Florence Lemaire, Sophie Chainey et Nadine Jeannin sont à la tête de trois établissements d’enseignement agricole en Côte-d’Or. Portraits.
Florence Lemaire, au lycée La Barotte de Châtillon-sur-Seine : la fibre agricole.
Florence Lemaire est à la tête du lycée de Châtillon-sur-Seine, depuis septembre 2020. Cette femme de 56 ans, mariée et mère de quatre filles, a beaucoup « bougé » durant sa carrière, avec des missions éducatives dans l’Aisne, les Pyrénées-Orientales, la Dordogne, la Haute-Garonne et les Landes, avant d’arriver en Côte-d’Or. Elle est originaire du Val-de-Marne, en région parisienne, et n’est pas issue du milieu agricole. C’est pourtant dans une ferme que cette passionnée de vaches laitières voulait initialement travailler : « Je l’avais annoncé à mes parents dès l’âge de 10 ans ! J’étais en vacances en famille en Savoie et je passais mon temps à traire les vaches… De là est née cette envie d’en faire mon métier ». Titulaire d’une licence Administration économique et sociale (AES), Florence Lemaire va mettre une première fois « les pieds » dans le monde agricole, ou plutôt para-agricole, en devenant professeure de zootechnie, dès la fin de ses études : « un poste était vacant dans l’exploitation du lycée de Crézancy, dans l’Aisne, près de Château-Thierry, là où je venais d’obtenir mon diplôme. J’ai sauté sur l’occasion ! ». Après plusieurs postes et évolutions professionnelles, elle dirige aujourd’hui La Barotte, un établissement comptant 190 lycéens et 60 apprentis : « nous recevons également des stagiaires adultes, 40 000 heures d’enseignement sont au programme chaque année. Autre point important : 96 personnes travaillent dans notre enceinte, entre les agents titulaires, contractuels et de droit privé ». Une anecdote, un souvenir, un fait marquant sur son métier ? Florence Lemaire cite l’aventure du Trophée international de l’enseignement agricole (TIEA), organisé dans le cadre du Salon de l’Agriculture à Paris : « nous allons participer pour la troisième fois consécutive avec nos étudiants, c’est à chaque fois une très grande aventure humaine ! Ce trophée n’existait pas à l’époque : c’est dommage, j’aurais adoré participer quand j’étais jeune ». Dernier point abordé avec la directrice : ses impressions et son analyse devant la baisse du niveau scolaire dans l’Hexagone. Florence Lemaire reconnaît une lacune nationale : « c’est malheureusement une triste réalité… Le Covid et ses confinements n’ont bien sûr rien arrangé à la situation… Une des causes du problème, à mon avis, vient de la base : les redoublements ont quasi disparu, passer en classe supérieure est devenu systématique, dès le primaire. Il y a sans doute des choses à faire dans ce domaine, les mesures récemment évoquées par le ministre semblent aller dans le bon sens ».
Sophie Chainey, Maison familiale rurale de Quetigny : elle connaît la maison !
Sophie Chainey habite à seulement cinq minutes à pied de la MFR de Quetigny, en périphérie de Dijon, établissement qu’elle fréquente depuis plus de 20 ans. À l’époque, cette passionnée d’histoire, d’archéologie et de lettres était arrivée en tant que simple stagiaire au Centre de documentation et d’information (CDI). La Côte-d’orienne a pris des responsabilités au fil du temps, en devenant successivement formatrice, coordinatrice pédagogique puis directrice depuis 2014. Prendre les rênes de la MFR à seulement 34 ans a été un « sacré » challenge à relever, d’autant que Sophie Chainey ne se destinait pas à devenir directrice d’école : « Je me voyais davantage enseignante, voire même archéologue ! J’ai d’ailleurs assuré plusieurs missions dans des musées et dans la conservation du patrimoine dans le passé. Mais par un concours de circonstances, j’ai découvert l’univers passionnant des MFR où je suis finalement restée. J’ai obtenu une licence en gestion des entreprises et en management, ce qui m’a permis d’ouvrir des portes et d’évoluer au fil des années ». La MFR de Quetigny compte actuellement 30 salariés et plus de 230 apprenants. Tous types de formations y sont proposés, de la 4è au BTS. Interrogée à son tour sur la baisse générale du niveau scolaire dans le pays, elle se veut tout sauf fataliste : « c’est un fait, il y a des problèmes dans les savoirs de base… Mais à mon avis, nous ne sommes qu’aux prémices de ce phénomène, il est encore temps d’agir et de retravailler notre pédagogie… De notre côté, dans les maisons familiales, nous avons la possibilité d’innover dans les pratiques. Je pense bien évidemment à l’alternance qui est notre fil directeur. Tout comme Nadine Jeannin, de la MFR de Pouilly-en-Auxois (voir ci-après), j’étais du voyage en Estonie il y a deux ans, sur cette thématique du niveau scolaire. Même si tout n’est pas transposable chez nous, nous devons nous inspirer des pratiques qui fonctionnent ailleurs, notamment en Estonie où l’enseignement est d’un haut niveau ». La directrice de la MFR de Quetigny espère, dans le même temps, une « remise en question » du système éducatif français : « les propositions de Gabriel Attal, qui souhaite remettre des heures supplémentaires aux jeunes qui sont en difficulté, ne sont pas les meilleures des idées selon moi. Il faudrait plutôt œuvrer pour redonner du sens à l’enseignement, redonner aussi confiance aux jeunes pour affronter ces difficultés… Nous avons encore beaucoup à faire dans ce domaine, à mon humble avis ».
Nadine Jeannin, Maison familiale rurale de Pouilly-en-Auxois : The teacher of MFR.
Nadine Jeannin, 48 ans, est directrice de la Maison familiale rurale Auxois sud-Morvan, à Pouilly-en-Auxois. Cette habitante du village de Gémeaux, près d’Is-sur-Tille, au nord de Dijon, occupe ce poste depuis 2018. L’établissement recense 140 apprenants et 22 salariés, pour 16,2 équivalents temps plein. À la base, Nadine Jeannin ne se destinait pas forcément à diriger un tel établissement : « Depuis le collège, j’avais une idée en tête : être prof d’anglais ! J’ai d’ailleurs suivi des études pour le devenir en allant jusqu’au Master. À la sortie de la faculté, je suis allée à Dublin, en Irlande, enseigner le français et parfaire mon anglais dans le même temps ». La Côte-d’orienne est ensuite rentrée en France, dans son département d’origine, en décrochant un poste de monitrice à l’ancienne MFR de Fauverney. « J’y suis restée une douzaine d’années. En parallèle, je me suis formée pour prétendre à un poste de direction. Mon premier emploi dans ces nouvelles fonctions a débuté dans la foulée à la MFR de Vertus, dans la Marne. Une décennie s’est passée et je suis arrivée à Pouilly ». Nadine Jeannin prend aujourd’hui plaisir à recroiser d’anciens apprentis de la MFR de Fauverney : « il est très sympa de les revoir vingt ans après ! Certains sont aujourd’hui maîtres de stage ou d’apprentissage, d’autres ont leurs enfants ici ». Interrogée sur la baisse du niveau scolaire en France, Nadine Jeannin fait aussitôt écho à une mobilité Erasmus organisée il y a deux ans en Estonie : « notre niveau scolaire était justement le sujet abordé, sachant que l’Estonie est en tête du classement européen… La France continue de plonger, nous devons être à la 26è place sur 32 si ma mémoire est bonne… L’encadrement et l’accompagnement de l’enfant dès son plus jeune âge expliqueraient en partie ce que nous déplorons dans notre pays. Chez nous, dès deux mois et demi, l’enfant est mis dans un collectif, la crèche, par exemple. Les parents ne sont pas toujours aussi disponibles qu’avant. Cela ne serait pas sans conséquences. En Estonie, un dispositif financé par le gouvernement permet aux parents de rester vers leur enfant jusqu’à trois ans. L’école, elle, ne commence qu’à sept ans. Dans tous les cas, les raisons d’un tel déclin sont multifactorielles, mais ces dernières observations méritent d’être considérées ».