Innovation
Agriculture et hydrogène : un projet en Côte-d'Or
Et si la prochaine étape de l'agrivoltaïsme, c'était la production d'hydrogène ? Un projet de ce type se monte actuellement en Côte-d'Or, porté par la société Q Energy, associée à l'entreprise Inthy. Deux représentants de Q Energy, Nicolas Brun et Clément Pichot, nous en disent plus.
Comment est né ce projet ?
Clément Pichot (responsable développement hydrogène) : « il est né afin de répondre à deux problématiques : Q Energy cherchait un moyen innovant de valoriser la production énergétique d'un projet agrivoltaïque, et Inthy avait la volonté de développer son activité de production d'hydrogène sur ce territoire au moyen d’une source renouvelable. Inthy était déjà présente dans le département via une production et distribution d’hydrogène, toutefois la demande en Côte-d'Or ne cesse d'augmenter. De son côté, Q Energy était en contact avec des acteurs du territoire pour le développement d’une centrale agrivoltaïque et ceux-ci ont rapidement été intéressés par une telle aventure. L’équation a donc été vite résolue en amorçant le développement de ce projet mixte innovant couplant infrastructure agrivoltaïque et production d’hydrogène ».
Pourquoi le choix de la Côte-d'Or ?
Nicolas BRUN (Chargé de nouveaux projets et territoires) : « c'est un département précurseur sur l’agrivoltaïsme. La Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) a fait le choix de la proactivité et a voté dès 2021 des critères précis et restrictifs permettant le développement d’installations de productions solaire sur les terres agricoles : celles-ci doivent avoir un faible potentiel agronomique, les projets doivent être de taille limitée et ne pas impliquer plus de 10 % de la SAU d’une même exploitation, les structures agrivoltaïques doivent respecter des recommandations techniques afin de ne pas impacter la production agricole, etc. Cette doctrine validée en 2021 a permis aux agriculteurs et aux énergéticiens de développer des projets pertinents et cohérents avec les attentes de l’administration ».
C. P. : « Par ailleurs, la Côte-d’Or présente l’avantage d’être au carrefour de différents points de consommation d’hydrogène. Par ce positionnement géographique, il sera possible d’approvisionner différents écosystèmes de consommation tout en limitant le transport de l’hydrogène. Cette implantation était donc naturelle pour développer ce projet hybride de production d’électricité renouvelable et d’hydrogène par électrolyse de l’eau ».
En quoi ce projet est-il innovant par rapport à ce que l'on connaît déjà en termes d'agrivoltaïsme ?
N. B. : « Les modalités du projet agrivoltaïque sont toujours en cours de coconstruction, entre l’exploitation concernée, les acteurs agricoles locaux et les énergéticiens. L’activité agricole devra être pérenne sur l’intégralité de la durée d’exploitation des équipements énergétiques, elle mérite donc d’être construite au mieux sur le long terme. Un des caractères particulièrement innovants de la centrale agrivoltaïque sera la valorisation de son électricité localement, puisqu’elle sera autoconsommée sur place afin de produire de l’hydrogène ».
Dans quel cadre partenarial ou contractuel cela s'inscrit-il avec l'agriculteur concerné ?
N. B. : « Aujourd’hui, en absence de bail rural à clause agrivoltaïque qui, nous l’espérons, verra le jour prochainement, nous travaillons avec des baux emphytéotiques avec division en volume. Q Energy et Inthy disposeront des volumes supérieurs et auront à charge les éléments de la centrale énergétique tandis que l’exploitant gardera son droit sur le volume inférieur : les sols et les productions agricoles. Ce système est le plus sécurisant et permet de maintenir le bail rural existant entre le propriétaire et l’exploitant. Depuis le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l'agrivoltaïsme, pour s'implanter un projet doit notamment répondre à une problématique agricole, avoir une activité agricole significative générant un revenu durable pour l'exploitation. C'est dans ce cadre que l'exploitant et Q Energy travaillent ensemble sur le projet. Une fois celui-ci coconstruit et le permis de construire déposé, il passera devant la CDPENAF qui rendra un avis conforme ».
Quelles seront les productions agricoles associées à ce projet ?
N. B. : « L’orientation technico-économique de l’exploitation est la polyculture-élevage, avec des parcelles en grandes cultures et des parcelles pâturées. L’exploitant prévoit de continuer à exploiter ses terres de la même manière. Le projet innovant couplant agrivoltaïsme et production d’hydrogène ne modifiera pas l’équilibre cultural et les pratiques. Pour autant, le projet ayant vocation à être construit dans plusieurs années, l’activité précise sur la parcelle concernée est susceptible d’évoluer. L’agriculteur définira la culture la plus pertinente à mettre en place au vu du contexte agricole et des caractéristiques de l’installation agrivoltaïque ».
Quand le projet sera-t-il opérationnel ?
N. B. : « Par son aspect particulièrement innovant et sa multitude de sujets, il nécessite un temps de développement supérieur à un simple projet photovoltaïque, puisqu’autant les énergéticiens, l’agriculteur ainsi que l’administration réfléchissent de concert pour construire le projet le plus pertinent possible. Actuellement, de nombreuses études sont en cours et les aspects techniques précisés, dans l’objectif d’une centrale opérationnelle courant 2028 ».
Quelles sont les collectivités impliquées ?
N. B. : « Depuis les prémices du projet, des présentations ont été effectuées aux élus communaux. Des échanges avec des riverains ont également permis de répondre aux premières questions. Le projet a été notifié à la communauté de communes concernée, discuté avec les syndicats de gestion des eaux et des bassins-versants, et présenté à des services départementaux ainsi qu’à des élus régionaux. De nombreux échanges ont également été tenus avec les collectivités intéressées par l’utilisation de l’hydrogène produit lorsque le projet sera mis en service. Ce projet innovant a l’envergure d’un projet régional tout en possédant un ancrage local important ».
Est-ce la première fois que Q Energy s'investit sur un projet de ce type, avec, en finalité, la production d'hydrogène ?
C. P. : « Q Energy développe son activité hydrogène depuis quelques années. Aujourd’hui, plusieurs projets sont en cours de développement, dont deux directement en lien avec des innovations dans le monde agricole. Le premier, présenté ici, vise à coupler de l’agrivoltaïque avec de l’hydrogène. Le second sera tout aussi innovant mais ne sera rendu public que dans les prochains mois ».
Quelles seront les spécificités techniques du projet ?
C. P. : « Il comporte sur la quasi-totalité de la parcelle une centrale agrivoltaïque qui associe la production agricole avec la production électrique, via des modules photovoltaïques totalisant une puissance envisagée de 7 MWc. Cette centrale est directement accolée à une station de production d’hydrogène par électrolyse de l’eau, d’une puissance installée de 5 MWe. La station de production d’hydrogène complémentera sa fourniture en électricité renouvelable locale avec de l’électricité bas carbone en provenance du réseau électrique. Une telle installation aura une capacité de production quotidienne maximale de 2 tonnes d’hydrogène qui alimentera aussi des flottes de véhicules lourds ou des industriels locaux ».
Comment s'articulent les rôles respectifs de Q Energy et Inthy sur un tel projet ?
C. P. : « Q Energy et Inthy sont énergéticiens avec des domaines distincts, mais dont l’ambition est identique : mener à bien la transition énergétique, et notamment sur les secteurs de la mobilité et de l’industrie. Les deux entreprises mettent en commun leurs compétences afin de développer ce projet dont l’aspect novateur nécessite de construire des processus de développement de projet et des solutions techniques sans précédent ».