doit être réfléchie et décrite afin qu’un exploitant actif soit présent à la mise en fonctionnement de l’installation (un projet peut mettre 7 à 8 ans pour sortir de terre).
La doctrine prévoit aussi une partie sur les garanties financières de démantèlement des panneaux. « Dans le contrat opérateur/propriétaire, le démantèlement doit être clairement indiqué à la charge de l’opérateur et non du propriétaire ».
Enfin, un autre point met en avant le fait de garantir la réalité de l’agrivoltaïsme. « Ce que l’on veut, c’est que les membres de la CDPENAF aient des éléments clairs sur lesquelles ils peuvent se baser lorsqu’un projet arrive devant eux, pour définir si c’est réellement un projet agrivoltaïque. L’étude préalable agricole doit définir de façon précise le projet en précisant les éléments suivants : une délimitation du territoire concerné, l’été initial des productions agricoles et l’évolution liée au projet, le nombre d’exploitations concernées avec leurs statuts et surfaces concernées par le projet, la justification du respect des critères définissant l’agrivoltaïsme, la justification d’une production agricole principale sur la ou les parcelles du projet, des références agronomiques et économiques de l’exploitation concernée, une étude pédologique précisant la potentialité des sols, la description du suivi agronomique prévu, le type de contrat liant l’opérateur aux propriétaires et fermiers, l’étude des impacts du projet sur l’économie agricole, la définition des mesures d’évitement et de réduction, les mesures de compensation collective agricole, et une étude technico-économique précisant les productions avant et après projet », liste Arnaud Delestre.
Pour le monde agricole icaunais, l’idée est qu’une position soit arrêtée le 19 septembre concernant la doctrine. Cela semble pour l’heure en bonne voie.