Millésime 2024
Une production pire qu'en 2021
Lors de la dernière conférence de presse du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB) c'est une nouvelle récolte catastrophique qui s'est profilée : avec moins d'un million d’hectolitres, c'est pire qu’en 2021. Heureusement, la qualité est là. Et les marchés tiennent bon.
Si les volumes définitifs seront connus après les déclarations de récolte et communiqués à l’occasion de la vente aux enchères des Hospices de Beaune, les 16 et 17 novembre, François Labet, le président délégué du BIVB rembobinait l’histoire de la campagne par « les excédents de pluie expliquant la disparité des volumes de récolte » des différents vignobles de Bourgogne. Les mots de mildiou, oïdium ou pourriture étaient à peine prononcés du bout des lèvres, mais les regards avec le président du BIVB, pour la famille négoce, Laurent Delaunay, ne laissait guère de doutes : l’heure est grave. Les conséquences des maladies sont « terribles ». « Le vigneron a dû sauver sa récolte en étant dans sa vigne tous les jours ». Mais cela n’a pas suffi face à la grêle et autres coulures, millerandages… En sondant les Organismes de gestion (ODG), les chiffres tombent avec des prévisions de l’ordre de -70 % pour le vignoble de l’Auxerrois, -50 % à Chablis « avec des récoltes nulles parfois » ; -50 % pour les pinots noirs de Côte-d'Or et un peu mieux pour les chardonnays (-25 %). Finalement, seule la Côte châlonnaise semble s’en est bien sortie, sauf grêle par endroits. Le Mâconnais reprenant des prévisions négatives autour de -25 % attendus en volumes. « On pensait avoir touché le fond en 2021 mais 2024 sera encore en dessous de ce volume » qui frôlait pourtant à peine un million d’hectolitres.
Le « miracle bourguignon »
Dès lors, il fallait chercher un rayon de soleil dans ces nuages. « Une petite récolte ne signifie pas de mauvais vins, bien au contraire », reprenait François Labet, vantant ces « petits raisins » qui ont bien profité de septembre « pour mûrir de façon remarquable », avec de riches saveurs et bien concentrés. Rassuré, le vigneron de la Côte de Nuits faisait le parallèle avec le millésime 2022 à la dégustation pour les blancs et en rouges, plutôt avec le millésime 2010. Fait assez rare pour être souligné : François Labet remerciait aussi tous les salariés viticoles qui n’ont pas ménagé leurs peines et qui, comme les vignerons, « ont envie d’oublier vite cette année », qui n’est pourtant pas sans rappeler les décennies 1970 ou 1980, faites de vendanges pluvieuses fin septembre, début octobre. « C’est septembre qui fait le vin », disait le grand-père de Laurent Delaunay. Le soleil d’août et le vent de septembre ont permis d’accélérer les maturités et assainir, même si des hectolitres ont pu aussi s’envoler. Le négociant enchaînait donc sur les marchés. À commencer par celui entre la viticulture et le négoce.
Les négociants ont stocké...2024 !
Après une campagne 2022-2023 qui a retrouvé des couleurs grâce au très beau millésime 2022, les sorties propriétés de la campagne 2023-2024 ont continué dans la même dynamique, sur un rythme un peu plus faible néanmoins : + 1,6 %. Le besoin de refaire les stocks n’étant plus aussi prégnants. Comme pour la précédente campagne, les transactions de bourguignon à bourguignon supportent ce bilan positif : + 7,5 % en volume. Elles ont atteint un nouveau record en volume à 964 000 hl. Ce record est largement dû au développement des transactions « raisin et moût » qui représente 58 % du total des transactions de la campagne 2023-2024 (contre 48 % pour la moyenne quinquennale). « On a fait le plein à l’heure où la production était saturée », les négociants gagnants étant ceux qui avaient de la place pour stocker. Car la mauvaise récolte 2024 devrait à nouveau, après le trou d’air du millésime 2021, créer d’importantes variations sur les marchés. Avec une récolte d’1,7 Mhl pour les 2022 et d’1,9 M hl pour les 2023, ces « variabilités extrêmes », du simple au double, ne sont pas sans poser un certain nombre de problèmes « entre à coup pour la production et conséquences sur les cours du vin, sur les stocks ». Les stocks justement sont en augmentation par rapport aux écoulements, notamment après le ralentissement économique de cet été. Les marchés semblent repartir pour la Bourgogne. Actuellement, le BIVB estime que 2,9 Mhl sont en cave, soit au rythme actuel de commercialisation, environ 2 années. « Mais 2024 fera un déficit de mise en marché à partir de l’été prochain », pour les premières appellations mises en vente. De quoi raffermir les cours du vrac ou du moins ne plus les voir orientés à la baisse comme cet été, même si ce n’était pas sur de gros volumes de transaction.
Des prix plus tenus
Du côté des marchés, la crise économique et la déconsommation d’alcool et de vins (rouges) en particulier ont laissé derrière l’année 2023 une baisse moyenne de 6 % du fait aussi de la faible récolte 2021. En 2024, les premiers mois sont « en amélioration sensible sur le marché français ». La Bourgogne surnage toujours dans le marasme ambiant avec + 2 % en volumes comme en valeurs, alors que partout les chiffres des VSIG comme des AOP sont en baisses. « Un véritable exploit confirmé aussi à l’export ». Les consommateurs français, mais pas seulement, font néanmoins des sacrifices côté pouvoir d’achat et ce « relatif succès » est donc fragile. « En GMS, les consommateurs s’orientent vers des premiers prix, nos appellations régionales et des bourgognes en marque de distributeurs ». Les crémants passant en négatif. De quoi rester humble, tenir les prix et redire que les « meilleurs rapports qualité plaisir-prix raisonnables sont les Mâcon/Chablis ». Côté exportations, les mêmes tendances s’observent à l’exception d’un petit séisme : la Suède intègre le club des 5 premiers pays, prenant la place de la Belgique (après les États-Unis, le Royaume-Uni, le Canada et le Japon). Là encore, ce sont les AOC régionales, notamment les blancs du Chablisien et les rouges qui tirent la croissance paradoxalement aux marchés plus porteurs des blancs, rosés et pétillants. La Bourgogne est décidément à part…
90 000 visiteurs pour les cités... Surtout à Beaune !
Même si à Beaune, les responsables continuent de parler de Cités « mère » et « filles », et non « sœurs », Benoît de Charrette faisait un rapide premier bilan de la saison touristique des trois Cités des vins de Bourgogne. La première année avait enregistré 55 000 entrées payantes, comptabilisant les privatisations (séminaires…). Sur 12 mois plein (surtout à Beaune), à fin septembre 2024, les trois Cités ont enregistré 84 000 entrées payantes et devraient pouvoir atteindre les 90 000, en cette fin de saison touristique. Malheureusement, malgré une scénographie similaire, 83 % de la fréquentation se fait sur Beaune. Les objectifs de visitorat ne sont pas au rendez-vous, « surtout à Mâcon qui n’est pas une ville touristique », assénait-il. Seule la « privatisation », par les comités d’entreprises notamment, semble donner satisfaction. Pour passer la barre des 100 000 l’an prochain et l’objectif de 130 000 visiteurs par an pour atteindre l’équilibre budgétaire, une directrice commerciale a été récemment embauchée pour « mettre en marché » les trois Cités, notamment auprès des tour-opérateurs et professionnels du tourisme.