Chambre d'agriculture
Fin de mandat sous le signe de l'inquiétude
La session de la Chambre d'agriculture de l'Yonne du 29 novembre était la dernière de l'équipe parvenue au terme de son mandat. Entre l'instabilité politique, les mauvaises récoltes et les problèmes sanitaires, la question de la préservation du revenu agricole aura traversé les débats.
44 appels reçus en 2024, contre 20 l'année précédente. La cellule Réagir de la Chambre d'agriculture de l'Yonne (qui a pour mission de détecter les agriculteurs aux prises avec des difficultés techniques ou économiques) est un véritable baromètre de la bonne ou de la mauvaise santé du monde agricole départemental et, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'année écoulée ne dit rien de bon sur le moral des exploitants. Cette donnée, c'est Arnaud Delestre, le président de la Chambre, qui l'a rappelé, le 29 novembre à Auxerre, à l'occasion de la dernière session tenue dans le cadre de l'actuel mandat. Aléas climatiques, mauvaises récoltes, prédation, maladies affectant les animaux : le monde agricole local n'est pas à la fête et cela ressortait fortement des débats et échanges tenus ce jour-là. « Les engagements pris par l'État à l’issue des manifestations du début d'année se sont concrétisés avec une extrême lenteur, soulignait Damien Brayotel, président de la FDSEA 89, et beaucoup d'annonces sont restées vaines. La question du revenu reste prioritaire dans l'optique du renouvellement des générations. Il nous faut aussi retrouver de la compétitivité, en harmonisant les règles en Europe et que les contrôles soient faits intelligemment. Ce que nous demandons, c'est de la cohérence entre les exigences qui nous sont appliquées et celles des pays dont nous importons des produits agricoles. Il est urgent de redonner des moyens à l'agriculture, notamment vis-à-vis des jeunes pas encore installés et qui sont très inquiets. Dans le contexte actuel des gens vont devoir sortir du système et on les accompagnera, mais ce qui m'inquiète c'est qu'on a un système où des gens sortent, mais où personne ne rentre… » Il était rejoint dans ce constat par Walter Huré, pour le collège des coopératives : « On découvre depuis plusieurs semaines une grande détresse. On se rend compte dans ce contexte qu'espérer simplement une bonne année, pour en rattraper une mauvaise, ça ne suffira pas. On doit réinventer des systèmes. »
« Compétiteurs ou gardiens de la nature ? »
Le pire actuellement, c'est sans doute l'absence de vision, d'horizon permettant de se projeter au-delà des difficultés. L'éleveur porcin Éric Saison se posait la question tout haut : « On nous demande de devenir compétiteur ou gardiens de la nature ? L'affichage, sociétal ou politique, n'est pas clair et les consommateurs ne sont pas prêts à mettre le prix nécessaire pour protéger la nature. Depuis 1992, on est sur cette confusion et ce manque d'ambition. » Ce qui est préoccupant dans la situation actuelle, c'est aussi une fatigue mentale qui touche même les agriculteurs dont l'exploitation tourne bien dans l'absolu. C'est juste la preuve d'une grande lassitude qui s'installe. Face à ce tableau assez sombre qui entrait en écho avec le bilan dressé par Arnaud Delestre revenant sur une année 2024 peu glorieuse, notamment en viticulture et grandes cultures, le Préfet de l'Yonne, Pascal Jan, actait que la question de la souffrance agricole traduisait une interrogation sur le devenir de l'agriculture, évoquant même une « croisée des chemins ». « Au-delà, poursuivait-il, des dispositifs Réagir ou Sentinelle (MSA), il faudrait mettre en place quelque chose permettant d'aller vers les agriculteurs en difficulté, sans qu'ils se sentent montrés du doigt. » Dans ce registre, le Préfet abordait la thématique sensible des contrôles agricoles en soulignant la nécessité de créer des fiches d'observation s'y rapportant : « il est nécessaire d'avoir des remontées quand un contrôle ne se passe pas bien. On ne doit pas venir chez un agriculteur avec une présomption de culpabilité. Cela crée une défiance alors qu'on recherche la confiance… »
Nadine Darlot : « faire preuve d'empathie envers les agriculteurs en difficulté »
Après avoir effectué trois mandats en tant qu'élue à la Chambre d'agriculture de l'Yonne, Nadine Darlot, 1re vice-présidente, livrait un point de vue en résonance avec les inquiétudes exprimées : « j'invite les futurs élus à être beaucoup plus dans l'empathie envers les agriculteurs en difficulté. Soyez plus présents : des agriculteurs nous ont remerciés d'être à leurs côtés ».