Innovations
La transition agricole sans les filières, c'est du vent !

Berty Robert
-

Agmeetup, le rendez-vous annuel organisé par le pôle Agronov afin de permettre des rencontres et échanges entre monde agricole et entreprises innovantes se penchait cette année sur la problématique de l'implication financière des filières dans les transitions.

La transition agricole sans les filières, c'est du vent !
Chacun des participants à la table ronde a apporté, à son niveau respectif, des arguments prouvant que la transition agricole ne peut se faire qu'en collaboration avec les filières.

Changement de lieu, cette année, pour la nouvelle édition d'Agmeetup, l'évènement annuel permettant des rendez-vous d'affaires entre entreprises innovantes et représentants du monde agricole en quêtes de solutions technologiques. Agronov, le pôle régional d'innovations en agroécologie, avait décidé de rapatrier ses rencontres dans ses propres locaux, à Bretenière, plutôt qu'au siège de la métropole dijonnaise, comme auparavant. Comme chaque année, l'évènement proposait un grand nombre de rendez-vous. Nous avons choisi de nous intéresser à la thématique d'une table ronde organisée dans ce cadre et dont le thème était : « Pas de transition agricole sans financement des filières ! » Autour de la table : des représentants de l'agroalimentaire, de la grande distribution, des Chambres d'agriculture, des instituts techniques, des coopératives, et un créateur d'entreprise innovante.

Soutenir des paris économiques

L'implication des différentes filières apparaît comme une évidence pour soutenir financièrement des processus de transition nécessairement coûteux et qui sont aussi des paris économiques. « Valoriser les améliorations que nous pouvons apporter, en lien avec les évolutions réglementaires et les demandes sociétales est une vraie difficulté, remarquait Christophe Fouilland, responsable des équipes techniques et approvisionnement au sein de la coopérative Feder. On doit sans doute plus passer par des optimisations que par des contraintes mais c'est possible : Feder s'est intégrée dès 2016 sur des projets étudiants les empreintes carbones. Nous observons les marges existantes, mais, pour l'instant, nous nous heurtons au modèle économique encore mal défini des crédits carbones… » Trouver des sources de financements pour soutenir les transitions s'avère pourtant d'autant plus nécessaire que, comme le soulignait Delphine de Fornel, responsable de la zone nord-est chez Terres Inovia « ces transitions vont très vite, elles nous imposent de changer des pratiques de production, de transformation ou de distribution. Mais, dans ce cadre, aider les producteurs agricoles à accéder à des technologies innovantes, c'est intéressant ». Ces évolutions font aussi appel à des compétences très diversifiées, d'où l'intérêt, par exemple, de pouvoir s'appuyer sur un Groupement d'utilisation des financements agricoles (Gufa). Il en existe un dans la Nièvre, comme le rappelait Marc Bloch, chef de service Économie des entreprises au sein de la Chambre d'agriculture de ce département : « il est alimenté par les développeurs agrivoltaïques, dans le but de financer des projets collectifs, structurant à l'échelle d'une filière ».

Quand l'investissement industriel soutient les productions

La grande distribution, de son côté peut jouer son rôle, en impulsant la structuration de filière. L'exemple de Lidl est éclairant : la chaîne de magasin s'est tournée vers Terres Inovia afin de voir comment il serait possible de favoriser une production de soja local. « Lidl, expliquait Clément Gracik, responsable du développement immobilier de l'enseigne en Bourgogne, veut commercialiser des œufs, du poulet du porc, nourris par des protéines végétales non-déforestante. On fait des tests pilotes, ça marche pas mal mais la question du financement de la prise de risque économique des agriculteurs reste entière. C'est l'objet d'une réflexion actuellement ». Du côté de la Nièvre, la Chambre d'agriculture œuvre à une mise en concordances des attentes de la grande distribution et des maraîchers locaux. « Sur ces problématiques, concluait Marc Bloch, le plus important est de parvenir à travailler en collectif ». Enfin, restent les acteurs de l'agroalimentaire. Philippe Delin, de la fromagerie éponyme, a témoigné de l'importance des investissements réalisés ces dernières années par l'entreprise de Gilly-lès-Cîteaux, en Côte-d'Or : « nous avons investi dans une ligne de lait UHT. Après le Covid, nous avons lancé des laits départementalisés. Il était également important pour moi de parvenir à faire notre propre matière grasse pour fabriquer nos fromages. Les laits départementaux marchent très bien depuis 2023 et depuis mars dernier, nous travaillons pour la marque Envia de Lidl. Nous travaillons avec une trentaine de producteurs laitiers de Côte-d'Or, du Jura, du Doubs ou de la Haute-Marne. En valorisant le lait à nos producteurs, on leur permet de se développer et d'investir. Mais il faut réfléchir à la manière dont on consommera du lait dans les années à venir ». Financer la transition agricole implique de réfléchir à moyen et long terme. Frédéric Lamrche, fondateur de la start-up Agcoopilot concluait sans ambiguïté : « Avoir des filières avec nous aide à avoir de la visibilité, à peser, ça inspire confiance aux financeurs ».