Feader
La Région avance enfin

Cédric Michelin
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C'est dans une exploitation agricole de Saône-et-Loire, près de Charolles, que s'est tenue une nouvelle réunion sur les dossiers bloqués à la Région BFC, en lien avec le Feader. Chambre, syndicats, OPA, DDT, ministre ont tendu la main au Conseil régional. Ainsi, des dossiers avancent permettant à la Région d’enfin s’organiser.

La Région avance enfin
Le 11 juin, des manifestants avaient fait irruption au Conseil régional de BFC, à Dijon, afin de rappeler la persistance des problèmes liés à la gestion du Feader.

Le 17 juillet, au sein d'une exploitation agricole de Saône-et-Loire, près de Charolles, une cinquantaine d’agriculteurs étaient réunis, avec l'impression bizarre de revivre la journée du 6 novembre 2023. Ce jour-là s'était tenue, au même endroit, une réunion déjà consacrée au règlement des dossiers de financements agricoles liés au Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) bloqués en raison de problème de gestion au niveau du Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté (BFC). Tous les élus régionaux avaient été une nouvelle fois invités. Le vice-président à l’Agriculture, Christian Morel, était présent, ainsi que Josiane Corneloup, réélue députée de la circonscription, et Jérémy Decerle, non réélu au Parlement européen. On déplorait en revanche l’absence du directeur des services de la Région malgré son engagement lors de la mobilisation à Dijon le 10 juin dernier, remplacé par son adjointe au Feader, Cécile Thozet. « L’attente est très forte », prévenait Christian Bajard, président de la FDSEA 71 en début de réunion. Julien Fénéon, l'exploitant hôte de la réunion, présentait sa ferme et ses projets alors que son dossier PCAE est toujours au point mort. « Vous aviez promis des changements, mais il n’y a eu aucune évolution. Aujourd’hui, on veut des solutions concrètes et applicables », prévenait-il. 

La DJA, une priorité

Une colère légitime lorsqu’on sait que ses prélèvements et sa vie privée en pâtissent. Sans compter la perte de temps, d’argent, l’inflation et la hausse des taux avec des prêts à court terme. Le président de JA71, Maxime Bonnot, interpellait Christian Morel : « On veut un calendrier avec des chiffres et des objectifs clairs sinon on remontera à Dijon ». Christian Morel se lançait dans une série d’explications, souvent interrompues par des témoignages qui venaient contredire ses nouvelles promesses. « La DJA reste notre priorité à la Région avec paiement à 3 mois quand le dossier est complet », expliquait-il. Il précisait également avoir « remis du personnel » pour gérer d'anciens dossiers remontant parfois à 2017. Au-delà de ces dossiers en souffrance, la profession lui demandait de reprendre la gestion du flux normal des dossiers entrants, ne disposant d'aucune visibilité pour répondre actuellement aux porteurs de projets qui préfèrent reporter ou abandonner. « On a des renforts en septembre avec sept personnes supplémentaires. On avance bien », annonçait Christian Morel, s’engageant à revoir JA BFC fin août. Il remerciait aussi les techniciens des Chambres et des DDT qui ont repris des dossiers pour les débloquer. Le président de JA BFC, le Nivernais Thomas Lemée, remarquait : « J’ai du mal à entendre qu’on avance bien quand j’entends qu’on attend de régler des DJA de 2017 ! La profession agricole n’est pas cogestionnaire, on n’a pas cette responsabilité à porter sur nos têtes ». D’autres réactions d’agriculteurs ne laissaient pas le temps à Christian Morel de reprendre : « Vous allez payer des intérêts de retard à ces jeunes qui avaient besoin de l’argent alors que vous avez laissé ces dossiers dans les cartons ? ». Certes, ici, la Région a récupéré des « dossiers complexes » du passé. 

Equipe renforcée

Christian Morel reconnaissait aussi l’erreur de départ de la Région. L’apprentissage des appels d’offre ouverts « sur une longue période » a entraîné plus de problèmes à gérer puisqu’il y a désormais des « dossiers saute-mouton », comme il les appelle, sur deux programmations de Feader (RDR 3 et RDR4 actuellement). C’est donc un nouvel appel à projet qui va s’ouvrir sur une période plus courte. La seule vraie bonne nouvelle était celle d’équipe renforcée, avec, par exemple, la nouvelle directrice adjointe, Cécile Thozet, arrivée il y a 3 mois pour gérer les Feader à la Région. « Les comités de sélection et de programmation se réunissent pour étudier les dossiers reçus en décembre et pour apporter une réponse début août », avec l’engagement de les payer « directement » si le dossier est complet. Précision importante : l’État et donc les DDT jouent le jeu en récupérant plus de 800 dossiers, précisait Christian Morel. Le passif semble néanmoins grossir avec le président de la Chambre d’Agriculture, Bernard Lacour qui tenait à percer l’abcès : « je soutiens totalement nos techniciens sur les dossiers à tranches, possibles et bien faits. C’est petit joueur de nous mettre cette responsabilité. Le terme frauduleux est insupportable », disait-il en référence aux propos entendus à Dijon, tenus par Christian Morel et le directeur des services devant la présidente de Région comme pour se dédouaner. Bernard Lacour proposait un nouvel état d’esprit qui doit prévaloir pour le bien de tous les agriculteurs : « confiance et transparence ». Sinon, « les agriculteurs vont vous remonter les bretelles », disait Christian Decerle, président de la Chambre régionale d'agriculture, dans une colère froide. Sachant pertinemment que les dossiers n’allaient pas être payés à la sortie de cette nouvelle réunion, Christian Bajard demandait de « prolonger la prise en charge des intérêts des prêts à court terme » sur le budget de la Région. Pour rappel, c’est l’association des Régions de France qui avait demandé la gestion des aides Pac, n’ayant heureusement obtenu que les aides non-surfaciques. « La profession agricole s’est battue pour avoir plus d’argent et vous n’êtes pas foutus de le dépenser, vous empêchez des projets et mettez en difficulté des exploitations, y compris celles avec de bonnes assises économiques ». Un éleveur dans la stabulation ironisait sur le plan engraissement lancé dernièrement par la Région : « Il faut des bâtiments pour ça et nous, on sait anticiper pour faire naître des veaux ». Souvent interpellée sur le sujet et apportant son aide à son niveau, la députée Josiane Corneloup redisait trouver « inacceptable cette situation », n’étant pas rassurée « par les discours d’aujourd’hui » de la Région. Elle réclamait plus de proximité, à commencer par une « hot-line » pour que les agriculteurs aient un technicien à la Région qui réponde et les informe de l’avancée de leur dossier. Christian Bajard concluait sur ce qu’il ne veut pas voir advenir : « vous serez comptables des agriculteurs qui resteront sur le carreau ». Il donnait une dernière chance à Christian Morel pour que le retard se résorbe en 2024 et « pour être dans les clous en 2025 ».

Les avancées dûes à la pression syndicale et professionnelle

Programmation 2014 – 2022 : 

- la fin de programmation se rapproche. La date limite pour transmettre les paiements de la Région à l’ASP est le 30 juin 2025 mais, à cette date, il faut retrancher le temps d’instruction des dossiers. Tous les justificatifs des agriculteurs doivent être transmis à la Région avant fin avril 2025. La même date limite s'applique pour les dossiers repris par les DDT. Le 2 juillet, la Région a reçu un courrier du ministre de l’Agriculture annonçant la prolongation unilatérale des dates butoirs inscrites dans les conventions attributives de subvention. Les agriculteurs qui avaient une convention avec une date limite au 30 septembre pour demander le solde de leur subvention bénéficient d’un délai supplémentaire. Malheureusement, il n’affranchit pas le demandeur d’un avenant, s'il a modifié son projet initial.

Dossiers bâtiments : 

- sur les 1 489 dossiers à traiter, 963 dossiers n’ont pas encore fait une demande de paiement. La présidente de Région BFC , Marie-Guite Dufay indique : « Il n’y aura pas de dégagements d’office en juin 2025 avec la perte de financements prévus pour les agriculteurs »

DJA : 

- Au niveau des acomptes, la situation redevient normale. Aujourd’hui, leur taux de paiement se fait dans le respect des délais de trois mois. Il a été décidé d’utiliser l’intégralité des reliquats de l’ancienne programmation sur le financement 2023 et les premiers mois 2024, ce qui a permis de ne pas créer de rupture dans le traitement des demandes. Le nouveau dispositif, financé par la nouvelle programmation, devrait être opérationnel en septembre. 

PCAE : 

- Il reste 1 926 dossiers de l’ancienne programmation à payer. La procédure d’instruction va s’accélérer. Le transfert de 896 dossiers vers les DDT a permis de la désengorger. Le travail de complétude, assuré par les Chambres d’agriculture, de plus de 400 dossiers, apporte un soutien non négligeable pour faciliter leur traitement. La profession a sollicité le préfet pour proposer de nouveaux transferts aux DDT et permettre à la Région de se concentrer sur le RDR 4. Dossiers à tranches : 

- Après expertise par l’ASP, ces dossiers sont repris intégralement par les DDT et financés par l’État. Pour les dossiers « saute-mouton », concernés par une partie sur l’ancienne programmation et l’autre partie sur la nouvelle programmation, ils seront pris en charge par la Région. 

Fonds de solidarité : 

- Certains avaient compris que la Région maintenait le fonds de solidarité pour les dossiers non soldés qui en faisaient la demande. La réalitée est plus nuancée. La Région s’engage à ce qu’une concertation avec les banques soit engagée pour examiner les conditions d’un éventuel prolongement pour ceux qui n’auraient pas encore été payés. 

Programmation 2023-2027 : 

- Pour l’appel à projets 1 PCAE JA 2023, 99 dossiers ont été sélectionnés. L’ASP a donné son feu vert pour finaliser les conventions qui seront transmises aux intéressés avant la fin du mois d’août.

- Pour l’appel à projets 2 PCAE clôturé en février 2024, 601 dossiers ont été déposés. La phase de complétude est en cours. Leur instruction est prévue d’août à octobre. La sélection des dossiers est prévue à l’automne. Les dossiers non retenus bénéficieront uniquement des crédits de la Région soit une subvention de 50 % du montant prévu avec le Feader. Pour faciliter le traitement de ces dossiers, la Région s’est engagée à transmettre les informations générales, dans chaque département, auprès des opérateurs. Pour l’appel à projets 3 PCAE ouvert jusqu'au 4 septembre 2024, les services de la Région envisagent de prévoir un mois supplémentaire pour le dépôt des dossiers, car la période des vacances n’est pas propice pour récupérer toutes les pièces nécessaires au montage du projet, en particulier les devis auprès des entreprises. 

Evolution des grilles : 

- « Certaines productions, comme la volaille ou les porcs, n’ont pas accès aux aides car les grilles de sélection sont trop sélectives », explique Louis Accary pour la filière avicole. Un travail est engagé pour une meilleure prise en compte de toutes les productions, la mise à jour des grilles et la simplification des justificatifs à fournir pour les prochains appels à projets lancés fin 2024, début 2025.