Évolution
Les filles se font une place dans l'enseignement agricole
En moins de 50 ans, les filles sont devenues majoritaires dans l’enseignement agricole, en s’appuyant parfois sur des capacités d'adaptation fortes. Toutefois, des disparités subsistent dans la répartition des filières.
« Aujourd’hui, les filles ne représentent plus des effectifs marginaux ». Tout comme Matthieu Prevost, proviseur du lycée agricole Olivier de Serres d’Aubenas (Ardèche), de nombreux directeurs d’établissements d’enseignement agricole constatent une véritable évolution, voire une révolution, en matière de mixité dans leur établissement. Ainsi, à Aubenas, on compte cette année 198 filles pour 172 garçons. « Sur l’ensemble de l’établissement, on dénombre environ 60 % de filles », constate de son côté Jean-Yves Charvin, directeur du lycée agricole des Sardières à Bourg-en-Bresse (Ain). Du côté du lycée Bel-Air à Belleville-en-Beaujolais (Rhône), établissement spécialisé en viticulture, à peu près la moitié des effectifs seraient féminins. Un constat régional qui n’est pas si surprenant lorsque l’on regarde les chiffres nationaux. Ainsi, selon Marie Pannetier, chargée de mission Aides sociales, Égalité et Diversité à la Direction générale de la recherche et de l’enseignement du ministère de l’Agriculture : « On connaît une évolution positive de la place des filles dans l’enseignement agricole. En 1975, 20 % des étudiants de l’enseignement supérieur agricole long (études agronomiques, vétérinaires et de paysage) étaient des femmes. En 2020, elles représentaient 62 % des effectifs. S’agissant de l’enseignement technique, à la rentrée 2020, les filles représentaient 48,6 % des effectifs des élèves, des apprentis et des étudiants de l’enseignement supérieur agricole court (BTSA). »
Évolution rapide
Une féminisation qui se vérifie sur le terrain. « Nous arrivons à un point de bascule. Nous ne sommes plus sur des dynamiques genrées, indique Matthieu Prevost. Il y a 15 ans, nous nous intéressions déjà à cette problématique. Mais cela restait difficile pour les filles. » Alors enseignant en filière paysage, il se souvient que les entreprises prenaient alors peu de mesures pour favoriser l’intégration des femmes, que ce soit en termes de vestiaires, d’habillement ou d’équipement, de port de charges… « Les élèves stagiaires filles devaient alors développer des stratégies, par ailleurs très intéressantes, pour s’adapter et faire leur place. » « La société a évolué. Il y a moins de comportements machistes », explique Thibault Gauthier, directeur du lycée Bel-Air. Comme lui, les chefs d’établissement soulignent l’importance des témoignages de professionnels et de parcours d’installation, de plus en plus féminins. « C’est très important pour une jeune fille de voir que c’est possible, à travers les multiples exemples de trajectoires d’agricultrices », estime ainsi Matthieu Prevost. Par ailleurs, là où il y a quelques dizaines d’années, il était plus difficile pour une fille que pour un garçon de trouver un stage, les professionnels ouvrent aujourd’hui volontiers leurs portes. « D’autant plus dans un contexte de crise des vocations, affirme Thibault Gauthier. Nous avons autant besoin des filles que des garçons pour assurer le renouvellement des générations. » Autre évolution majeure en la matière : la mécanisation et les avancées techniques, qui rendent les métiers agricoles moins pénibles physiquement.
Des filières privilégiées
Si tous s’accordent à constater de grandes améliorations en termes de mixité, un bémol subsiste : la répartition par filière. « Les filières de production sont plus masculines », se désole ainsi le directeur du lycée de Belleville-en-Beaujolais. Ainsi, en CAP Vigne et vin, il ne compte cette année que deux filles pour quinze garçons. À l’inverse, la filière de technicien Conseil-Vente en alimentation et boissons (orientée œnologie) attire beaucoup plus les filles. La faute aux « représentations », estime-t-il. À Aubenas, les filières de production, qui sont plus orientées vers l’élevage, atteignent la mixité. « En revanche, nous avons des filières où les filles sont généralement surreprésentées, comme le bac général ou la filière service à la personne », explique Matthieu Prevost. Au lycée des Sardières, « les filières de production agricole comptent entre 30 et 40 % de filles alors que la filière vétérinaire dépasse les 80 %. Et en agroéquipement, on en trouve entre 10 et 20 % seulement, en fonction des années », détaille le directeur qui termine par une note d’espoir : « Petit à petit, les filles investissent également ces filières ».