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En France, une moisson 2023-2024 en demi-teinte

Actuagri
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La filière céréalière bio fait le constat de rendements en baisse, dans un contexte de cours plutôt atone.

En France, une moisson 2023-2024 en demi-teinte
La filière céréalière bio représente 6 % de la valeur du marché céréalier national (crédit Slavica)

En agriculture biologique, FranceAgriMer dresse des bilans de campagne de collecte et non pas de production. Or une grande partie des grains récoltés en France est employée par des polyculteurs-éleveurs pour nourrir leurs animaux. Toutefois, la céréaliculture biologique n’a plus le vent en poupe. L’an passé, la surface des terres arables converties en bio (549 000 ha) a baissé de 5 000 ha – une première depuis des années - et celle des parcelles en cours de conversion (49 578 ha) est trois fois inférieure à 2019 (167 373 ha). Selon FranceAgriMer, 871 000 tonnes de céréales bio ont été collectées dans toute la France en 2023. Un chiffre à rapporter aux 55-60 millions de tonnes de grains conventionnels récoltés chaque année. Cinq régions métropolitaines (Nouvelle Aquitaine, Occitanie, Grand Est, Auvergne-Rhône Alpes et Pays de la Loire) ont livré plus de 60 % des 871 000 tonnes collectées à l’échelle nationale. L’Île-de-France n’est pas en reste. Au regard de sa dimension géographique, l’agriculture biologique s’est considérablement développée. 63 000 tonnes de grains ont été livrées l’an passé. Et les 12,5 millions de Franciliens sont férus de produits bio !

Un peu moins de la moitié en blé

L’an passé, les bons rendements ont plus que compensé les 5 000 hectares cultivés en moins en France. En 2022, la collecte de céréales biologiques avait été inférieure de 50 000 tonnes à celle de l’an passé. Si la canicule avait endommagé l’essor des cultures céréalières, seules 33 000 tonnes de blé, d’orges, de maïs et de triticale avaient été déclassées. Or l’an passé, 92 500 tonnes l’ont été. En conséquence, la quantité de grains utilisée en 2023 était presque équivalente à celle de 2022. Un peu moins de la moitié des céréales collectées était du blé (413 000 tonnes, 47 %) et 17 % du maïs (144 000 t). Comparées à la céréaliculture conventionnelle, les productions de triticale et d’orges collectées sont équivalentes à quelques milliers de tonnes près (environ 90 000 t). En fait, l’agriculture biologique se caractérise par une grande variété de céréales cultivées (épeautre, avoine, seigle, blé dur, millet, sorgho) et de plantes à graines (sarrasin par exemple) que l’on ne retrouve pas dans les mêmes proportions en agriculture conventionnelle. Environ 40 % du blé bio collecté est livré en meunerie et seuls 12 % à la fabrication d’aliments du bétail. A contrario, les céréales secondaires sont majoritairement employées par l’industrie de l’alimentation animale. La production de céréales bio approvisionne d’abord le marché français. Une faible proportion des grains est exportée chaque année. En 2023, les ventes de blé portaient sur environ 15 % des volumes collectés (60 000 tonnes) alors qu’en conventionnel, les deux tiers de la production française sont régulièrement exportés en Union européenne ou vers les pays tiers.

Des prix qui ne compensent plus la baisse des rendements

La filière céréalière biologique perd un de ses principaux atouts : ses prix. Après avoir oscillé autour de 500 euros la tonne entre les mois d’avril 2021 et juillet 2022, le cours de la tonne de blé bio ne cesse, depuis, de se replier dans le sillage des cours de la céréale conventionnelle. En fait, la flambée des prix des grains conventionnels en 2022 avait seulement différé de quelques mois la baisse des prix du blé biologique. Aujourd’hui, les prix des céréales bio commercialisées sont toujours plus élevés que ceux observés en conventionnel mais ils ne compensent plus la faiblesse des rendements. En France, la filière céréalière bio française est une niche. Elle ne représente que 6 % de la valeur du marché céréalier national. Le seuil de 10 % n’a été franchi qu’au Danemark (12 %) et en Autriche (11,5 %) sur des marchés bien plus restreints en volume que dans l’Hexagone.

Bilan participatif sur les moissons

La plateforme participative Moisson Live (www.moisson-live.com) a révélé les premiers résultats de cette moisson 2024, issus des partages de données d'agriculteurs de toute la France. Son objectif est de proposer aux producteurs une carte collaborative simple et pratique d’accès pour partager leurs résultats avec ceux de leurs collègues de toute la France pendant la période de récolte : rendement, qualité, taux d’humidité… Selon cette plateforme, en blé tendre, les premiers retours d’agriculteurs laissent craindre une récolte nationale catastrophique, si ce n’est la plus faible de ces 40 dernières années : la production est attendue autour de 26,5 millions de tonnes seulement (contre 35,6 Mt en 2023), avec un rendement moyen de 6,2 t/ha. En orge d’hiver la communauté Moisson Live estime la production française à 7,4 millions de tonnes, en baisse de 2,3 millions de tonnes par rapport à la récolte 2023. Le rendement moyen national est évalué à 5,9 t/ha, en baisse de 22,3 % par rapport au rendement moyen enregistré en 2023. Pour ce qui concerne le colza, les résultats sont très hétérogènes : les rendements s’annoncent meilleurs que ceux enregistrés ces cinq dernières années en Bourgogne-Franche-Comté et en Occitanie, et dans certains départements comme la Charente ou l’Allier. Mais ils resteront inférieurs à la moyenne quinquennale dans les Hauts-de-France, le Centre - Val-de-Loire et la Normandie. La production nationale de colza est évaluée à 4,2 millions de tonnes, en léger retrait par rapport à 2023, avec un rendement moyen estimé à 3,2 t/ha.

La plus mauvaise moisson de blé tendre en 40 ans

Dans un communiqué du 6 août, Argus Media France (ex-Agritel) confirme que la moisson de blé tendre en 2024 est la pire depuis celle de 1983. Elle est estimée, selon ce cabinet d’experts, à environ 25,71 millions de tonnes (Mt) contre 34,58 Mt en 2023. Cela représente une baisse de 27,2 %. Il faut remonter à 1983 pour retrouver des chiffres aussi bas (24,4 Mt). Le niveau de l’année en cours est d’ailleurs quasi identique à celui de 1982 : 25,2 Mt. Début juillet, les statisticiens du ministère de l’Agriculture (Agreste) tablaient sur une production proche des 30 Mt. Mais c’était sans compter sur les pluies abondantes qui ont marqué le début de l'été. « Les intempéries ont été à répétition du semis à la récolte », souligne le cabinet qui pointe les « excès d’eau qui ont asphyxié les racines », et la « pression des maladies et des adventices ». Ces conditions exécrables ont fait baisser les surfaces et ont lourdement pesé sur les rendements. Ceux-ci diminueraient de 18,7 % par rapport à la moyenne quinquennale pour atteindre 59,33 quintaux/ha contre 73,9 q/ha l’an dernier (-19,71 %). Quant aux surfaces, elles perdent 10,5 % en comparaison de 2023 pour atteindre 4,243 millions d’hectares (4,7 Mha en 2023).