Aléas climatiques
Des charges supplémentaires à prévoir pour les éleveurs
Le président de la coopérative Alysé, Nicolas Michaud, prévient : les conditions climatiques de cette année 2024 auront des conséquences économiques importantes pour bon nombre d'éleveurs.
La fin d’hiver et le printemps 2024 ont été extrêmement pluvieux. Toutes les récoltes de fourrages (ensilage, enrubannage et foin), mais aussi le pâturage, ainsi que les semis de maïs ont été très fortement perturbés. Si la quantité récoltée de fourrage est globalement satisfaisante, la qualité, quant à elle, est très hétérogène, en grande majorité plutôt médiocre. Les céréales ont également souffert. Après des semis automnaux difficiles, voire partiels dans certains secteurs, la pluviométrie a également sévi, impactant les moissons. Là aussi, les rendements sont altérés et les qualités détériorées. Fort de ce constat sévère, les éleveurs devront assurer des apports supplémentaires de concentrés, riches en énergie et azote, afin d’équilibrer les rations, ceci entraînant des charges supplémentaires pour les élevages de notre territoire. Avec un mois de mars doux et pluvieux, la végétation avait pris de l’avance et les éleveurs étaient impatients de sortir les animaux. Cependant, les sols manquaient alors déjà de portance.
Printemps particulièrement pluvieux
Le mois d’avril a connu un répit dans les précipitations, permettant aux éleveurs de récolter leur ensilage avec parfois des difficultés de portance, et de sortir relativement tardivement les animaux dans l’attente d’une amélioration de la portance des sols. En fin de mois, plusieurs jours de gel ont temporairement stoppé la pousse de l’herbe et entraîné une baisse conséquente de sa qualité. Le printemps a été particulièrement pluvieux en mai et juin : entre 250 et 300 mm dans l’Yonne (+125 %), des précipitations locales excessives (jusqu’à 60 mm en quelques heures), en moyenne 18 jours sans pluie sur ces 2 mois et seulement 1 à 2 créneaux de 3 jours sans pluie, enfin, un ensoleillement nettement déficitaire (30 à 35 % de moins). Ces pluies incessantes de mai et juin ont conduit à l’obtention de sols gorgés d’eau et un manque accru de portance. Associées au manque de « fenêtre météo », les fauches de printemps se sont faites dans de très mauvaises conditions (avec des équipements et matériels fréquemment embourbés) ou ont été retardées, occasionnant une perte conséquente de qualité des fourrages récoltés. 40 % des éleveurs n’ont pas pu récolter leur surface prévue en enrubanné. Au niveau du pâturage, certains animaux ont été sortis puis parfois rentrés en cours de printemps face à des sols beaucoup trop humides. Certains cheptels laitiers sont sortis partiellement au gré des épisodes de fortes pluies.
Transitions alimentaires perturbées
Les transitions alimentaires se sont vues très perturbées, impactant la production. Début juillet, 18 % des éleveurs n’avaient récolté aucun fourrage tandis que seulement 40 % d’entre eux avaient récolté moins de 50 % de la surface prévue en foin. L’essentiel des travaux de foin a été réalisé entre la mi-juillet et la fin août, et certaines parcelles n’ont pas pu être récoltées faute de portance. Parallèlement les semis de maïs ont été également perturbés et se sont étalés de fin avril à début juillet ! 24 % des éleveurs n’ont pas pu implanter la surface prévue. Certains semis suivis de fortes pluies ont enregistré des défauts de levées. La croissance des maïs est très hétérogène avec des levées plus ou moins importantes et le développement plus ou moins riche d’épis de maïs. Les chantiers d’ensilages ont pris du retard, débutant début septembre, et vont durer jusqu’à fin octobre. Quant aux qualités de maïs récoltés, les situations risquent d’être très disparates au gré des dates de semis, des types de sol ou encore de la pluviométrie enregistrée. Les analyses de fourrages seront d’autant plus importantes cette année afin d’appréhender au mieux la qualité de ces derniers pour un bon équilibre des rations. Enfin, les semis d’automne 2023 ont été particulièrement humides, une part des agriculteurs n’a pas pu emblaver certaines surfaces de céréales. Là aussi, la météo a marqué les croissances et les récoltes, altérant les rendements et les qualités de céréales récoltées cette année. De plus, malgré des moissons complexes, les prix des céréales ne sont pas flamboyants ; les revenus des moissons 2024 seront donc bien modestes. Les aléas climatiques auront marqué cette année 2024. Les semis, les croissances, les récoltes des fourrages et des céréales ont été indéniablement impactés. Parallèlement, les marchés de céréales sont relativement bas au regard de la complexité de cette année, impactant d’autant plus les trésoreries déjà fragilisées. La FCO et la MHE frappent les élevages, provoquant des pertes de production (lait, croissance des animaux) et des pertes animales non indemnisées. Face à des rentrées financières en forte baisse certains éleveurs ne pourront pas acheter l’alimentation nécessaire pour leurs animaux entraînant des conséquences à plus long terme sur la reproduction et l’état de santé de certains cheptels. Une vigilance toute particulière devra être portée aux éleveurs traversant, pour bon nombre, une année scabreuse.