Diversification
La voie du pavot alimentaire

Justine Demade Pellorce
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Comme une dizaine d’agriculteurs du Nord - Pas-de-Calais, Adeline Delattre s’est lancée dans la culture de pavot alimentaire. À Recques-sur-Hem, la petite graine noire offre une nouvelle rotation avant d’être livrée à l’entreprise Flanquart, spécialiste régionale des graines.

La voie du pavot alimentaire
La graine de pavot est plus petite que celle du colza et doit être semée peu densément pour aboutir à une centaine de pieds par mètre carré. (Crédit Justine Demade Pellorce).

« On se demandait ce que c’était ». Cette parole d’agricultrice fait écho aux nombreux messages qu’a reçus Adeline Delattre pendant que sa nouvelle culture sortait de terre, puis aux curieux arrêtés au bord du champ lors de sa première moisson en août 2023. Car pour la première fois cette année, la trentenaire a semé du pavot alimentaire.

C’est l’entreprise Flanquart, spécialisée dans les graines, qui a proposé aux agriculteurs volontaires de se lancer dans cette nouvelle production afin d’alimenter son usine d’Annezin (Pas-de-Calais). Un site qui réceptionne, transforme et commercialise des graines alimentaires variées, dont une partie est cultivée sur le sol français : pavot, lin ou millet sont notamment cultivés dans la région Centre et, dans une optique de diversification, pour relocaliser et s’adapter au changement climatique, peu à peu introduites dans les Hauts-de-France.

Si la culture du lin oléagineux sera probablement bientôt expérimentée du côté de Cambrai, c’est dans le Nord-Pas-de-Calais qu’une dizaine d’agriculteurs ont choisi de se lancer dans celle du pavot alimentaire qui, contrairement à son cousin, le pavot pharmaceutique, ne comporte qu’une très faible quantité d’alcaloïde. Deux ou trois éclaireurs s’étaient lancés il y a deux ou trois ans, suivis par de nouveaux pionniers parmi lesquels Adeline Delattre, qui a repris l’exploitation familiale à Recques-sur-Hem (Pas-de-Calais) il y a deux ans.

Celle qui a opté pour l’agriculture de conservation des sols cultive céréales, lin textile, pommes de terre, betteraves sucrières et quelques légumes. S’ajoute donc le pavot.

Mais déjà, pourquoi s’être lancée dans cette nouvelle aventure ? « Outre la nouveauté, j’aimais l’idée de travailler avec une entreprise familiale et locale (Flanquart, ndlr) qui était très ouverte et à la fois très carrée dans son activité », formule la curieuse par nature. Car si l’itinéraire technique est abouti pour la région Centre, il est nécessaire de l’adapter à nos latitudes ; et si le conseiller technique, « pointu et disponible » a pu accompagner les agriculteurs, il n’est pas sur place ce qui demande aux cultivateurs autonomie et autocontrôle. C’est le prix à payer pour tracer de nouveaux sillons.

Le semis, point clef

« Le pavot est une culture de printemps, qui se récolte l’été ce qui est déjà un très bon point pour les sols ». Une culture qu’on sème le plus tôt possible, dès la fin février dans le Centre car « plus on sème tôt, meilleurs seront les rendements », relate la jeune agricultrice. « Bien trop tôt pour nos conditions météo », balaie-t-elle toutefois avant de poursuivre : « Le semis est l’un des points clefs. Les graines sont toutes petites (plus que celles du colza) et nécessitent d’être mélangées à un substrat blanc qui, outre le fait d’apporter de la matière dans le semoir, permet de repérer la densité et la localisation des graines, invisibles sinon ». Moins de deux kilos de graines à l’hectare pour une centaine de pieds par mètre carré maximum : c’est la densité idéale.

Il faut ensuite semer sur un sol dur avec une faible quantité de terre par-dessus : un bon réglage du semoir s’impose. Le suivi de la levée est une étape primordiale encore, surtout à la découverte d’une nouvelle culture. « Pour ça, on va compter les levées en matérialisant un carré d’un mètre sur un mètre en y plantant un cure-dent à chaque plante pour compter et vérifier l’évolution : le technicien ne pouvant venir sur place, il nous faut des données chiffrées ».

Il faut compter deux premières semaines pour la levée, et deux mois pour une couverture totale du rang. De son côté, Adeline a opté pour un éclaircissement au bout d’un mois, estimant que la densité était trop importante par endroits. « Un ajustement normal quand on se lance », philosophe-t-elle.

Conduite culturale facile

La suite de la conduite culturale est plutôt simple : pas de ravageurs connus, donc pas d’insecticide, et pas de maladies puisque les parcelles sont vierges de la culture. Reste à désherber, deux à trois passages en fonction, et « contrairement aux cultures légumières pour lesquelles les produits sont de plus en plus restreints, ici les désherbants homologués suffisent », précise l’agricultrice. Vient la moisson, théoriquement deux semaines après les blés. « C’est le bon moment quand les graines sont bleu ciel (après avoir été blanches, marron puis noires) et qu’elles font du bruit dans la capsule quand on la secoue : ça indique un taux d’humidité idéal ».