Vendanges
Des viticulteurs « usés » par cette campagne
Dans l'Yonne, les vendanges sont terminées. Après une campagne éprouvante d'un point de vue psychologique et physique, les viticulteurs vont enfin pouvoir passer à autre chose et regardent déjà vers 2025 avec l'espoir d'une bien meilleure année.
Bruno Verret, viticulteur à Saint-Bris-le-Vineux, l'assure : « Tous les viticulteurs sont usés par ces vendanges. On a tous commencé la récolte en disant la même chose : vivement 2025 ». Une usure physique mais aussi et surtout psychologique. « On a jamais bataillé aussi fort que cette année, notamment dans la lutte contre le mildiou. Il a fallu aller encore plus effectuer des travaux à la main, c'était une année de combat. Et au bout, il n'y a pas de résultat », se désole-t-il. « Habituellement, au domaine, les vendanges se font sur trois semaines et demie. Cette année, on les a faites en 12 jours. La vigne était fragile et la météo annoncée était catastrophique, alors il fallait se dépêcher. Et puis, d'un point de vue psychologique, les vendanges étaient à peine commencées qu'on voulait qu'elles soient déjà terminées, pour pouvoir vite passer à autre chose. Il n'y a vraiment aucun plaisir à faire une récolte comme celle-ci. C'est une année frustrante pour les responsables d'exploitations comme pour les personnes qui travaillent dans les vignes. Tout le monde est impacté ».
« Plus violent que 2016 ou 2021 »
Frustrant, usant, le plus dur pour le monde viticole a été de voir la récolte s'évaporer petit à petit, jour après jour. « La récolte, au départ, on l'avait. Puis, chaque jour on la perdait. C'était tellement long que ça en était violent », confie Bruno Verret. « Pour moi, c'est encore plus violent que 2016 ou 2021. Ces années-là, on a perdu la récolte en quinze minutes. La sanction était immédiate. Cette année, il a fallu se lever tous les jours pour constater que la récolte diminuait. Et jusqu'au bout on avait l'espoir qu'il fasse beau et que les vignes sèches au moment des vendanges, que le raisin mûrisse. Là encore, on a dû récolter sous la pluie ».
Conséquence, la récolte est faible : entre 4 et 9 hl/ha sur les rouges, suivant les appellations (le domaine est en bio sur ses rouges depuis cette année, ndlr) ; entre 15 et 32 hl/ha pour les blancs (en HVE). « Par exemple, sur Beine, on fait 32 hl/ha, dans une zone qui a été moins impactée par le mildiou, le gel et la grêle. Par rapport au millésime, c'est très bien, mais par rapport à ce qu'on imaginait, on est à un tiers en dessous, on voyait plutôt la moyenne dans ce secteur à 40-45 hl/ha ».
Quant à la moyenne départementale ? Bruno Verret estime que sera entre 10 et 15 hl/ha pour les rouges et entre 25 et 30 hl/ha pour les blancs, « ce qui est très très faible ».
Si l'Auxerrois n'a pas été épargné cette année, d'autres secteurs ont encore plus été impactés, comme dans le Vézelien. Bruno Verret y était d'ailleurs avec le préfet de l'Yonne, Pascal Jan, la semaine dernière, pour constater les dégâts. « Vézelay est sinistré, ce ne sont plus des vignes. Il n’y a plus de feuilles, plus de bois, pas de mise en réserve, il n’y a plus rien », rapporte-t-il.
Comment se projeter sur 2025 ?
Alors, comment se remettre d'une telle année, avec quelles solutions ? « On m'aurait posé la question il y a un an, je n'aurais pas répondu la même chose. L'année dernière, nos gros soucis étaient la sécheresse, le gel et la grêle. Quant au mildiou, j'aurais dit que c’était quelque chose que l’on maîtrisait. Finalement, on s’aperçoit que lorsque c’est violent on ne maîtrise rien, si on veut rester sur des traitements avec des produits softs », répond Bruno Verret. « Sur l'avenir, la question est de savoir comment, économiquement parlant, on fait pour ne rentrer qu’une récolte sur trois, parce que ce qu’on vit en ce moment. Peut-être même qu'à un moment donné on n'aura plus qu’une récolte sur deux. Il va donc falloir gérer nos stocks. Aussi, d'un point de vue technique, on attend que les firmes se mettent en recherche de matières propres et efficaces pour lutter contre le mildiou, qu'on a redécouvert cette année. Enfin, il y a un travail à faire au niveau syndical (Bruno Verret est vice-président de la CAVB, ndlr) pour que l'on puisse garder plus de récolte les années où il y en a, pour compenser celles où il n'y en aura pas. Si on ne peut plus produire comme avant, il ne faut plus avoir les mêmes règles qu'avant. Cette idée de rendement butoir, est-ce encore d'actualité ? », se questionne le viticulteur ?
Quoi qu'il en soit, Bruno Verret l'assure, « sur 2025, on va essayer de tout faire pour être le plus efficace possible en limitant les investissements. On va quand même essayer d'amener nos idéologies jusqu'au bout en ayant conscience qu'il faudra peut-être en rogner certaines. Car même si on a des convictions (comme le bio), on ne peut pas faire mourir une exploitation avec. Peut-être qu'on n'aura pas le choix », conclut-il.
Un accompagnement des viticulteurs
Suite à cette campagne très impactante psychologiquement, la CAVB a décidé d'entrer en contact avec une entreprise travaillant sur le suivi du mal-être au travail, l'observatoire Amarok. « Cette entreprise est spécialisée dans les TPE et PME. Là-dessous, la MSA nous suit et la préfecture nous a montré son soutien », indique Bruno Verret, vice-président de la CAVB.
Pour plus d'informations sur le sujet, contactez la CAVB au 03 80 25 00 25.